Rue principale

- Si tu n'hurles pas depuis les gradins, je veux au moins une pancarte d'encouragement alors !

Dante, toujours prompt à l'humour, s'amusa de sa propre exagération, laissant échapper un rire. Il semblait clair qu'il ne se prenait pas trop au sérieux, cherchant simplement à distiller un peu de légèreté dans l'instant. Il était ravi d'insuffler un brin de motivation à Célonia, qui, semblait-il, s'était un peu résignée aux duels magiques. Il avait foi en elle, anticipant une reprise de confiance progressive qui la pousserait à se mesurer à nouveau lors de futurs tournois.

- Sinon, qu'est-ce que tu faisais de beau ? ajouta-t-il, curieux de connaître les détails de ses occupations.

S'imaginer brandir une pancarte en hurlant. C'était loufoque, à des années lumières de ce que la jeune Harpis ferait, mais rien qu'imaginer la scène suffisait à la faire sourire.

- Pourquoi pas une banderole ? Je pourrais réunir d'autres filles et nous entourerons la scène en clamant des encouragements.

Encore fallait il trouver des volontaires, mais sans doute qu'en persévérant un peu...

- Pendant le tournoi ? Demanda-t-elle, incertaine si là était la question de son interlocuteur. Hum... Je préparais mes vacance si je me souviens bien. Ma famille s'est cachée dans le Nord du pays, c'est un bel endroit, mais il y a peu à m'y faire alors je veille toujours à quitter Poudlard avec un maximum d'activités préparés à l'avance. Révisions, lectures et d'autres petits travaux qui rentreraient dans ma besace !

- Deal.

Il se trouvait que le jeune Schtauffen attirait quelque peu l'attention des jeunes filles de sa promotion, bien que lui-même ne manifestât qu'un intérêt très limité à leur égard. Cette réalité allait certainement faciliter la tâche pour Celonia, bien plus que ce à quoi elle aurait pu penser. Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres de Dante, il hocha la tête à plusieurs reprises, comme pour sceller le marché conclu tacitement, avant de riposter avec une pointe de légèreté face à la planification rigoureuse de la jeune Serdaigle.

- Le Choixpeau n'a certainement pas fauté en te plaçant sous l'égide de Rowena. Tu es véritablement une de ses disciples.

Celonia n'avait pas eu vent de la popularité de Dante auprès des demoiselles de sa promotion. Toutefois, elle savait qui étaient les garçons et les filles populaires du château et nul doute que le nom de Schtauffen arrivera à ses oreilles incessamment sous peu. Il allait, évidemment, de soi qu'il serait hautement déplacé et indigne de se rendre au tournoi en hurlant comme une possédé, toutefois, Dante l'avait convaincue d'être plus attentive aux festivités de cette année, ce qui n'était pas rien. Sauf nouvelle catastrophe, Celonia sera donc présente tant en tant que participante que spectatrice de la suite.

- Peut être ! On m'a imaginée dans plusieurs maisons déjà ! J'en avais discuté avec le professeur Blackwine, mais celui-ci m'avait dit qu'en fin de compte, ça ne faisait que peu d'importance. Pour ma part, j'avais tout de même été un peu déçue des élèves Serdaigles l'année dernière. Entre Shane et ce qui s'est passé le soir du bal sans compter tous les spécimens qui errent dans notre salle commune.

Elle claqua la longue en mimant un air désolé avant de lever les yeux en l'air. Curieusement, Connor était absent de sa liste de doléances et, pour cause, elle n'avait aucune raison de lui en vouloir puisqu'il avait toujours été courtois et serviable à son égard.

- Et toi alors, tu te plais à Gryffondor ? Tu t'imagines parfois ailleurs ?

Aux yeux de Celonia, Dante était parfaitement à sa place dans la maison rouge, mais elle était curieuse de connaître son avis sur la question.

