Rue principale

Bien soulagée que James ait finalement retrouvé la raison, Ana se contentait d'écouter les paroles de l'homme saoul. En vérité, cela ne l'intéressait pas vraiment, et elle n'aurait pas tardé à rejoindre les Trois Balais, si une nouvelle agitation ne venait pas de venir aux oreilles du petit groupe. Que se passait-il aujourd'hui ? Pré-Au-Lard était définitivement devenu un endroit tout sauf paisible.

Alors qu'elle allait partir, elle aperçu les deux hommes descendre de la rue depuis les Trois Balais, baguettes à la main. Deux grosses capes noires... Au fur et à mesure qu'ils avançaient, leurs visages semblaient familiers. Des habitués des Trois Balais. Mais pas n'importe lesquels selon sa maman.

- Ok... Là, on devrait s'éloigner. Ils font parti du Conseil des Sorciers. chuchota-t-elle à ses deux camarades.

La petite Ana regardait tour à tour James et Eleanor, mais n'attendait pas vraiment de réponse. Imitant la majorité de la foule, la jeune fille s'éloignait de Dan, tout en gardant ce dernier à l'œil, peu importe la réponse des deux autres enfants. Elle les avait prévenu, c'était tout ce qu'elle pouvait faire.

James ne faisait plus vraiment attention à ses camarades. Il se contenta de quelques pas en arrière, le regard voyageant sans arrêt entre Dan et les supposés membres du Conseil des Sorciers. Allaient-ils s'en prendre à lui alors qu'il ne faisait qu'énoncer la vérité ? Que faisait ce foutu conseil contre les massacres présents dans les quatre coins du pays ? Si les sorciers se montaient la tête entre eux, comment pouvaient-ils espérer avoir une chance face aux moldus soudés comme le fer malgré leur profonde bêtise ?

- Oh mais ouiii ! Plutôt que d'aller affronter les moooldus, ou sauver les nôtres, vous nous courrez dans les pattes ici !! Elle est bien belle l'armée du Conseil !

Courage, folie, ou ébriété, ou les trois, rendaient Dan insolent. Il ne comptait pas se taire et mit même sa baguette en verticale devant son visage avant de la pointer vers l'un des hommes. C'était un signe de défi.

- La sagesse du Conseil nous a amené jusqu'ici, imbécile. Heureusement que le Destin des sorciers n'est pas orienté par les désidératas des déchets en votre genre.

Trancha le deuxième homme d'une voix grave, et ni lui ni son compère ne releva le défi du poivrot.

- Eh quoi ! Nous ne pouvons pas même nous exprimer sans que vous montriez vos bois d'if ?!

Cette fois-ci, c'était un homme de la foule qui intervint, à la rescousse de Dan. Les sorciers encore aux alentours semblaient plutôt d'accord avec paroles. Des "Il a raison" résonnèrent. Et les deux hommes en capes jetèrent quelques vifs regards autour d'eux.

- Assez de misérabilisme, bande de vauriens. Personne n'insulte le Conseil impunément, et l'alcool ne sera pas une excuse.

Sans crier gare il envoya d'un coup un éclair surprise en direction de Dan.

["Montrer le ou les bois d'if" est une expression sorcière similaire à "montrer les muscles". Parce que les baguettes en bois d'if sont généralement les plus puissantes et les plus répandues chez les duellistes.]

Ana continuait de reculer à bonne distance de Dan, assez pour être en sécurité -c'est en tout cas ce qu'elle jugeait-, mais pas trop afin d'entendre toujours la conversation. Elle observait James et Eleanor qui les avait suivis, fort heureusement. Observant le spectacle qui se produisait en face d'eux, elle sentait la tension monter entre les différents protagonistes.

