Re: Un banc quelque part sur le domaine

Il faisait sans doute référence au Wywern Club... Ses fondateurs, Dante et Nymeria étaient des gens que l'Harpis appréciait tout particulièrement, mais l'endroit accueillait, malheureusement, une bien sinistre fréquentation d'où le fait qu'elle n'en approchait pas. Jude y avait ramené sa horde d'amis ahuris et en avait donc, sans doute sciemment, fermé les portes à Celonia.

- Ton propre club ?

Demanda-t-elle avec une curiosité piquée à vif. Ces endroits étaient l'alpha et l'oméga de beaucoup d'élèves dans ce château. Naturellement, ceux que Celonia fréquentait avaient une place toute particulière dans son coeur... Elle contempla alors le "plus beau sourire" du gryffondor et laissa aller à un rire qui tenait plus du gazouillis que de l'esclaffement.

- Monsieur Marlow, vous devrez beaucoup à ce sourire.

Dit elle en tendant une main pour récupérer le précieux document. Elle ne répondit pas à l'invitation de son camarade, sans doute n'avait elle pas besoin d'elle ou alors... Elle n'espérait pas d'un garçon qu'il fusse assez parcimonieux pour tenir un de ses tissus.

Sa remarque ne fit qu'accentuer ce sourire déjà présent sur son visage. Félix savait qu'il avait fait le bon choix en demandant à sa camarade Serdaigle. Celonia pourra lire sur son parchemin :

Lettre de Félix:

- C'est un club pour les artistes, je m'y crois déjà ! Si tu veux il y aura un coin pour la couture !

Félix regarderait les expressions de Celonia durant sa lecture, il avait également fait quelques dessins sur les contours de son parchemin pour la rendre plus agréable à lire.

Sans attendre plus, la jeune Harpis zyeuta le parchemin et son regard lorgna les mots qui défilaient sans rien montrer. Finalement, un fin sourire éblouit son minois et elle plia soigneusement le parchemin.

- C'est une belle initiative, j'espère qu'elle sera couronnée de succès.

Lança-t-elle au joyeux luron.

- Je te le rendrai corriger demain après le premier cours.

Dit elle finalement avant d'hocher un sourcil circonspect.

- Par contre, qu'est-ce que tu entends par "j'attend votre réponse ou ma convocation avec impatience !" ?

Félix souhaitait fanfaronner mais la validation de Celonia n'était pas celle des professeurs... Elle lui faisait néanmoins plaisir. Recevoir l'approbation de ses proches le motivait davantage dans ses objectifs.

- Mille mercis Celonia ! Tu es déjà l'amie du Club des artistes. Lâcha-t-il avec joie avant de préciser ses propos. Et concernant cette phrase, c'est si un professeur souhaite discuter avec moi de mon projet !

S'ils avaient besoin de davantage de détails avant de confier une salle à Félix. Le Gryffondor plongea sa main dans sa poche de son pantalon et sortit des noises mélangées à des boutons et des bonbons. Il triait de manière à écarter ses noises du reste.

- M'en voila ravie !

Roucoula-t-elle d'un ton espiègle avant de ranger le parchemin dans un compartiment du sac qu'elle avait porté jusqu'ici et qui était, d'ordinaire, destiné à transporter son matériel de couture.

- De quel professeur comptes du glaner l'approbation ?

Demanda-t-elle avec curiosité tandis que le garçon triait ses noises.

Le jeune Gryffondor continuait de trier ses noises alors qu'il considérait la question de sa camarade. Il avait le choix mais quel professeur lui accorderait sa confiance ?

- J'irai tous les voir si besoin ! Dit-il en rigolant avant de reprendre plus sérieusement. Sinon je pense avoir mes chances avec Professeur Blackwine et Lionheart, mais je peux toujours amadouer Professeur Newourt avec une pâtisserie !

Son côté glouton était connu de tous, il incarnait très bien sa maison. Le jeune garçon avait fini de trier ses pièces, il rangea ses bonbons ainsi que ses boutons dans sa poche puis tendit sa main à la bleue.

- Pour ta précieuse aide !

Il n'y avait pas grand chose mais c'est l'intention qui comptait...