Parmi les différentes maisons de Poudlard, Serdaigle suscitait chez Dante une indifférence particulière. Son cœur battait pour Gryffondor, là où résidait son allégeance la plus profonde. Une amitié naturelle le liait généralement aux Poufsouffles, tandis qu'une certaine hostilité marquait ses relations avec les membres de Serpentard. Les aigles bleus semblaient flotter au centre de ce tourbillon, baignant dans une neutralité qui n'inspirait chez Dante qu'une attention limitée. Quelques individus de Serdaigle se démarquaient à ses yeux, mais sans véritable éclat.

Il laissa échapper un soupir léger avant d'exprimer ses pensées à voix haute.

- Gryffondor semble être la maison qui me convient le mieux, admet-il, avant d'ajouter avec une pointe de perplexité.

- Mais aussi étrange que cela puisse paraître... Serpentard aurait pu être une maison qui m'aurait convenu, malgré les divergences d'idées avec certains d'entre eux. Une lueur de réflexion traversa son regard, laissant entrevoir une complexité sous-jacente à ses choix de maison.

Le fait qu'un garçon comme Dante puisse s'imaginer à Serpentard sembla l'étonner, mais pas tant que ça... Après tout, il existait bien des philosophies divergentes dans la maison vert et argent, Augustus était là pour en témoigner. Par ailleurs, Celonia s'était sans doute plus imaginée porter le vert que la plupart des autres élèves et se trouva donc étonnamment sensible à un aveu.

- Un serpent déguisé en lion ? Ou un lion déguisé en serpent ?

Une mimique d'une goguenardise étonnamment criante sembla filer sur ses traits le temps d'une brise, elle fut juste assez criante pour être observable puis, tel le héraut d'une sinistre résurgence, s'évanouit pour laisser place à l'habituel et familier sourire avenant de la jeune Harpis.

- Dans les deux cas, c'est un mélange qui ne manque pas de panache ! Courage et ambitions peuvent bien aller ensemble, je trouve !

De quoi faire plus d'étincelles qu'un silex contre un roc, à n'en point douter !

- Une chimère.

Dante énonça cette affirmation comme pour laisser planer sa réflexion sur son appartenance. Un mélange étrange d'audace et d'ambition, où ses désirs parfois s'entremêlaient de manière cryptique. Les raisons de son éventuelle affiliation à Serpentard semblaient trouver leurs fondements dans son ambition persistante. Malgré ses tentatives occasionnelles de la contenir derrière une façade ludique, un voile de divertissement en somme. Cependant, il ne pouvait nier la force de ses désirs et en tant que Gryffondor avéré, il s'acharnerait sans relâche pour atteindre ce qu'il convoitait.

Sans plus tarder, il inversa les rôles en posant à Celonia la question de savoir si elle pouvait envisager une maison autre que celle des Serdaigles.

- Quant à toi, t'imagines-tu dans une autre maison que chez celle des aigles bleus ? interrogea-t-il, curieux de connaître les pensées de la jeune Harpis sur cette éventualité. De son côté, il la voyait elle aussi s'affilier à une maison reflétant le symbole de l'ambition.

- Serpentard, sans l'ombre d'un doute.

Le gros de ses fréquentations était de cette maison et la jeune fille avait plus tendance à compter sur la ruse et ses fréquentations pour se sortir de situations périlleuses.

- Même si le professeur Blackwine dit que j'ai aussi un petit côté Gryffondor, ce qui me convient ! Je suis encore plus une chimère que toi !

 Rétorqua-t-elle, amusée tout en essayant d'imaginer à quoi ressemblerait une chimère des symboles des trois maisons. La perspective d'être une poufsouffle n'avait, heureusement, jamais effleuré son délicat esprit.

- Sans l'ombre d'un doute.

Répéta Dante, capturant l'assurance dans les paroles de Celonia, comme si elle avait déjà traversé ce questionnement à plusieurs reprises par le passé. Un léger sourire s'épanouit sur le visage du Griffon, et d'un ton badin, il ajouta.

- Il ne te manque plus que le blaireau des Poufsouffles, et tu seras la parfaite chimère qui représente Poudlard.

L'humour délicat du Rouge laissa planer dans l'air une sensation de camaraderie, soulignant la diversité des maisons de Poudlard et la manière dont chaque élève pouvait incarner les caractéristiques uniques d'une ou de plusieurs maisons.