La jeune fille ne pouvait s'empêcher de donner raison aux deux membres du conseil. Il était de leur devoir d'assurer la sécurité des lieux, et Dan avait totalement dépassé les bornes, en plus d'être saoul. Alors qu'elle pensait que ce dernier allait se calmer, ce fut tout le contraire qui se produisit. La jeune fille hochait la tête négativement, alors qu'elle laissait échapper un cri de surprise à la vue du sortilège qu'avait lancé l'homme en noir.

Le cuir de ses gants grinça sous le poids de ses phalanges contre sa paume. Ces abrutis du conseil ne faisait que de donner raison à l’alcoolique, du moins aux yeux du garçon.

Où sont-ils quand la société magique a réellement besoin d’eux ?

La ferveur générale réveillait sa témérité et le poussa à s’avancer légèrement, se tenant dorénavant juste au flanc du couloir qui s’était formé entre Dan et les soldats de l’armée du Conseil.

C’est alors que les deux pleutres refusèrent le "duel" proposé par le pochtron, ne s’interdisant cependant pas une malicieuse attaque surprise. Quelle honte. Le gamin aux cheveux de jais s’élança sans tarder sur l’un des deux hommes - le plus proche - pour tenter de le pousser, bien que la différence de carrure l’empêcherait sûrement de faire quoi que ce soit. Une simple gêne, un élan, qui permettrait peut-être à d’autres de suivre, ou bien à Dan de s’enfuir s’il n’était pas déjà vaincu.

« - ARRÊTEZ !! » hurla-t-il en bondissant sur l’un des deux hommes en noir.

James Ashworth transpirait la véhémence, laissant sa colère s’exprimer.

« - IL A RAISON, VOUS ÊTES DES INCAPABLES !! VOUS NOUS LAISSEZ MOURIR !! » enchaîna-t-il aussitôt, tandis qu’il tentait de faire tomber l’adulte.

Un sanglot qui lui serra la gorge, aussitôt réprimé, ne suffit pas à le calmer.

James cria "ARRÊ", et personne n'entendit la fin du mot, le bruit de détonation que fit l'impact du maléfice sur Dan surplomba tout et à vrai dire, cela coupa sans doute même l'élan du garçon. Le pauvre bonhomme fut violemment éjecté de son banc et s'écrasa comme un chiffon mouillé sur un arbre à plusieurs mètres de là, il devait avoir les os en miettes. Il tomba ensuite au sol, la tête la première, la bouche baveuse, inerte. La scène calma les ardeurs de la foule, mais peut-être pas celle de James qui avait bondit vers les hommes en noir. Il était à un pas de celui qui avait lancé le sortilège, ce dernier  se tourna d'ailleurs vers le garçon. Cet homme paraissait désormais encore plus grand pour le petit James.

- Qu'est-ce que tu veux gamin ? lui jeta-t-il comme on jette une mornille à un clochard, en le toisant d'une tour insurmontable.

James lui était tellement insignifiant, qu'il ne semblait même pas avoir réalisé qu'il s'était approché avec des intentions hostiles. La foule ne mouftait pas, James n'avait pas su attiser les flammes de leurs cœurs. Peut-être étaient-ils trop lâches...  ou peut-être étaient-ils suffisamment intelligent.

La violence du sortilège avait totalement masqué les paroles du pauvre garçon, et l'attention d'Ana s'était complètement focalisée sur l'attaque plutôt que sur James. Simple, rapide, et efficace, les deux hommes en noir n'étaient clairement pas à prendre à la légère. Aussi, elle haussa un sourcil à l'intervention futile du futur jeune sorcier (ou non), et se tournait vers Eleanor.

- Alors lui... Il va pas passer les portes de Poudlard. Quel idiot.

Agrippant plus fermement son panier de Branchiflors qui était destiné au Trois Balais, elle ne bougeait pas d'un poil. Elle n'en avait que faire de James, et Ana n'irait surement pas faire face aux deux hommes du Conseil des Sorciers. Si le garçon voulait se faire expulser de Poudlard avant d'y avoir mis les pieds, grand bien lui fasse. La maman d'Ana l'avait bien trop mis en garde contre ces gens. Elle restait donc spectatrice.

