Un coin d'herbe

James décolla les yeux de son carnet alors que la rousse était encore à quelques mètres, suffisant pour la reconnaître. Il rangea tranquillement son matériel dans son sac, laissant apparaître un fin sourire alors qu'Eleanor le saluait déjà. L'année passée avait sûrement été celle où nos deux protagonistes avaient été le plus éloignés depuis leur rentrée à Poudlard. Si la Folsham restait une merveille de sociabilité, il devenait de plus en plus compliqué de croiser le serpentard, et encore plus difficile de lui réserver du temps. James trônait en haut de sa tour la plupart du temps, le reste, il le passait soit au club de magie noire soit dans sa salle commune. Les quelques balades qu'il faisait, souvent accompagné de camarades, ne laissait pas trop de place aux autres pour venir le déranger.

Le temps passait et James perdait de son innocence, de son envie d'être au cœur de la vie à Poudlard, de son entrain à découvrir les secrets de l'école. Sa curiosité s'était effondrée, laissant place aux passions qu'il s'était trouvé au fil des années. Le jeune homme pouvait paraître plus froid, plus difficile d'accès, comme s'il avait érigé une barrière entre lui et les autres. Il aimait être dans son monde et n'appréciait pas qu'on s'en approche. Cependant, certaines personnes gardaient tout de même un accès assez spécial, Eleanor avait la chance d'en avoir un.

« - J'espère pour toi que tu sévis mieux que sur une estrade. »

Ses pupilles charbonneuses, qui reflétaient les étincelles émises par le foyer ardent, s'étaient déjà ancrées dans l'azur de la demoiselle.

« - Assis-toi plutôt. » ajouta-t-il sobrement, l'invitant tout en ramenant une bûche près du feu d'un simple geste de baguette.

Eleanor s'était faite à leur rythme au fur et à mesure qui consistait à généralement avoir une vraie discussion pendant les vacances et parfois pendant l'année scolaire, ce qui n'avait pas été le cas depuis longtemps. James était dur d'accès et la rousse ne cherchait plus à forcer ces rencontres. Mais pour autant ça lui faisait toujours plaisir de pouvoir s'accaparer le Serpentard l'espace de quelques minutes, la rareté rendait ces moments plus précieux aussi. Et heureusement une certaine complicité demeurait toujours comme le prouvait la petite pique que venait de recevoir la jeune femme.

Face à la bonne répartie du Serpentard le regard de la rousse se fit plus perçant alors qu'elle fini par secouer légèrement la tête avec un sourire en coin, bonne joueuse.

- Touché. Visiblement on ne t'a jamais prévenu mais ce n'est jamais une bonne idée de se mettre à dos une alchimiste.

La Poufsouffle aurait bien des façons de "sévir" grâce à ses potions même si évidemment elle ne s'abaisserait pas à ça. Etant à la lumière des flammes, elle éteignit celle de sa baguette et s'installa volontiers à la place de fortune qui lui avait été improvisé.

- Merci. Alors c'est ici que tu passes tes vacances ?

La préfète frissonna, il faisait plutôt froid et elle n'avait pas prévu d'être encore là à une heure aussi tardive. Elle plaça ses mains près du feu tout en observant son camarade promotion.

La répartie de la jaune amusa visiblement l'écossais, qui savait cependant que sa camarade n'avait pas la bassesse de commettre un acte aussi déshonorant que de l'attaquer vicieusement à l'aide de breuvages ou autres gaz... Mais il était vrai qu'il valait mieux l'avoir à ses côtés qu'en face.

« - En partie, quand j'ai pas envie de me coltiner Clay toute la soirée. »

On pouvait sentir une certaine vérité derrière ces propos, même s'ils étaient dénués de toute animosité. Le foyer se mit alors à soudainement rugir sous les yeux charbonneux du garçon, crépitant puissamment comme s'il venait de consumer une buche entière. Une vague de châleur emplit alors l'espace, réchauffant l'air et les environs d'une façon assez mystique.

« - Et toi ? Tu passais par hasard ? »

Eleanor n'avait pas vraiment fait gaffe aux flammes qui crépitaient un peu plus fort mais l'augmentation de la chaleur qui en émanait était plus que bienvenue.

- Je m'occupe comme je peux, je passe par ici de temps en temps et j'essaye de passer le temps mais bon.

En bref la jaune avait l'air de s'ennuyer totalement et n'affichait pas l'enthousiasme qui pouvait la caractériser habituellement. C'était compliqué de revenir à la vie normale après les évènements de début de vacances, tout lui paraissait désuet désormais et insignifiant. Elle attendait la prochaine opération tout en la craignant beaucoup et la majeure partie de son temps c'était ce qui occupait son esprit avec toutes les peurs et doutes que ça amenait. Malgré "l'expérience" vécue ça demeurait toujours et déjà la pensée d'avoir participé, même indirectement, aux morts moldus ternissait déjà l'image qu'elle avait d'elle-même. Pourtant c'était nécessaire.

- Désolé je n'ai pas grand chose à raconter.

Ce qui était paradoxale au vu du peu de fois qu'ils se parlaient mais elle n'avait pas l'envie de relancer la discussion avec des énièmes banalités sur l'avenir ou Poudlard. D'ordinaire elle arrivait facilement à cacher ses tourments mais au vu de leur relation particulière Eleanor n'ne ressentait pas le besoin.