L'affiliation hypothétique à la maison du blaireau ne sembla pas l'enchanter. Elle balaya l'idée d'un las mouvement de la main avant de détourner son regard.

- Je pourrais tout être sauf une poufsouffle.

Commenta-t-elle avec un dédain qu'elle ne cherchait même pas à cacher. A ses yeux, cette maison pourrissait tout ce qu'elle touchait et ses membres se délectaient de cette situation. Le plus loin elle se tenait de leur système de valeur, le mieux cela irait. Elle acceptait tout de fois des exceptions, Eleanor était un très bon exemple.

- D'ailleurs, je vois beaucoup de poufsouffles se faire défendre par des gryffondors. Ils perdent leur temps à mon avis, la reconnaissance ne les étouffera pas.

Était-ce une ruse délibérée de la part du Gryffondor pour susciter une réaction, révéler une animosité envers les jaunes ? Assurément, il s'en amusait. Observer son expression se ternir et s'assombrir simplement à l'idée de s'imaginer chez les Poufsouffles était un spectacle divertissant. Lorsqu'elle évoqua le fait que les Rouges protégeaient souvent les jaunes, Dante se contenta de hocher la tête, ajoutant avec calme.

- Est-ce un mal de défendre ?

Sa réponse, simple mais chargée, insinuait une réflexion plus profonde sur les valeurs de loyauté et de protection, mettant en lumière la complexité des relations entre les différentes maisons à Poudlard.

- Aider quelqu'un une fois n'est jamais un mal, mais dans leur cas, ça engage à le faire encore et encore. On s'engage dans leurs guerres pour toujours. Ils ne savent que créer des problèmes et compter sur les autres pour les résoudre à leur place.

Même leur "armée" était une vaste blague. Avaient ils jamais cherché à venger leur préfète de l'agression humiliante qu'elle avait vécue ? Avaient ils jamais tenté de rétorquer devant la multiplication des agressions à leur encontre ? Avaient ils jamais fait quelque chose, en fait ? Plus que ses griefs personnels avec certains membres de la maison jaune, c'était aussi la philosophie globale qui la régissait qui la répulsait singulièrement.

- Tu te souviens de Johannes Vermaat ? Il m'a agressée, moi et une autre fille de ta maison, lorsque nous n'étions qu'en première année. Lorsque des élèves de Serpentard ont appris ce qui s'est passé, ils ont voulu s'en prendre à lui et, plutôt que d'essayer de résoudre cette histoire ou de les affronter, il s'est caché dans les jupons d'Eleanor pour calmer le jeu.

Elle balaya l'air avec mépris.

- Pourquoi quelqu'un irait se mettre en danger pour des gens sans valeur comme lui ? Moi je ne vois pas l'intérêt. Tout le monde est allé au secours d'Abigail parce que les gens savent que c'est une sorcière talentueuse. Par contre, s'il s'était agi de quelqu'un comme Johannes, je n'aurais pas eu le cœur à mettre ma vie en danger.

Grossièrement, Celonia n'était pas dans l'erreur. Les Gryffondors pouvaient parfois développer un "syndrome du sauveur", tandis que les Poufsouffles semblaient parfois enclins à se plaindre, attendant une aide extérieure pour résoudre leurs problèmes. Cependant, tout n'était pas aussi tranché. Les membres de Poufsouffle qui gravitaient autour de Dante ne correspondaient souvent pas au schéma de la victime. De même, certains Gryffondors, comme Travis, Jack, feu Run, démontraient une capacité à ne pas toujours se mouiller à n'importe quelle occasion. La réalité se retrouvait bien souvent nuancée.

- Je comprends, mais...

Une profonde inspiration traversa Dante avant qu'il ne détourne son regard vers la rue marchande, laissant ses prunelles errer sur une scène un peu plus loin. Une petite fille qui courait après une pièce qu'elle avait fait tomber sur le sol pavé. Non loin, un vieil homme à la barbe grisonnante, le dos voûté par le poids du temps, observait la scène avec une lenteur caractéristique de la sénilité. Une fois l'enfant hors de son champ de vision, l'ancien reprit la lecture de sa Gazette et Dante la parole.