Eleanor se recula d'un pas en voyant les conséquences qu'eut le sortilège qui avait été envoyé. Ses yeux s'écarquillèrent en grand et ses lèvres formèrent un "O", choqué par la violence dont elle venait d'être témoin. Et surtout la future élève de Poudlard se demandait dans quel état était ce Dan. Assommé ? Se pourrait qu'il soit mort ? Quand à l'intervention de James elle était aussi brave que bête. Qu'espérait il à venant de front comme ça désarmé ? D'après Ana cela pouvait lui coûter son entrée à Poudlard. Elle avait à ce moment de la peine pour ce garçon et aurait bien voulu l'aider mais le sortilège l'en dissuadait grandement.

- Cet homme... Il va s'en sortir n'est-ce pas ? Il n'est pas... ?

La rousse chuchota cette question à sa camarade, inquiète. Elle continua d'observer la scène avec l'écossais, espérant qu'il ne ferait pas plus de vagues dans son propre intérêt.

La vue de l'Ashworth se flouta. Quelques perles ornaient ses yeux, trahissant une émotion certaine pour un petit garçon de son âge, acteur d'une scène si violente. Son regard se détacha du corps de l'ivrogne, dont il ne pouvait connaître l'état de santé, et revint se déposer dans celui du colosse, dressé devant lui tel un mur qu'il ne pouvait encore escalader. Il voulait parler, s'exprimer, expliquer pourquoi ces hommes avaient tort. Monter cette horde de sorciers contre eux, retourner la situation, leur faire subir ce qu'ils venaient de faire au pochtron. Pour qui se prenaient-ils, exactement ? Ils s'attaquaient à leur propre race. Cet homme n'avait pas mérité un tel traitement, mais c'était trop tard.

Et James n'avait pas les armes nécessaires pour faire quoi que ce soit. Il était petit, insignifiant, négligeable, une miette au milieu de plat. De quelle arrogance s'était-il épris ? Le sanglot réprimé précédemment revint de plus belle, le forçant à expier un pleur, puis un second. Sa main gantée vint cacher ses yeux tandis que sa tête s'était baissée. Immobile, face au soldat du conseil, James Ashworth craqua et se mit à pleurer.

Il observa le visage du garçon se fondre en une grimace pleurnicharde, perplexe.

- Rentre chez toi mon garçon.
- J'espère que ce n'est pas son fils, fit le compère à côté.

Ils laissèrent James là et allèrent en direction du corps de Dan.

- Allez du balai !

À l'adresse des hommes et femmes encore amassés dans les parages, qui se dispersèrent pour de bon après l'invective. Et les deux hommes partirent avec Dan ou son cadavre, on ne sait trop où.

Peu de temps après, les choses reprirent leur cour habituelle ici.

La situation avait rendu quelque peu perplexe la jeune fille, qui ne comprenait pas tellement la réaction du garçon. Pourquoi est-ce qu'il pleurait ? Pourtant, les deux hommes ne lui ont pas fait de mal. Et puis, en plus, elle l'avait prévenu ! Deux fois, qu'il fallait reculer et s'en aller ! Mais James en avait fait qu'à sa tête, et c'est ce qui arrivait quand on n'écoutait pas Ana. Son regard se posait ensuite sur le corps de Dan, puis d'Eleanor. Elle-même ne savait pas l'état de santé de l'alcoolique. Ainsi, elle répondait d'un ton calme à Eleanor.

- Je... Je pense que ça va... Ils l'ont seulement mis hors d'état de nuire.

En tout cas, elle l'espérait. Les deux hommes restaient des membres du conseil des sorciers, ce n'était pas des hors-la-loi. Voyant que le jeune James était dans tout ses états, Ana s'en approchait finalement. Elle n'allait tout de même pas le laisser tout seul, même si c'était un idiot. Elle tentait d'esquiver le regard des deux hommes en noirs, ces derniers impressionnaient fortement Ana.