James laissa le silence bercer l'espace un instant. Cela ne le gênait pas d'être simplement accompagné, de rester muet et de réfléchir, mais il savait sa camarade plus bavarde que lui. Ainsi, il décida de faire un effort, puisque d'habitude c'était elle qui le faisait.

« - J'imagine que c'est à moi de faire la conversation, cette fois. »

Cela ne sonnait pas du tout comme un reproche. L'écossais paraissait même plus ouvert que d'habitude, comme si cette approche de la jaune avait été la bonne. Il appréciait son honnêteté, parfois bafouée par une espèce d'hypocrisie qui découlait de son insubmersible bienveillance. James quitta le feu du regard et rejoignit la rousse.

« - Dis-moi Eleanor... Tu as participé au dernier mouvement des lucioles, pas vrai ? »

Ses yeux s'ouvrirent en grand alors qu'elle garda le regard sur le feu, surprise qu'il soit au courant de cette opération. Abel lui en aurait parlé concrètement alors ? En revanche ça l'étonna moins qu'il puisse se douter de son implication du coup au vu des dernières discussions qu'ils avaient eu au sujet de la guerre contre les moldus. Sûrement devrait elle mentir mais ce serait stupide vu que l'écossais connaissait déjà un des leader.

- Alors tu es courant de ça ?

La rousse n'affirma et ne réfuta pas la question mais sa réponse laissait évidemment penser qu'elle en avait fait partie.

- On t'a proposé d'en être ?

Le fait qu'il n'était pas là laissait croire que pour x ou y raison ça ne s'était pas fait. Finalement ça n'avait rien de surprenant qu'on lui ait demandé car il avait le profil parfait pour les Lucioles et elle-même avait suggéré son nom bien avant.

Contrairement à la rousse, le regard du brun restait bel et bien fixé sur son interlocutrice. Ses yeux se plissèrent légèrement. Voilà qu'ils tenaient maintenant des discussion d'adultes. Peut-être les premières du nouveau chapitre de leur vie. La Folsham, avec Celonia, étaient les seules héritières de sa confiance présentes dans ce groupuscule qui était incessamment qualifié de "terroristes" par le conseil. Ce n'était pas l'avis de l'écossais, mais il n'avait en effet pas participé à leur mission pour autant. James avait ses raisons.

« - Hm. »

Un "Hm" affirmatif, qui répondait à la question de la jaune. Abel l'avait en effet approché autour d'un entretien intéressant, qui avait quasiment convaincu le vert. Ils avaient même discuté de certains détails d'organisation. Mais tout cela n'avait finalement servi à rien.

« - J'ai hésité, un moment. »

Les yeux du serpentard revinrent au foyer, qui crépitait toujours tandis que la nuit se faisait de plus en plus noir autour. Quelques étoiles commençaient à émerger, et profitant de cette petite pause dans son propre discours, il piocha un baluchon qui enveloppait quelques denrées dans son sac.

« - T'as faim ? Un peu de purée, quelques bouts de viande. Du porc. »

Il en sortit quelques tranches qu'il posa sur une pierre posée à-même le feu, afin de les cuire.

A la proposition la rousse secoua négativement la tête. Contrairement aux clichés sur sa maison ce n'était pas une grosse mangeuse et ce n'était pas son état d'esprit actuel qui allait changer ça, bien au contraire.

- Pas tellement mais merci.

Ainsi ils avaient été à deux doigts de se battre côte à côte ce soir là. Ca lui faisait un petit pincement au coeur de savoir que James avait fini par décliner l'offre qui lui avait été faite et surtout elle désirait comprendre le pourquoi, après tout James ne lui avait jamais caché son envie de faire la guerre contre les moldus. Et comme il pouvait s'en douter Eleanor allait lui demander ses raisons.

- Pourquoi tu n'es pas venu alors ?

La Poufsouffle avait beau passer en revu toutes les raisons possibles, elle n'en voyait aucune qui puisse expliquer ce refus à part le fait qu'il ne voit pas les Lucioles comme des personnes de confiance car elle savait que c'était quelque chose de très important aux yeux du Serpentard. Pourtant la présence de Celonia aurait pu le rassurer. A moins que quelque chose d'autre se cache derrière ?

Ainsi, il garda sa purée auprès de lui et ne prit pas la peine de partager. Cela l'arrangeait un peu.

« - L'amateurisme, principalement. » répondit-il sans quitter sa viande des yeux, qu'il retournait de temps en temps à l'aide de sa baguette.

« - Monsieur Anderson invite des personnes au hasard, ou presque, dans son bureau et les incite à commettre un assaut militaire. »

Il souffla du nez, comme s'il était amusé par cette idée.

« - Imagine si l'un de nous avait dénoncé cette initiative à d'autres, ou même directement au conseil. De plus, le fait qu'ils aient besoin d'élèves de notre âge... C'est ridicule. Comment confier sa vie à des personnes pareilles ? Comment avoir confiance ? Plus je réfléchis, plus j'ai l'impression de voir une troupe d'amateurs qui joue avec le feu. »

Il releva le regard un instant, croisant celui de la rousse.

« - Ne prend pas cela personnellement, mais je préfère être honnête. »

L'honnêteté de l'écossais n'eut pas l'air de la déranger la moins du monde. Son regard se porta à nouveau sur lui alors qu'elle tenta d'éclaircir deux trois points.