Elle opina vigoureusement du chef. Faute d'avoir une écriture impeccable, le lionceau avait au moins assez de présence d'esprit pour cerner ses différents professeurs, ce qui n'était pas donné à tout le monde.

- Oui, ce sont de très bons choix, j'aurais fait les mêmes, mais...

Elle vit alors le garçon lui tendre ses quelques piécettes. Sa tête bascula sur le côté et d'un battement de sourcil, elle jaugea l'initiative avec reconnaissance.

- ...ça n'était pas nécessaire...

Répliqua-t-elle avec un sourire sans pour autant refuser la petite somme qu'elle grapilla de la paume de Félix.

- Ce sera aussi éloquent que tu puis l'espéré, promis !

Celonia faisait bien de prendre ses quelques noises, le Gryffondor se serait senti insulté si elle avait décidé de les refuser. Le jeune homme se leva en émettant un bruit de satisfaction.

- Merci encore Celonia.

Fit-il avec un nouveau sourire suivi d'une révérence plutôt grossière.

- Je te laisse avec ta propre mission ! On se voit demain.

Il n'allait pas la déranger davantage, elle qui avait consacré une partie de son temps pour lui en dépit de sa couture. A la réponse de Celonia, Félix s'enfoncera dans le domaine pour faire Merlin sait quoi.

Ivy était assise sur un banc isolé dans le parc, à l’ombre d’un vieux chêne, un livre sur les potions émotionnelles ouvert sur ses genoux. Le vent léger faisait danser ses cheveux noirs, mais elle n’y prêtait pas attention, plongée dans sa lecture. Chaque ligne qu’elle parcourait faisait naître en elle un mélange de fascination et d’impatience.

Carlos sortait de son cours de géométrie magique appliquée, son sac de toile jetée sur l'épaule gauche. Des cernes miroitaient sous ses yeux, les leçons avaient commencé tôt aujourd'hui. Le mercredi, c'était en général vers 8h du matin, et ce mardi soir Carlos avait été collé plusieurs heures le soir après les cours pour avoir jeté de la purée sur un camarade. C'était ça ou des points en moins pour sa maison.

- Hey !

Il aperçu une silhouette familière au loin, assez pour ne pas être certain cependant. Il accourt en faisant un signe de la main.

- Hey Ana comment ça va !?

Ivy ne releva pas la tête lorsqu’elle entendit quelqu’un crier “Hey Ana !”. Ce n’était pas son prénom, et elle n’avait aucune raison de répondre. Concentrée sur sa lecture, elle se contenta de tourner lentement une page de son livre. Le bruit de pas précipités approchant ne lui fit même pas lever les yeux, trop absorbée par ses pensées et ses potions.

Plus il s'approchait, moins le latino était certain de son interlocutrice. Il se stoppa net devant elle, puis engagea une seconde ou deux de réflexion. Connaissait-il vraiment l'apparence d'Ana après tout ? Il aimait juste charier James en chantant "James est amoureuuux" quand les deux étaient ensemble en cours de botanique. Mais, en u repensant bien, il ne se remémora aucune discussion profonde avec la serpentarde. Si c'était elle aujourd'hui, c'était l'occasion.

- Hey oh ?

Entonna t-il d'un ton suave après cette seconde qui en parut des milliers. Pour accompagner cet appel, il posa son gros index sur le livre d'Ivy et le poussa vers le bas.

- Y a quelqu'un ?

Ivy sentit une pression sur son livre et vit la page légèrement glisser vers le bas. Ses doigts se crispèrent subtilement, dissimulant son irritation. Elle n’avait pas besoin de lever les yeux pour comprendre qu’il s’agissait d’un élève qui s’était trompé de personne. Son calme glacé resta intact alors qu’elle laissa passer un silence pesant, ne répondant toujours pas à ce garçon qui osait interrompre sa lecture. Après quelques secondes, elle parla enfin, sa voix aussi froide que l’air hivernal qui les entourait.

— Si tu cherches Ana, ce n’est pas moi.

Sans un regard, elle redressa lentement son livre, ignorant la présence importune de l’intrus.

Ce n'était pas Ana mais le tempérament glacial lui rappelait bien cette dernière.