- Allez, c'est pas grave... C'est terminé... Tu... veux venir au Trois Balais ? On fait de bonnes boissons de Branchiflors.

La jeune fille n'était pas tout à fait sûr que cela soit la meilleure chose à dire dans ces moments-là, mais c'était tout ce qui lui passait par la tête. Elle devait de toute manière retourner à l'auberge avec sa corbeille pleine de plantes. Elle regardait également Eleanor, la question valait également pour elle. Rien de telle qu'une petite boisson pour se remonter le moral.

A vrai dire Eleanor était dégoutée par la scène à laquelle elle venait d'assister. Que ces gens face leur métier de maintien de l'ordre publique était une chose mais en arriver à un tel excès de violence n'était vraiment pas nécessaire, il y avait forcément une solution pour immobiliser Dan sans devoir lui infliger tant de souffrances. Son coeur se serra légèrement en les voyant partir, était-ce donc ça le monde des sorciers ? Ce n'était guerre étonnant de les voir dans une situation aussi critique si même entre eux ils étaient capables de telles atrocités.

- J'espère...  Ils ont fais plus que le mettre hors d'état de nuire quand même...

Souffla t'elle, toujours sous le choque de cette vision de l'alcoolique qui avait été envoyé valdinguer avec force. Mais ce n'était pas la seule chose qui la peinait, la réaction de James également. Il avait agit sans réfléchir mais ça partait d'un bon sentiment cependant. Le voir effondrer comme ça ne faisait pas plaisir à voir.

La rousse suivit Ana jusqu'à lui mais ne trouva rien à dire qui puisse le consoler.  Pour le moment elle se contenterait de sa présence avec l'autre jeune fille, bien que ça ne serait pas d'un grand réconfort. Elle lui porta un regard compatissant avant de croiser le regard de l'habitante de Pré-Au-Lard. Elle acquiesça pour lui signifier qu'elle la suivrait jusqu'à cet établissement au nom farfelu.

Les sentiments s'entremêlaient et créaient un goût amer dans la bouche du garçon. Personne ici ne comprenait réellement ce qu'il ressentait, ni même la raison de ses pleurs, mais tout cela n'avait aucune importance. La seule chose que retenait l'Ashworth était l'humiliation qu'il venait de vivre. Cette dernière s'encra dans sa chair, dans son sang, aussi rapidement qu'il se débarrassa de son dernier sanglot, redressant la tête en observant filer les deux justiciers. Les paroles d'Ana ne lui firent aucun bien, l'endommagèrent même un peu plus, et seule une paire d'yeux rougis lui répondit. Une colère palpable était lisible sur le visage du gamin aux gants, déjà en train dans les redresser pour la centième fois de la journée. Un toc dont il se débarrassait pas.

Il venait d'apprendre beaucoup de choses sur cette société corrompue jusqu'à l'os, mais aussi sur sa propre personne. Ici, devant la foule qui l'avait pris en pitié et qui s'envolait déjà, il se jura de ne plus revivre un tel affront. Pour les siens, James ne pouvait pas se le permettre.

« - Non... Ce n'est pas terminé. »

Reprenant les paroles d'Ana, son regard furieux croisa une dernière fois ceux de ses camarades, avant qu'il ne s'en aille en direction du quartier des réfugiés. Tout cela n'était que le commencement.

Tout en suivant des yeux le jeune garçon qui s'éloignait d'eux, refusant dès lors la proposition infiniment gentil d'Ana, cette dernière affichait une mine consternée et stupéfaite. Elle lui rendit son regard de colère, et une fois qu'il fut assez loin pour ne plus l'entendre, elle s'exclama.

- Triple idiot. Pitié, qu'il ne soit pas dans ma Maison une fois arrivé à Poudlard !

Ses deux yeux amandes se retournaient vers Eleanor, et son faciès s'adoucissait directement. Elle était bien plus gentille que l'autre idiot, et Ana lui donnait même un sourire.