- Le souci étant que tous ne sont pas ainsi, et qu'on ne peut pas préjuger d'une maison entière par les échecs d'une partie d'entre eux. Je n'accuse pas tous les Serpentards d'être de vils criminels, alors que pour pas mal d'entre eux, ils s'amusent de la souffrance des autres.

Ajouta-t-il, soulignant la nuance nécessaire lorsqu'il s'agissait de juger l'ensemble d'une maison à partir des actions de quelques-uns.

Celonia elle même ne pouvait nier que certains poufsouffles faisaient, malgré tout, exception. Jude ; Tout d'abord, quoiqu'il se trouva chaque jour un peu plus "corrompu" par la bêtise de son affiliation. Eleanor, elle, dont elle oubliait souvent la couleur et, enfin, Duncan Merlowe qui faisait office d'ovni dans cette maison de rustres. Cela étant, elle ne pouvait s'empêcher de se demander si eux n'étaient pas l'exception autour de laquelle il fallait éviter de généraliser. L'argument de Dante faisait toutefois sens. Après quelques secondes, ses yeux dévièrent également vers la petite scène susmentionnée et elle en profita pour digérer l'idée qui venait de lui être inculquée. Son regard s'apaisa quelque peu et c'est par un mou balancement d'épaules qu'elle reprit :

- Je comprends ce que tu veux dire. Je suppose que mes vues concernant cette maison peuvent être un peu dures, parfois.

Elle se garda de tout commentaire concernant les Serpentards car les petits "voyous" de cette maison faisaient bien son affaire. Elle avait un nom suffisamment connu pour qu'elle puisse bénéficier de leur protection simplement en les caressant dans le sens du poil et cette situation lui convenait parfaitement. Ce qu'ils pouvaient faire en dehors de ça ne l'irritait pas outre mesure, sauf lorsque cela portait sur des gens qu'elle souhaitait protéger pour une raison ou une autre ; Winona ou Jude, par exemple.

- Il n'empêche... Elle se fendit d'un sourire espiègle. Je préfère les gryffondors ! Oh d'ailleurs, j'ai oublié de te parler de quelque chose... Est-ce que le nom d'Elphias et d'Epidia Selwyn te disent quelque chose ?

Il lui semblait bien que Jude avait fait mention de Dante lors de leur conversation de l'année précédente, mais les informations méritaient d'être rafraichies.

La réflexion et la capacité de revisiter ses propres jugements étaient des qualités que Dante admirait chez les autres. Savoir dépasser certains préjugés démontrait une intelligence et une ouverture d'esprit appréciables. Il hocha la tête en signe d'approbation après la réponse de Celonia, heureux d'avoir pu transmettre son message sur la question.

Lorsqu'elle exprima sa préférence pour la maison des Gryffondors, Dante lui adressa un sourire jovial, savourant le plaisir d'avoir son ego flatté.

- Après tout, l'aigle et le lion forment à eux deux le Griffon. Nous sommes liés l'un à l'autre sans le savoir, ajouta-t-il avec une pointe de culture et d'amusement, omettant volontairement que la créature était aussi munie d'oreilles de cheval.

Puis, en réponse à la question de Celonia sur Elphias Braax et Epidia Selwyn, Dante dévoila quelques informations sur ses interactions avec Braax et sur les agissements d'Epidia.

- Je connais Elphias Braax, oui. On a eu un accrochage une fois, et il n'en est pas sorti indemne. J'ai d'ailleurs toujours sa baguette d'antan avec moi. Quant à Epidia, j'ai eu quelques retours sur ses agissements. Pourquoi cette question ? interrogea-t-il, montrant un intérêt évident pour la raison derrière la question de Celonia.

C'est d'un regard pétillant d'espièglerie et curieusement expressif que la jeune fille entama sa réponse. Son poing se porta ensuite à son bec pour y réprouver un caquètement qui se serait trouvé bien incommodant, autrement.

- Il faut bien un serdaigle pour tempérer un gryffondor et il faut bien un gryffondor pour réveiller un serdaigle. Une association judicieuse, oui.