- Tu sais ce n'était pas dû au hasard le recrutement, on faisait attention à qui on en parle et on attendait d'être sûr.

Cette phrase lui indiquerait que la Poufsouffle était déjà parmi les Lucioles avant la vague d'entretien dirigé par Abel Anderson.

- Et puis qu'ils aient besoin d'élèves de notre âge ça montre juste la situation d'urgence dans laquelle on est. Et n'oublie pas que ceux qui sont recrutés sont bien meilleurs et auront bien plus d'impact que le sorcier lambda.

C'était deux vérités qu'il était impossible à omettre.

- Pour le reste je comprends ton appréhension et qui sait tu as peut être raison ? Mais en même temps il n'existe pas de groupes préparées pour ce genre de choses. Et malgré tout la première mission s'est très bien passée.

Certes ça ne se ressentait pas en voyant Eleanor qui n'avait pas vraiment l'attitude de quelqu'un qui venait de remporter une victoire importante mais c'était dû à d'autres considérations.

- Je vois mal exister d'autres groupes plus nombreux et organisés que les Lucioles, si encore ça existe. Tu comptes te battre comment alors ?

James devait forcément avoir des idées derrière la tête car elle le voyait mal rester les bras croisés à attendre que les autres fassent le boulot qu'il voulait faire aussi.

Si son attention semblait focalisée sur la cuisson de ses bouts de viande, qu'il retira d'ailleurs du feu au milieu de la réponse de la rousse, ses oreilles étaient en réalité bien attentives à chacune de ses phrases. Il sortit une cuillère de son sac, puis avant d'entamer son repas, écouta la fin et la question qui vint en conclusion. Difficile de répondre à cette dernière, tout comme il lui était compliqué d'imaginer la Folsham comme une membre à part entière de ce bien mystérieux réseau. Il était surpris. Pas déçu, mais surpris. Il n'en montra cependant pas grand chose.

« - Je verrai, j'ai encore un an pour réfléchir. Je ne veux pas me fermer de portes. Cette guerre ne se règlera pas en quelques mois, ni grâce à quelques interventions bancales des lucioles, sinon ce serait déjà fini depuis longtemps. »

James entama enfin son plat, écrasant sa viande pour la déchirer avant de la mêler à sa purée. Il engloutit une bouchée avant de reprendre, sans se soucier de la dureté que pouvait émettre sa position bien tranchée.

« - Écoute bien ce que je vais te dire, et j'aimerais que tu y réfléchisses vraiment, en laissant de côté ce que te dit ton cœur et les affinités que tu peux avoir tissé avec certains membres. C'est d'accord ? »

Question rhétorique, puisqu'il enchaîna directement.

« - En dix minutes d'entretien avec monsieur Anderson, et sans trop me mouiller, j'ai appris la nature de votre mission. J'ai aussi appris que tu en faisais partie, tout comme j'ai réussi à lui soutirer la liste des potentiels participants. Celonia, Jude, Abigail... Il est même allé jusqu'à me dire qui il avait envisagé approcher, comme Augustus ou Nyméria. Puis il m'a même proposé d'ajouter des noms, de ramener d'autres personnes. »

James se tut un instant, fixant sa camarade d'un air désabusé. Comment prendre une telle organisation au sérieux ? Ne se rendait-elle pas compte des dangers, de l'amateurisme ?

« - Est-ce que tu réalises ? En quelques minutes, j'ai eu, moi, James Ashworth, c'est à dire... Personne, personne pour le monde sorcier en tout cas, le pouvoir de... Bah de détruire votre mission et tous vous envoyer aux cachots en vous balançant au conseil. Si j'ai eu ce pouvoir, d'autres l'ont, d'autres l'auront. C'est n'importe quoi. Lutter c'est bien, mais intelligemment c'est mieux. Je ne mets pas ma vie entre les mains d'incapables. »

L'Ashworth planta sa cuillère dans son plat et se pencha en avant, l'air sincère.

« - Et j'aimerais que tu ne le fasses pas non plus. Tu crois aider ? Imagine comment tu pourras aider dans quelques années. Imagines comment tu pourrais aider dans quelque chose de mieux gérer, mieux fait, mieux penser. L'urgence de la situation ne pardonne pas tout, Eleanor. Rappelle-toi le festival d'il y a quelques années, rappelle-toi le massacre auquel on a tous assisté. Cela aurait pu être vous, si une fuite d'informations avait eu lieu. »

La rousse était intelligente, mais peut-être trop naïve, trop bienveillante. James la préférerait à l'écart de ces Lucioles qui lui avaient offert la preuve de leur incompétence. En la mettant face à ses propres réflexions, peut-être qu'elle réaliserait toute l'ampleur de leur bêtise.

C'était un véritable coup de massue derrière la tête ce que venait de lui dire James et il en savait bien trop pour avoir un quelconque doute quand à la véracité de ses paroles. Eleanor pouvait concevoir la prise de risque de révéler que Abel ou elle puissent prendre le risque de se mettre à nue mais qu'en revanche les noms des autres soient balancés comme ça la mettait dans une colère noire. L'idée que Jude ou Nymeria puissent être mises en danger à cause de ça lui était insupportable. Et plus encore elle ne comprenait pas pourquoi une personne qu'Anderson ne connaissait pas ait bénéficié d'autant d'informations quand à côté de ça on l'avait faite attendre très longtemps avant de lui donner la moindre information justement pour préserver chacun des membres de tout problème.