- Tu es froide comme le mois d'hiver en Ecosse. Tu sais ce que Abuelita disait des gens froids ? Comment les appréhender ? C'est simple, il faut briser la glace !

Il se fendit d'un gigantesque sourire, peu contagieux. Il appuya une seconde fois sur la page en question.

- Carlos, enchanté. T'es qui ? Qu'est-ce que tu lis ? Pourquoi tu restes toute seule ? T'es pote avec Celonia ?

Il jactait vite.

Ivy referma son livre cette fois-ci, plus pas agacement que pas réelle politesse. L’insolence du Gryffondor, ses manières intrusives et son babillage interminable lui faisait l’effet d’un moustique qu’elle ne parvenait pas à chasser. Elle leva enfin les yeux vers lui, ses pupilles bleus le détaillant de haut en bas.

- Tu veux briser la glace donc ?

Un sourire sarcastique s’esquissa sur ses lèvres et son regard bleu perçant semblait évaluer la manière la plus rapide pour faire fuir Carlos.

- Je m’appelle Ivy. Je lis un livre sur les potions qui dépassera sûrement ta capacité d’attention. Et oui, j’ai déjà rencontré Celonia et sinon je préfère rester seule tu vois.

Elle continuait de le fixer, son ton était aussi tranchant que le vent glacial qui soufflait.

La tentative de repousser Carlos par un ton désinvolte fut l'effet d'un coup d'épée dans l'eau. Le gryffondor était comme un cafard, il s'adaptait à tous les insecticides. Vous pouvez au mieux le repousser dans le syphon de votre douche médiévale mais même cette solution n'est que temporaire.

- Ivy. C'est un nom d'animal vénéneux ça. Genre une grenouille à points ou un lézard d'Amazonie. Je ne suis pas un grand amoureux des potions, je trouve que l'empoisonnement est lâche puis ça ne révèle rien de bon sur son utilisateur. Mahaut d'Artois est conspuée.

Il leva les yeux au ciel, accompagné d'un soupir. L'empoisonnement de Louis X Le Hutin par Artois l'affectait encore beaucoup. Bien qu'il ne soit pas leur contemporain. Mais c'était une histoire que lui racontait beaucoup son oncle.

-Oui je comprends que tu veuilles rester seule après avoir rencontré Célonia.

Soudain, ses yeux pleins de malice de ravivèrent d'une nouvelle flamme.

- As-tu entendu la rumeur ?

Ivy resta impassible, ses yeux fixés sur Carlos avec une indifférence calculée. Elle ne broncha même pas à sa remarque sur son prénom, ni à la tirade sur l’empoisonnement. Elle referma une nouvelle fois son livre, plus par politesse qu’autre chose, réalisant que Carlos n’allait clairement pas partir. Le mot « rumeur » flotta un instant dans l’air, éveillant un intérêt infime chez Ivy. Elle ne lui accordait pas encore le mérite d’avoir quelque chose de réellement intéressant à dire, mais elle était prête à l’écouter juste au cas où.

— Une rumeur ? Et qu’est-ce qu’elle raconte, cette fameuse rumeur ?

Son ton se fit un peu plus doux cette fois ci, signe qu’il avait peut-être trouvé de quoi attirer son attention.

Il se posa sur le banc sans y être invité, puis s'arma du ton de la confidence.

- Un deuxième année poufsouffle aurait disparut à l'orée de la forêt interdite il y a peu. Les profs s'emploient à ne pas le révéler aux élèves mais un fantôme me l'a confessé. Un fantôme ami de longue date.

Ivy ne broncha pas lorsque Carlos s’assit à côté d’elle sans invitation, mais son regard s’assombrit légèrement. Elle écouta en silence, le ton de la confidence ne suffisant pas à masquer son scepticisme. Elle joua distraitement avec la tranche de son livre avant de répondre, en ne masquant même pas un peu le scepticisme dans sa voix.

— Un Poufsouffle disparu… Et bien sûr, c’est un fantôme qui te l’a dit. Un ami de longue date ?

Elle tourna lentement la tête vers lui, ses yeux bleus le fixant avec cette intensité calculée qui faisait fuir plus d’un. Pourtant, Carlos semblait imperméable à son regard froid, ce qui l’irritait davantage.