Commenta-t-elle avec une curieuse sobriété avant que la conversation ne se recentre vers un sujet qui, elle le savait, faisait déjà languir son interlocuteur. Elle considéra le vol de la première baguette d'Elphias par un hochement de sourcil qui fut bientôt complété par une moue approbatrice. C'était donc pour ça qu'il craignait tant que les deux "reines" ne s'emparent de celle qu'il portait alors ?
Toujours est il qu' elle ne s'attarda pas plus en prolégomènes et entra vite dans le vif du sujet.

- L'année dernière, j'ai surpris Elphias et un de ses sbires en train de taguer la statue de la sorcière borgne. Ils avaient l'intention de te faire porter le chapeau et Elphias a écrit dessus "Dante m'a tagger"... Malheureusement, ils m'ont repérée au tout dernier moment et m'ont coursée dans le château. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que j'ai sympathisé avec beaucoup de gens à Poudlard et, dans ma course, je suis justement tombée sur miss Selwyn, accompagnée de son amie, miss Flint.

Elle semblait vouer une considération certaine pour les deux "grandes" filles. Un ton sans doute inédit aux oreilles de Dante les concernant.

- Elles se sont chargées d'eux sans problèmes et j'ai pu m'en tirer. Toutefois, je sais qu'un petit poufsouffle, Jude Leigh, t'a parlé d'Epidia alors je voulais juste dire... Elle soupira. En dépit de ce qu'on peut dire la concernant, il ne faut pas la juger trop sévèrement. Elle et son amie Azura protègent beaucoup de filles dans cette école.

Le "Beaucoup" en question comprenait Celonia Harpis et... Cela semblait à peu près tout, mais il fallait dire qu'elle vouait une très grande considération à sa propre préservation. Certes, il arrivait aussi à Epidia de racketter des garçons, mais c'était un moindre mal. Après tout, c'était les filles qui devaient être protégées, pas l'inverse.

- Bref, tout ça pour dire que même si Elphias est pas là, je garderais un œil sur ses anciennes connaissances si j'étais toi, juste au cas où.

- N'hésite pas à me tempérer si un jour tu vois que je commence à trop m'échauffer.

Rétorqua-t-il en guise de réponse à sa première affirmation avant d'hocher la tête. Alors qu'elle commençait à s'expliquer plus en profondeur sur le cas d'Elphias et celui d'Epidia, Dante se mit à croiser les bras, écoutant simplement pour le moment les explications sans l'interrompre. Elphias n'était désormais plus une menace après qu'il eut lamentablement échoué à ses examens. Quant aux deux jeunes adolescentes, et plus particulièrement son aînée, il tira une moue assez renfrognée, n'allant vraisemblablement pas dans le sens de Celonia qui cherchait visiblement à alléger les actes. Il répondit néanmoins sur un ton assez calme et maîtrisé.

- Je suis content de savoir qu'Elphias n'a pas réussi à mettre la main sur toi déjà. Pour ce qui est de "miss Selwyn" ensuite, je ne l'ai à vrai dire jamais réellement croisée, si ce n'est à de rares occasions en Grande Salle ou en salle commune.

Après un soupir doux, il plissa légèrement les yeux, une pointe de déception perçant dans son regard, avant d'articuler d'une voix toujours aussi mesurée et réfléchie, comme pour exprimer toute la complexité de sa pensée.

- Cependant, j'ai confiance en Jude, et s'il s'avère qu'elles lui sont tombées dessus à deux pour lui soutirer son argent, quand bien même elles auraient aidé d'autres filles, cela ne changera rien au jugement que je porterais sur elles. Dura sed lex, la justice est dure mais c'est la loi. Elle n'est pas à deux vitesses et prétendre protéger les uns pour ensuite harceler les autres derrière n'a rien d'honorable.

Pour le jeune Schtauffen, bien que sa parole n'ait pas un poids très important, il était clair qu'il avait des principes. Il ne les imposait pas aux autres, mais si par le fruit du hasard il se retrouvait face à une certaine injustice, surtout lorsqu'un de ses proches est en cause, il se devait de réagir. En l'occurrence, c'était Celonia qui semblait vouloir entendre sa vision des choses et c'est pour cette même raison qu'il lui livra son point de vue.