- Je ne sais pas quoi te répondre James.

La discussion prenait une tournure que la jaune n'avait pas du tout imaginer et qui venait tout remettre en cause. De là à arrêter sa participation auprès des Lucioles ? C'était compliqué car même si l'envie de tout envoyer valser était tentant à cet instant il n'en demeurait pas moins qu'elle s'était engagée dans une cause plus grande que sa personne et que ce qu'ils faisaient avaient de l'importance. Quand on s'était fait à l'idée que la guerre commençait pour sois c'était particulièrement compliqué de se dire que tout s'arrêtait. C'était possible de revenir à une vie plus classique en tournant le dos aux autres ? Et combien de temps avant de pouvoir contribuer à nouveau ? Que se passerait il d'ici là ? C'était un luxe qu'ils n'auraient peut être pas. Pourtant la rousse ne pouvait pas ignorer ce que les révélations du Serpentard lui faisaient ressentir.

- Merde !

Son talon vint frapper le sol alors qu'elle enfouit son visage entre ses deux mains. Il y avait bien trop d'enjeux pour pouvoir décider de quoi que ce soit de suite et surtout une discussion avec Abel allait forcément s'imposer, ne serait-ce que pour exprimer son mécontentement de comment les choses avaient été faites. Un regard noir revint sur James, un regard qui ne lui était évidemment pas adressé. Eleanor finit tout de même par partager une partie de ses pensées.

- Tu sais combien de temps ça a pris avant qu'on me fasse confiance ? Que je puisse connaître plus d'une ou deux personnes ? Et je l'ai accepté parce que c'était logique qu'on privilégie la discrétion et la protection du groupe. Tout ça pour ça...

La Poufsouffle se sentait très bête. Et en plus certains de ses cadets comme Jude ou Celonia faisaient partie du projet. Ce n'était pas non plus une option de les laisser là et s'en aller. Le blond la suivrait peut être en sachant tout ça mais rien n'était sûr non plus.

- Je suis censée faire quoi ? Tout arrêter après m'être engagée et tourner le dos aux autres ? Et tu parles de reprendre dans plusieurs années mais avec qui ? Et honnêtement je ne crois pas qu'on ait le luxe d'avoir plusieurs années devant nous.

Le temps était une denrée précieuse en ces temps troubles. Peu à peu le courroux de la préfète laissait place à de la confusion et de la tristesse. Son esprit déjà à vif depuis l'opération recevait un nouveau flot d'émotions et d'angoisses.

- Tu sais à quel point ça a été difficile pour moi de me résoudre à faire partie de tout ce bordel ? De me résigner à peut être faire et devenir ce que je ne veux pas être ? Je suis déjà fatiguée alors que ça à peine commencé.

Se conditionner pendant plusieurs années pour que dès que les choses sérieuses débutent on en arrive à ça était quelque chose de difficile à expliquer.

James laissa sa camarade exploser, prenant le temps de piocher un peu de nourriture pendant qu'il l'écoutait d'une oreille attentive. Il semblait avoir touché juste, et se montrait agréablement surpris par la réaction de la jaune. Il la trouva moins naïve qu'auparavant, plus réfléchie. Cette douleur qu'elle éprouvait était logique, exprimée d'une espèce de trahison qu'elle ressentait. L'écossais ne pouvait cependant pas se mettre à sa place, ou comprendre exactement ce qu'elle ressentait, mais la réaction de la Folsham ne faisait que de renforcer sa réticence envers les Lucioles. Si même un membre aussi "parfait" qu'Eleanor ne trouvait pas les mots pour les défendre... Ils ne méritaient aucunement sa présence dans leurs rangs.

« - Pourquoi te forcer à devenir ce que tu ne veux pas être ? Pour eux ? »

L'Ashworth la laissa réfléchir un instant, piochant une nouvelle cuillère qu'il prit le temps d'avaler. Il demeurait d'un calme plat, réfléchi, trahissant la position limpide qu'il exprimait à l'oral. Lui était convaincu, sûr, prêt à persuader son interlocutrice assaillie par les doutes.

« - Bref... Je ne saurais te dire pourquoi cela a été aussi facile pour moi. Peut-être parce que je suis un homme, peut-être parce que je semblais important à leurs yeux. Qui sait ? Le fait étant qu'à la moindre faute commise avec une mauvaise personne, le groupe implose et tout le monde y passe. »

James posa sa nourriture à ses côtés, se concentrant uniquement sur la poufsouffle. Il vint refixer ses gants correctement tandis qu'il reprenait.

« - Tu as plus de responsabilités là-dedans que tu ne l'imagines. En t'engageant à leurs côtés, ce n'est pas ta seule vie que tu joues, mais celle de toutes les personnes que tu entraîneras avec toi. Car tu as ce pouvoir, celui de pousser les gens à te faire confiance. Il faut que tu en sois consciente. »

Parlait-il pour lui ? Peut-être bien. Ses compliments étaient sincères.

