Domaine Ašerić

La force du colosse nordique était bien plus que ce que pouvait supporter la frêle ossature du croate. Ses bras et genoux ployèrent, son épée lui échappa des mains, et il reçut un violent coup à l’épaule. Le serdaigle s’effondra au sol, le corps meurtri. Bien vite, le bout des bottes du maître d’armes vinrent se planter devant son visage.

- Votre réflexe n’était pas le bon jeune maître, face à un adversaire vous dominant par sa force, une parade de face revient à la reddition.

Ce genre de conseils pouvaient également être applicables aux arts magiques ; finalement, le combat en lui même en était un, d’art.

Aslan se retiendra de toutes ses maigres forces pour ne pas se tordre de douleur comme un chien souffrant d'un mal quelconque se roulant au sol, il à l'impression que les os de ses bras vont se briser après un tel impact la douleur est abominable, en prouve les larmes qui coulent sur ses joues et son corps tout tremblant alors qu'il se relève en essayant d'être le plus digne possible.

-Je crois que j'ai assez pour une leçon de retour Thorgal, nous reprendrons après le dîner si cela te sied.

Dira t'il en essuyant ses larmes.

Un léger soupir, avant que le maître d’armes n’opine du chef.

- Soit. A très bientôt donc.

Le maître d’armes partirait alors, n’offrant pas une main au jeune croate ou d’autres paroles ; c’était un homme dur, bourru. Le genre qui ne ménageait pas ses élèves, peu importe leur statut. Aslan était donc laissé seul, par terre, son corps le lançant de partout après à peine quelques coups échangés… l’épéiste avait raison, il était bien trop frêle.

Aslan poussera un soupir vis à vis de sa propre performance, à peine déçu. En réalité c'était mieux que le nombre de fois où il avait abandonné presque immédiatement après les premières douleurs... Aslan ira prendre un bain après avoir demandé à des servantes de préparer ce qu'il faut puis il ira faire ses obligations.

Après s'être lavé, âpreté et préparé aussi bien sur la question de l'apparence que mentalement Aslan se décidera enfin à se rendre vers la Grande Salle, la où aurait lieu le dîner. En marchant au travers de son manoir Aslan ne pourra s'empêcher de se dire qu'il fait pâle mine en comparatif à Poudlard, mais pourtant c'est un luxe que de vie que peu de ses camarades d'école connaissent.

Mais même en ayant le privilège que beaucoup ne possèdent pas Aslan ne peut s'empêcher de se sentir injustifié par le destin, sa naissance lui promettait un futur de soldat , de chef militaire à la tête de peut-être un jour des dizaines de milliers de moldus et de centaines de sorciers. Conquérant des cités et avançant l'empire au travers de l'Europe , un destin que ses frères ambitionnent plus que tout.

Aslan pourrait s'estimé heureux s'il se voit le droit d'avoir un rôle de diplomate ou d'ambassadeur pour l'empire une fois adulte, ou bien peut-être de savant. Quoi qu'il en soit , c'était des fonctions loin du prestige qui lui était destiné.

Les années passent et le temps avance, signifiant de plus en plus le moment ou Aslan devra quitter Poudlard et cette notion le terrifie. Car une fois dehors soit il devra fuir ses obligations et ne jamais revenir ici , soit accepter d'être là dernière roue du carrosse, à peine devant ses soeurs. La boule au ventre et les membres tremblant légèrement Aslan lâchera un gros soupire avant de pousser les portes de la Grande Salle.

Sur le chemin, le serdaigle aura croisé sa sœur. Ils auraient partagé quelques pas dans un silence qui était méprisant chez elle. Ils arrivèrent au niveau des portes après quelques minutes d’un malaise palpable. Lesdites portes étaient faite d’un bois sombre, aux fins motifs d’un damasquinage doré. Deux gardes en armure étaient postés à la porte, alertes.