- Allez, suis-moi, c'est pas si loin, juste au bout de la rue. Moi, c'est Ana, et toi ?

Il était bien difficile de comprendre ce James qui avait des réactions qui prenaient au dépourvu, elle ne comprenait pas non plus cette apparente colère mêlée de tristesse. Il fallait dire que c'était compliqué pour une fille de onze ans de réellement comprendre tous les sentiments qui se mélangeaient dans la tête du garçon et qui provoquaient un cocktail explosif. Elle n'ajouta rien de plus mais comprenait l'agacement d'Ana qui s'était montrée gentille et venait de se faire remballer aussi froidement. Elle n'était pas responsable de ses états d'âme !

- C'est vraiment gentil de ta part Ana. Moi c'est Eleanor, enchantée.

La proposition et le sourire de la jeune fille étaient forts bienvenues après de tels événements. Tous les sorciers ne semblaient pas être à l'image des deux odieux hommes de tout à l'heure. Le sourire fut rendue à son hôte, en même temps qu'une discrète et brève révérence, sans qu'on puisse dire si c'était sérieux ou non.

- Je suis curieuse de goûter à cette boisson aux bran... chiflors !

Eleanor avait hésité sur cet étrange mot mais s'en était souvenue.

Assis sur un banc présent dans la rue principale, le jeune Ashworth observait la rue à la recherche du binôme de la veille. Conscient qu'il ne devait plus s'attirer de problèmes avec le CdP (Conseil des Porciers), James n'avait cependant pas abdiqué. Il souhaitait les retrouver et les suivre dans une journée type, histoire de savoir ce qu'ils faisaient de leur journée à part fracasser du pochtron. Mais cela semblait être peine perdue, puisque depuis deux heures, le garçon à tendances obsessionnels n'avait pas réussi à les repérer dans Pré-au-Lard. Peut-être étaient-ils simplement de passage la veille... Tant pis, cela ne l'empêchera pas de revenir le lendemain avec la même idée en tête.

James se leva et refixa correctement ses mains à l'intérieur de ses gants, rabattant ensuite ses longues manches par-dessus ses poignets. Il dépoussiéra et défit les plis de ses vêtements, et fit enfin prêt à repartir à l'aventure. Mais quelle aventure pouvait bien l'attendre au sein de ce village qu'il avait déjà traversé dans tous ses sens depuis son arrivée ? La rentrée lui paraissait si lointaine, il fallait absolument tuer l'ennui. Quand est-ce que ces portes allaient enfin s'ouvrir ?!

Soupirant et glissant ses mains dans ses poches, son regard fit alpagué par une silhouette haute en couleur. Détonant complètement du reste des gueux présents dans la foule, l'accoutrement de l'étrangère lui rappelait le genre de tenues que pouvait porter sa mère. Ainsi, plongé dans des pensées, James la fixa sans faire attention, regardant la jeune fille qui marchait pile dans sa direction atteindre son niveau.

-"Bonjour. "

Il ne semblait pas être dérangé de quelques manières, María Esperanza jugea donc bon de ne pas s'attarder en de futiles politesses.

-"Je cherche" Elle se replongea quelques instants dans sa feuille avant d'à nouveau fixer son interlocuteur. "Des ... chaudrons en étain ? Tu sais où l'on peut en trouver ?"

Perdu dans ses pensées, Maria avait pu constater en s’approchant que son regard semblait dorénavant plus dans le vide que fixé sur elle. Lorsqu’elle brisa la glace et le salua, James sortir de sa torpeur et cligna plusieurs fois des yeux, surpris par cette jeune fille qu’il avait pourtant fixé jusque-là. Propre sur lui, le garçon ne semblait pas avoir le centième du capital bancaire de la demoiselle, mais portait tout de même des habits neufs.