« -  Tu ne peux pas te satisfaire d'une place médiocre, limitée, où tout ce qu'on te demande c'est de faire le sale boulot derrière tes chaudrons ou dans une mission bancale lorsque l'on a besoin de ta baguette. Ne gâche pas ta vie, ou pire, celle de ceux qui croient en toi, en servant des incompétents. Tu le regretteras, et puis, tu vaux bien mieux que ça. La guerre dure depuis maintenant six ans, et tant que des sorciers seront en vie, elle continuera. Le pire à faire est de donner des vies bêtement. Combien de moldus il y a-t-il pour un sorcier ? Nos vies sont précieuses.»

Tant de choses auxquelles sa camarade n'avait peut-être jamais pensé. James ne souhaitait pas convaincre, mais plutôt éclairer. Il espérait que la révélation vienne d'Eleanor elle-même. C'était à ses yeux la meilleure manière de faire.

« - Voilà, je n'ai malheureusement pas de solution à t'offrir. Pas de camp, pas d'armée. Mais si un jour le monde sorcier a besoin d'une alchimiste pour gagner la guerre... »

Soudain, le jeune homme fut pris d'une espèce de soubresaut ironique. Il récupéra son bol.

« - Je préférerais que ce soit toi plutôt que la Carrow. » conclut-il en se réarmant d'un discret sourire, afin de faire éclater toute la tension qui régnait depuis maintenant quelques minutes.

La Folsham pouvait en déduire ce qu'elle souhaitait, mais il était évident que James désirait la garder en vie plutôt que de la voir sacrifiée sous l'emblème des Lucioles. Tôt ou tard, James finira par se battre, pour d'autres ou pour lui-même, et ce jour-là, les meilleurs devront être autour de lui. Elle faisait partie de ceux-là.

Eleanor continuait d'intégrer chaque mot que prononçait le convainquant sorcier et notamment ceux sur son "pouvoir" qui était celui de la confiance. C'était pertinent car c'était un fait dont l'anglaise avait peu conscience même si elle savait les gens plutôt enclin à la lui accorder plus facilement qu'à d'autres. C'était le cas de Jude qui avait sûrement rejoint les Lucioles en bonne partie parce qu'elle s'y trouvait mais il n'y avait que pas que lui puisque selon toute vraisemblance c'était pareil pour le Serpentard. Et la suite de la discussion ne faisait que le confirmer.

Les mots de James avait souvent eu de l'impact et c'était encore le cas plus que jamais. Les compliments lui arrachèrent un bref mais sincère sourire, ne pouvant s'empêcher d'apprécier ceux ci bien plus qu'elle ne l'aurait pensé. Au milieu de tout ce joyeux foutoir c'était réconfortant et ça lui réchauffait le cœur. La dernière remarque encore plus en renvoyant à une ancienne discussion qu'ils avaient eu au Club de Potion. Peu importe ce qui se passait elle restait une jeune femme de seize ans qui forcément restait sensible à ce genre de parole.

- C'est aussi ce que tu lui dis ?

Au final il avait réussi son coup en détendant un peu l'atmosphère devenue un peu trop pesante pour le rousse qui se permit cette petite boutade. Elle n'avait pas grand chose d'autre à répondre à ce sujet et l'écossais lui avait dit ce qu'il avait à lui dire. A partir de maintenant c'est ses réflexions qui feraient le reste et la convaincraient de faire l'un ou l'autre choix. Elle se sentait fatiguée mentalement et n'avait plus envie d'y penser jusqu'au lendemain.

Les mots et l'ambiance intimiste du feu de camp la poussa à faire quelque chose d'inattendu certainement, autant pour elle que pour James, et se leva pour se placer à côté de lui. Sa tête se plaça sur son épaule alors qu'elle ferma les yeux, faisant fis du sorcier en train de se sustenter.

- Faisons comme si tout ça n'existait pas ce soir.

Avoir l'occasion de laisser son esprit oublier tous ces tourments qui se répétaient inlassablement depuis bien trop longtemps était sûrement ce dont Eleanor avait le plus besoin à cet instant. Pour quelques heures être juste une adolescente qui pensait à trucs d'adolescente. Le duelliste n'y serait peut être pas réceptif ou s'en agacerait mais cette fois elle avait agis sans vraiment réfléchir et en laissant la spontanéité parler.

Les prunelles embrasées du jeune homme se plièrent, ses joues creusées s'écartèrent l'une de l'autre et sa bouche laissa échapper un bref rire à la rhétorique de sa partenaire du soir. Peut-être était-ce vraiment le cas ? Il se contenta en tout cas de l'observer, d'abord surpris de la voir se lever, puis d'autant plus lorsqu'elle vint jusqu'à s'installer sur son épaule. Il ne restait plus que les crépitements du feu et la surveillance des étoiles pour les déranger. James ne montra pas de réaction particulière, la laissant se reposer là où elle avait décidé de le faire.

Du moins, le temps qu'il lui fallait pour finir son repas.

Une dizaine de minutes défila, où seuls ses coups de cuillères pouvaient déranger la tranquillité du moment. Le jeune homme était un peu gêné, un peu trop même pour rester dans cette position indéfiniment. Ainsi, il se racla la gorge, avant de s'écarter légèrement sur la gauche une fois sa camarade redressée. Il n'avait visiblement ni été brusqué, ni ennuyé par l'initiative de la Folsham qu'il avait tout de même décidé de raccourcir.

« - Dis-moi... Tu aurais quelque chose qui t'appartient, mais auquel tu ne tiens pas vraiment sur toi ? »

Ce n'était peut-être pas vraiment ce qu'elle attendait, mais James n'avait jamais été un grand romantique.