— Disons que je t’écoute, c’est quoi cette histoire alors ?

- Oui un ami de longue date. En réalité il est davantage copain avec mon cousin, mais parce que les britanniques sont un peu raciste il me confond avec lui. Pour être honnête je ne sais pas quel type de relation il entretien avec mon parent et je ne veux rien savoir, mais tant qu'il m'apporte les rumeurs environnantes il peut m'appeler "Mon petit sucre colombien" autant qu'il le souhaite.

Il plissa les yeux. Ah oui, la rumeur.

- Tu vois, le petit gros pouffy ?

Ivy plissa les yeux, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres.

— Le petit gros Poufsouffle ?Tu vas devoir être un peu plus précis, parce que tu sais il y en a beaucoup des petits gros chez eux.

Elle le fixa, légèrement moqueuse, attendant qu’il fournisse plus de détails pour clarifier cette mystérieuse rumeur.

- Un brave garçon, toujours présent à la cantine. Bartholomew Bonnesoupe. Il est venu faire une journée d'intégration et d'insertion dans mon club, le Wyvern club, présidé par mon fidèle compagnon Jude. Tu le connais ? Un pouffy lui aussi, un paysan mais il sait lire.

Il agite les mains devant lui, pour chasser une discussion qui divague.

- J'essaie de construire une explication cohérente, y a tellement de choses à dire c'est pas simple. En gros, nos aventuriers du club ont découvert l'existence d'un labyrinthe secret dans les cachots de l'école, mais ne l'ont pas encore exploré. Bartholomew, Bartoche pour faire plus court, a voulu bien se faire voir un soir et est parti en quête de ce labyrinthe seul, pour bien se faire voir tu vois, pour prouver. Je ne l'en ai pas empêché, j'aime bien les prouveurs, ils ont la fibre Wyvern. Mais il est revenu changé, comme habité.

Carlos fait les yeux gros yeux, comme pour appuyer sur le mot "habité".

Ivy resta un moment silencieuse, ses pensées tournant autour de Jude, ce Poufsouffle qu’elle méprisait tant qu’elle avait pris soin de punir discrètement pour ses affronts. Évidemment, elle n’en dit rien dit à Carlos.

— Alors, vous avez envoyé Bartholomew, un Poufsouffle, explorer un labyrinthe secret tout seul ? Ça ne m’étonne pas que ça termine mal. Envoyer un Poufsouffle sur une mission qui demande une vraie intelligence, c’est l’envoyer à la mort.

Son ton était sec, presque moqueur, mais elle continuait d’évaluer Carlos, guettant une réaction.

Il secoua la tête, et leva les mains l'air de dire ce n'est pas moi.

- Je n'ai rien envoyé du tout, je n'ai juste pas empêché cette belle initiative. C'est comme mentir et omettre tu vois, devant un tribunal l'implication est différente.

Il ne semblait pas offrir une quelconque réaction aux changements de ton d'Ivy. Comme une bobine, il continuait son histoire.

- A son retour, il n'était ni livide ni pâle comme une quelconque mauvaise histoire de fantômes. Mais quelque chose avait changé, je m'y connais en relations sociales, et je te garantie que quelque chose avait changé. Quelque chose de profond. Lundi, il n'a pas terminé son assiette. Et quand Augustus lui a adressé la parole pendant la récrée, aucun malaise n'a été palpé. Augustus !

Elle plissa légèrement les yeux en entendant la suite. Bartholomew qui ne terminait pas son assiette, un Poufsouffle qui ne mangeait pas jusqu’au bout, c’était presque un signe apocalyptique.

- Alors, un Poufsouffle qui ne mange plus et qui reste imperturbable face à Augustus ? Ce labyrinthe l’a marqué plus qu’on pourrait le croire.

Ivy se pencha légèrement, fixant Carlos avec un regard perçant.

- Parce que, vu comme tu le décris, il a été transformé par quelque chose. Quelque chose de visiblement très puissant.

Elle laissa un silence s’installer, puis ajouta d’un ton plus glacial.

- Pourquoi est-ce que tu m’en parles à moi au lieu d’aller raconter ça à un professeur ?