« - Salut. Des chaudrons en étain tu dis ? Là, juste derrière. »

Du pouce droit, il pointa la boutique qui se tenait juste en diagonale du banc où ils se trouvaient. Avec la foule, il était parfois compliqué de repérer les choses les plus visibles de l’allée principale.

« - Tu prépares ta rentrée ? »

Une question quasi réciproque, mais qui lui permettait d’engager un semblant de conversation pour savoir si l’étrangère était réceptive ou non à un échange.

Ses yeux noirs plissèrent et suivirent la direction entendue que le pouce de son voisin lui indiquait. Elle en soupirerait presque de soulagement: sa petite taille ne lui permettait nullement de voir par-dessus les adultes agglutinés dans la rue aux endroits stratégiques: devant les boutiques généralement, et ce n'était pas les pauvres talons qu'elle portait aux pieds qui allaient l'aider dans ce sens. Au moins María Esperanza eu sa réponse de suite sans qu'elle n'ait besoin d'interroger plus de monde que nécessaire.

-"Merci."

D'ordinaire, la fillette aurait immédiatement tourné les talons pour s'y rendre et laisser en plan le pauvre garçon à ses occupations, non pas qu'elle fût snob, malgré les apparences trompeuses, plus timide en réalité, mais malheureusement elle ne pouvait pas s'en tirer ainsi maintenant que James voulait converser et la questionnait. Quelques secondes durant, l'Infante garda un silence volontaire, zyeutant à droite à gauche, avant de se lancer.

-"Oui. Sophie m'a donné une liste des choses dont je pourrais avoir besoin pour ma première année. Mais je ne pensais pas ... tout cela nécessaire."

"Tout cela" devait très certainement désigner la dite liste qu'elle tenait entre ses fines mains.

« - Sophie ? T'as hérité d'une tutrice qui te fait tout faire à sa place, toi aussi ? »

Sarcastique, le garçon avait laissé apparaître un sourire qui trahissait sa bonne humeur. Le silence imposé quelques secondes par Maria ne semblait pas l'avoir gêné plus que cela. Ici, tous les enfants trainaient souvent un bon nombre de problèmes en plus d'un gros dépaysement, il commençait à comprendre que tout le monde n'était pas forcément à l'aise. Mais avant qu'elle n'ait eu le temps de répondre à sa première question, James enchaîna.

« - Tu veux m'faire voir ta liste ? Si je peux t'aider... » ajouta-t-il avec un mouvement d'épaule avant de tendre la main pour proposer à la fillette de la lui confier.

-"Ce n'est pas vraiment ma tutrice c'est plus ... ma gou..."

James parlait bien trop vite au goût de María Esperanza, qui n'eut pas le temps de finir son explication concernant sa gouvernante, et son attitude la désarçonnait. Même si ce n'était qu'un simple synonyme, gouvernante, tutrice ... tout cela n'était que la même chose foncièrement, Sophie devait s'occuper d'elle jusqu'à sa majorité ou bien la fin de sa scolarité en ces lieux. Son père ne s'étant pas montré avare en détails sur ce qui serait sa nouvelle vie ici, la fillette s'était renseignée auprès de son accompagnatrice qui lui avait expliqué que les élèves sorciers de Poudlard passaient sept années à apprendre la magie et tout ce qui y touchait de près ou de loin.

-"Tiens ..."

Avec réticence elle lui tendit la dite liste. Quand il posa ses yeux dessus, James ne vit rien de spécial: les fournitures demandées aux élèves apprentis sorciers, rien de plus qu'il ne le savait déjà. Du moins c'était ce que pensait María Esperanza qui voyait en son voisin un connaisseur. Et qui donc devait forcément avoir la même liste, c'était logique.

-"As-tu fais la tienne ? A moins que tu ne sois déjà rentré dans cette école ..."

L'Infante ne savait nullement que la plupart des élèves auraient "la chance" de se voir prêter la plupart du matériel noté et que rares étaient ceux ayant leur propre équipement. Encore une différence de statut sociale qui la marquerait des autres très certainement.