Quelques secondes passèrent où Eleanor où un petit sentiment d'appréhension quand à la réaction que son geste provoquerait avant de constater qu'il n'y avait aucune contestation verbale ou physique après son initiative. Alors un fin sourire se dessina l'ombre d'un instant sur son visage avant qu'elle ne profite de ce silence rassurant ainsi que de la chaleureuse présence qui lui était accordée. Le crépitement du feu et les coup de cuillère raclant le bol vinrent compléter cette douce quiétude. Les yeux restèrent clos pendant la sizaine de minute que ça dura et pendant lesquels elle pu enfin vider son esprit de tout ce qui pouvait la troubler, chose rare qu'elle apprécia à sa juste valeur.

Ce qui rendait ces moments précieux étaient aussi leur durée. Sans que la Poufsouffle ne sache si ça faisait dix, quinze ou vingt minutes, le rapprochement finit par se rompre après que James ait son repas. Elle se redressa donc et remit sa chevelure un peu en place avant de laisser son regard sur le Serpentard qui fi sa surprenante demande. Si pour lui ce n'était pas quelque chose de romantique, ça l'était aux yeux de la rousse qui ne connaissait pas grand chose à tout ça.

- Oh euh oui bien sûr.

Elle alla prendre son sac avant de revenir à la même place et fouilla dedans pour en sortir un mouchoir blanc dont les bords en dentelle avaient plusieurs motifs. En son centre était brodé les initiales E.F. Ce n'était peut être pas un objet très important mais qui avait tout de même une symbolique assez forte puisque ça faisait partie des très rares choses qu'elle avait ramené de son ancienne vie moldue en fuyant. Ce simple tissu l'avait vu devenir une sorcière et évoluer ensuite.

La jeune sorcière s'en saisit soigneusement pour le tendre vers James avant de stopper son geste.

- Je veux aussi quelque chose qui t'appartient dans ce cas.

Ce serait une sorte d'échange tacite entre les deux qui auraient chacun une petite partie de l'autre. Un souvenir d'une soirée hors du temps où ils auraient pu se rapprocher un peu plus, que cela veuille dire quelque chose ou non pour plus tard.

Sa dextre gantée vint saisir le mouchoir, que ses yeux ne tardèrent d'ailleurs pas à examiner. Les initiales de la demoiselle, brodées à même le tissu, firent douter l'écossais. Avait-elle bien compris sa demande ? Puis la réponse de la jaune vint rajouter une couche par-dessus cet acte, qu'il estimait dorénavant comme mal interprété par la jaune. S'imaginait-elle... Il fallait dire que l'Ashworth savait qu'il était assez populaire auprès des étudiantes de Poudlard, mais qu'il ne connaissait pas encore grand chose aux femmes - malgré son côté un peu charmeur. Il se contenta de souffler du nez, retrouvant le regard de la sorcière aux yeux céruléens.

« - Tu es sûre ? Tu n'y tiens pas ? »

Venait-il d'ignorer la demande de la Folsham ? Totalement. Il la mettait du moins de côté pour l'instant.

L'objet en lui-même ne revêtait pas une importance capitale à ses yeux, c'était plus une sorte de symbole comme elle en avait encore d'autres. Il n'y avait pas d'attachement autour comme ça pourrait être le cas avec sa lyre par exemple, s'en détacher ne lui faisait pas grand chose non plus. Sans hésitation aucune elle hocha de la tête pour le lui confirmer.

- Oui je suis sûr ne t'en fais pas.

De son côté Eleanor attendit de voir ce qui lui serait confié, se doutant que sa demande n'avait pas été ignoré non plus. En tout cas elle l'espérait.

« - Très bien, alors... »

Le jeune homme se releva. Ses yeux voyagèrent du mouchoir à celle qui venait de le lui donner, puis de la rousse au feu. Il reprit la parole tout en commençant à marcher, détaillant une espèce de ronde autour du foyer.

« - Disons que je comptais t'offrir quelque chose d'un peu moins concret en échange. Mais... Sache que cela m'appartient tout de même. »

Il venait de quitter la gauche d'Eleanor pour, après un tour quasi-complet, retrouver sa droite. Il s'accroupit, rangea le mouchoir dans sa poche, puis ôta ses gants phalange après phalange. James les déposa à ses côtés. Ensuite, sa sénestre vint s'apposer au-dessus du brasier, qui, en réponse à sa volonté, perdit soudainement en intensité. Les flammes s'écartèrent d'elles-mêmes, formant une espèce de cercle qui donnait un accès direct aux braises brûlantes qui l'alimentaient depuis maintenant une belle heure.

L'Ashworth échangea un dernier regard avec sa camarade, sortit son récent cadeau, et le déposa sereinement au centre des flammes maintenues à l'écart. Son attitude avait changé. Ses gestes, sa respiration, tout en lui transpirait la concentration et le calme. Il n'espérait pas forcément avoir un résultat, mais le simple fait d'échanger ce moment avec la Folsham lui faisait plaisir.

« - Maintenant, espérons que le feu soit clément. »

Puis il relâcha l'emprise qu'il avait sur les flammes. Ces dernières reprirent leur stature initiale et James s'écarta d'un pas en arrière. Ses yeux, écarquillés et avides, ne quittaient plus le spectacle qui se déroulait devant eux : la danse d'un élément sauvage, consumant le tissu d'un objet lié à une personne qui en valait la peine. Il se savait capable de voir, de ressentir, fallait-il encore qu'il puisse extraire quelque chose d'intéressant de l'exercice. Mais peu importait. Cette magie savait le captiver même sans résultats. C'était même là toute la beauté de la chose.