La déception dans le regard de Dante fut captée par la jeune physionomiste qui, plus que quiconque, aimait analyser les mimiques de tout un chacun. La légèreté de la conversation, les tonalités sous-jacentes savamment manipulées par l'un comme par l'autre s'étaient faîtes obombrer voire oblitérer en l'espace d'un instant. La lippe de la jeune fille vibra subrepticement et ses pupilles verdâtres se rétractèrent quelque peu. Deux signes presque imperceptibles d'une contrariété réprimée jusqu'au sang tandis que son esprit bouillonait.

Même Jude, principal concerné, avait été plus compréhensif vis à vis des sentiments de la jeune fille. Un tel retour avait effrité le confort égoïste duquel elle se drapait ce qui représentait les attaques les plus efficaces qui pouvaient lui être adressées.

- Hum... C'est compréhensible.

Dit elle d'une voix qui voulait faire croire qu'elle n'en pensait pas grand chose.

- En tout cas, si des choses devaient arriver, j'aimerais surtout que tout le monde reste raisonnable. On a tendance à faire grand état de simples enfantillages.

Car il n'avait jamais été plus aux yeux de Celonia. Elle dont la plus grande déboire avait été d'être forcée de courir dans les couloirs ne se rendait sans doute pas compte de ce que pouvaient subir d'autres élèves. Son regard s'éclipsa au fond d'une rue adjacente et le râle d'un soupir siffla entre ses lèvres.

- Sur ce. Un sourire d'une amabilité maîtrisée rejaillit sur son minois. On se reverra à la rentrée, d'accord ?

Tel Thémis, les yeux voilés, portant la balance avec grâce et tenant le faisceau lumineux de la vérité, il s'abstenait de tout jugement empreint de sentiment lorsque venait le temps d'un tel cas. Que ce fût un ami ou non, il déclarait simplement ce qu'il pensait, sans ambages ni complaisance. Même si cela devait entraîner une confrontation, c'était là sa façon de trier ceux qui l'entouraient.

- Le glaive de la justice n'a point de fourreau.

Conclut-il, avant de laisser échapper un sourire sincère, ajoutant avec gravité.

- Si c'était une personne qui m'est chère dans la position de l'harceleur, je l'aurais jugée de la même manière. N'y vois pas une histoire de maison, c'est simplement moi qui suis ainsi.

Conscient de son impartialité sans faille, il savait que cela pourrait changer la perception de certaines personnes à son égard. Son message sous-entendait également qu'à un faux pas trop grave, en contradiction avec les valeurs du Rouge, il était possible qu'il vous raye de son entourage et de sa vie, comme cela avait été le cas avec Augustus. Il ne rebondit pas à l'évocation d'« enfantillages », ne considérant pas le harcèlement comme un simple jeu d'enfant, du moins pas lorsque cela impliquait de nuire à autrui de manière répétée.

- Oui, sans problème.

Sauf si l'Harpis souhaitait ajouter quelque chose, Dante patienterait avant de prendre la poudre d'escampette.

Des principes nobles, à n'en point douter, mais Celonia ne pouvait apprécier le zèle qui les animait. A quoi bon nouer des liens et des amitiés si c'est pour être jugé comme un parfait inconnu. De tels paramètres étaient difficiles à intégrer au logiciel de la jeune fille. Toutefois, celle-ci releva que Dante n'insista pas plus que de raison, ce qui la rassura quelque peu malgré tout.

- Comme je te le disais... Je comprends ton point de vue.

Reprit elle, autant amusée que contrariée.

- En tout cas, merci d'avoir été honnête quant à la question, on ne t'enlèvera pas ça !

Son enthousiasme habituel semblait avoir resurgi l'espace d'un instant. C'était sa façon à elle de réprimer l'amertume.

- A bientôt, Dante ! Termina-t-elle, finalement, après une courte pause, avant de s'éclipser, cette fois pour de bon.