Depuis Shane, James n'avait jamais eu la chance de revivre une telle expérience. Cette dernière était bien différente de la première, puisqu'au lieu d'être absorbé par les flammes, c'était le feu lui-même qui venait de se métamorphoser en un gigantesque miroir translucide, offrant la vue sur un des hypothétiques futurs de la jaune. Puisque l'Ashworth en était conscient, cette science n'était exacte que si l'on respectait l'ordre du Destin.

Bouche-bée devant l'exploit qu'il avait lui-même façonné, le jeune homme en avait quasiment oublié la présence de sa camarade, absorbé par sa prouesse. Il en mémorisait toutes les subtilités, toutes les sensations, animé par cette envie de progresser et de percer les secrets d'une telle arcane. James vivait pour ces instants. Bien évidemment, le contenu de la vision l'avait tout autant interpelé, et il fallait être honnête : la pyomancie venait de se montrer généreuse. Eleanor venait peut-être de se découvrir un potentiel insoupçonné, et il n'était pas peu fier d'en être la source. Depuis petit, le serpentard avait toujours eu une intuition toute particulière à l'égard de la jaune, et finalement, le vert semblait, une fois de plus, avoir raison. Avait-il cette capacité de repérer les plus talentueux, les plus doués ? Il commençait sincèrement à se poser la question, même si certains avaient essayé de le convaincre de l'inverse. C'était peut-être là qu'était sa mission. Celle de réunir l'élite de demain ?

Interprétant déjà ces signes que lui envoyaient le destin avec un mysticisme qui lui était propre, James demeura silencieux, observant le feu décroitre et faiblir, jusqu'à redevenir celui qu'il était avant son intervention récente. Il restait stoïque, peut-être en pleine réflexion et n'échangea pas encore de regard avec la jaune qui était assise à quelques mètres sur sa gauche. Peut-être s'était-elle levée ?

Ainsi elle laissa faire l'écossais qui lui prépara son cadeau sans qu'elle ne comprenne vraiment au début, notamment quand il retira ses gants pour laisser apparaître ses mains abimées qu'elle avait déjà pu voir lors de son séjour à l'infirmerie. Une pointe d'inquiétude se fit ressentir en voyant la senestre s'approcher des flammes avant que ce soit la surprise qui s'empara de la jaune quand les flammes s'écartèrent du centre. Comment James pouvait il réussir une telle prouesse ? Il semblait avoir des capacités hors du commun tout comme Celonia. Son mouchoir finit par rejoindre l'intérieur du cercle avant de se voir consumer par le feu qui revint à son état initial. Pendant quelques secondes elle cru que c'était ça le cadeau : le vert qui lui partageait un secret sur ce qu'il pouvait faire. Et pourtant elle était si loin de pouvoir deviner ce que cette action allait provoquer.

En voyant les flammes prendre de l'ampleur elle se leva pour un peu reculer en posant son regard brièvement sur James pour comprendre avant de reporter à nouveau son attention sur le spectacle qui ne faisait que commencer. Une lumière douce et blanche se matérialisa au milieu du brasier jusqu'à s'en emparer complètement. Et là le choix fut grand puisque c'était sa propre personne qu'elle observait maintenant. C'était une expérience particulière que de se voir de l'extérieur comme ça, de se voir soi-même en train de faire quelque chose qu'elle n'était pas en train de faire. Cette fois Eleanor se rapprocha de ce qui était encore qu'un feu de camp il y a encore un instant. D'apparence c'était un moment comme elle en avait vécu des centaines à Poudlard à gribouiller à la bibliothèque. Mais il ne s'agissait pas d'une réflexion du passé mais une sorte d'ouverture sur un moment qui ne s'était pas encore passé, une fenêtre sur un avenir possible. En voyant la partition elle comprit tout de suite de quoi il en retournait et cette fois compris qu'Elisabeth avait en fait totalement raison. Elle avait bel et bien la capacité de donner vie à sa musique.

Sa main se plaça sur sa bouche ne dissimulant qu'à moitié l'immense sourire qu'elle arborait, totalement fascinée par ce qu'elle voyait. La préfète avait la conviction de pouvoir réaliser de grandes choses avec cette magie si particulière, à tel point que pour la première fois elle se dit que sa voie n'était peut être celle de l'alchimie ou en tout cas que ce n'était pas la seule. Elle n'avait encore aucune idée de ce qui pourrait être fait mais les possibilités lui semblaient infinis et grandioses. C'était peut être la réponse à ses doutes et son avenir. L'émerveillement se poursuivit en voyant les lumières danser autour de sa "jumelle" jusqu'à ce que peu à peu l'image ne s'efface. Le feu avait été clément.

- C'est magnifique...

La rousse n'avait toujours aucune idée de comment son camarade avait pu réaliser quelque chose d'aussi exceptionnelle mais lui vouait une reconnaissance immense. Elle s'approcha de James avec toujours cette joie qui se lisait sur son visage et dans son ses yeux qui pétillaient de joie. Et lui seul en était responsable.

- Mais comment tu... C'est... C'était merveilleux.

La symbolique était belle en plus car c'est avec lui que la Poufsouffle avait fait ses premiers pas avec ce "don" inhabituel, même si elle ne s'en était pas rendu compte à l'époque, et maintenant c'est cette même personne qui allait lui permettre d'avancer encore. Maintenant à quelques centimètres du pyromancien elle le remercia. Cette scène lui avait procuré plus de bien qu'il ne pourrait l'imaginer.

- Merci du fond du coeur.

L'enthousiasme la poussa à approcher une main de la sienne, mise à nue, mais se stoppa alors que ses yeux se déplacèrent d'elles jusqu'à James, ne voulant pas le brusquer à travers un geste qu'il pouvait ne pas apprécier.

La main de l'écossais s'était naturellement écartée, gagnant l'avant de son buste tandis que son regard venait de retrouver la rousse. Il resta silencieux un instant, fixant la demoiselle, et n'eût pas l'air agacé par son initiative. Cependant, il ne semblait pas non plus enclin à lui offrir sa paume. Il préféra enchaîner comme si de rien n'était plutôt que de laisser s'installer une gêne. James ne voulait pas mettre la Folsham dans une position inconfortable.

« - Ce n'est rien, je pense avoir pris autant de plaisir que toi à découvrir cela. »

Ses prunelles de jais ne quittaient plus le visage de son interlocutrice, marqué par la joie et la gratitude. Cela le toucha.

« - Mais ravi d'avoir pu te faire apprécier cette belle arcane qu'est la divination. Dommage que ce soit un peu tard, ceci dit. »

Un sourire déchira ses lèvres, accompagnant son air taquin qui venait briser l'ambiance devenue trop pesante à son goût. James n'était peut-être pas aussi à l'aise que cela avec ce genre de choses, finalement. L'écossais soupira et se retourna, regagnant une vision claire du feu qui crépitait toujours. Ses mains vinrent se croiser dans son dos.

« - Je compte sur toi pour ne pas le crier sur tous les toits. » ajouta-t-il enfin, sans faire précisément référence à ce qu'elle ne devait pas répéter. Cela lui paraissait assez logique pour être deviné.

Voilà qui prouvait le niveau de confiance qu'il avait en elle. Le silence revint et James en profita le temps qu'il put. Eleanor avait peut-être d'autres questions ou remarques à faire sur la scène qui venait de s'écouler devant ses yeux ?

La rousse ne prit pas personnellement le geste de recul car se doutait que les marques sur ses mains rendaient tout contact à ce niveau un peu trop compliqué., c'était bien pour ça qu'elle s'était arrêtée avant le faire. Finalement à plusieurs année d'intervalle ils avaient pu offrir un grandiose spectacle à l'autre au travers de leur don. Toujours aussi souriante, elle recula un peu pour ne pas oppresser le Serpentard.

Un rire se fit entendre à la remarque sur ses résultats en Divination. Elle avait choisis de s'en délester pour se concentrer sur le reste mais visiblement elle avait eu tort de sous-estimer cet art. De toute façon il semblerait que d'autres la maitrisaient bien mieux que la jaune.

- Ca ne m'aurait pas effleuré l'esprit.

Connaissant son côté discret, Eleanor se doutait bien qu'une telle capacité devait être un secret gardé dans un cercle de personnes de confiance dont elle semblait faire partie, ce qui la toucha. Elle était bien placée pour savoir que c'était quelque chose de difficile à obtenir.

- Ca fait longtemps que tu peux faire ça ? Ton pouvoir peut faire quoi exactement ? Toi-même tu semblais surpris de ce que tu as fait.

Est-ce que c'était seulement divinatoire ? On aurait dit que non car juste avant il avait réussi à manipuler les flammes également. Est-ce que c'était lié aux stigmates qu'il portait ?

« - Je l'étais. Disons que... J'ai une affinité particulière avec le feu. Je crois que c'est en moi depuis toujours. »

Aussi loin qu'il puisse se souvenir, cet élément était une pièce centrale de son encore courte vie.

« - Mais j'ai commencé à le réaliser il y a quelques années de cela, suite au cours de monsieur Lionheart sur les épouvantards. Un drôle de comble... »

Une phobie qu'il avait mis du temps à appréhender, à combattre, et qui encore aujourd'hui ne manquait pas de le prendre aux tripes lorsque les flammes étaient omniprésentes. Il savait cependant réagir, se calmer, en grande partie grâce au fait qu'il pouvait dorénavant contrôler sa peur, au premier degré du terme.

« - Et puis un jour, je suis tombé sur un livre qui traitait de la pyromancie au club. De fil en aiguille... Voilà où j'en suis aujourd'hui. Mais ne crois pas que c'est aussi beau à chaque fois, loin de là. Je suis souvent là à essayer de deviner si c'est une oie ou une pie que j'ai vu dans les flammes. »

La triste vie d'un passionné de divination, finalement. Mais c'était grâce à tous ces efforts que l'on pouvait assister à ce genre de spectacles une fois par an. En progressant, James deviendrait certainement plus régulier. Il l'espérait.

« - En tout cas... Je ne savais pas que cette lyre nous conduirait jusque-là, et j'ai l'impression de ne pas être le seul à avoir des petits secrets. » ajouta-t-il amusé, revenant à sa camarade d'un regard ponctué de curiosité.