La grande salle, comme Aslan se plaisait à la nommer, était, effectivement… et bien une grande salle, et oui. La salle était baignée de par ses grandes fenêtres d’une lumière sélène qui se mêlait à la douce chaleur d’un grand lustre accroché au plafond et de candélabres disposés ça et là. Sa sœur alla s’installer avec une grâce pleine de préciosité. Sa mère était déjà installée, discutant avec un homme qu’Aslan connaissait comme étant un sorcier proche de leur famille. Il lui semblait être un homme sympathique mais… il avait toujours senti chez lui une sorte d’hypocrisie sous-jacente sans pour autant jamais être capable de la déceler. Sa sœur cadette était visiblement la seule manquant encore à l’appel, et, il allait sans dire qu’en l’absence du patriarche la place de chef de table était laissée vacante.

A leur arrivée, la matriarche, Marija Ašerić, se tourna vers ses deux enfants, les gratifiant chacun d’un hochement du menton. Le sorcier lui se tourna pleinement vers le serdaigle, sa moustache frétilla.  

- Ah, jeune Aslan, ta mère et moi parlions justement de toi! Viens donc t’asseoir à côté de moi!

Il lui fit signe du bras de s’approcher. Sa mère l’observait, et sa sœur, plongée dans ses pensées, ne lui accordait aucune attention.

Aslan rentre sans enthousiasme et avec une démarche bien étudié dans la Grande Salle,  passant son regard de  sa mère à l'invité Aslan restera quelques secondes avec un regard contemplatif, comme s'il les voyait depuis la première fois, surtout pour Jan qu'il ne s'attendait pas à rencontrer ici.  Cet homme orné de mystères avait toujours fait preuve de gentillesse envers le Serdaigle, mais avec l'âge et la maturité qui lui donnent une meilleure réflexion sur sa vie Aslan se demande si c'est vraiment de la gentillesse ou plus une courtoisie intéressée qui le motive.  Se courbant cérémonieusement devant sa mère puis offrant un hochement de tête à Jan, il ira prendre place sur table, évitant le regard de sa génétrice alors qu'il focalise son attention sur l'homme.

La matriarche le toisait, l’air fermé mais calculateur, alors qu’il prenait place à leurs côtés. Jan le sorcier vétéran posa une main calleuse sur l’épaule d’Aslan, le faisant peut-être sursauter.

- Ah, tu as bien grandi! La dernière fois que je t’ai vu tu étais haut comme trois pommes! Ils vous nourrissent bien à Poudlard!

Il éclata d’un rire ventral, presque théâtral, propre à ceux se sentant importants.

Aslan ne put s'empêcher d'offrir un sourire dénué de joie devant un tel propos , à peine faisant l'effort de faire semblant. S'il était vrai qu'il avait beaucoup changé physiquement il n'en restait pas moins un gringalet et un faiblard en comparatif à ses frères qui ont toujours su faire preuve de promesses et prouesses physiques depuis le plus jeune âge.

-Loin de mes espérances pour autan, j'espère bien prendre en consistance avec l'âge.

Réponds t'il en jetant un regard en coin vers sa mère.

Jan souffla du nez, un petit sourire aux lèvres, mais ce fut sa mère qui intervint, les mains jointes sous son menton et ses yeux rivés sur Aslan.

- Raconte-moi ce que je n’ai pu apprendre par tes lettres mon fils.

Sans aucun doute une pique quant aux missives brèves et irrégulières du jeune croate.

Après ce qui semble peut-être une éternité , le jeune croate qui jusqu'a alors demeura impassible devant sa mère, comme si considérant même le fait de lui offrir une réponse ou non , lâchera finalement en affichant un sourire forcé.

- Il n'y à pas grand chose à dire, mère.  C'est une école on ne peut plus monotone , bien que l'éducation est excellente et rigoureuse.  Mais je suis loin de vivre les épreuves de mes frères à Constantinople, je n'en doute pas.

Dira t'il en cachant au mieux ma petite part de sarcasme dans son mensonge.

La conversation aurait suivi son cours, la sœur cadette d’Aslan serait arrivée bien qu’en retard - elle était de loin celle étant la plus sympathique avec lui dans cette maudite famille qu’était la sienne. Sa mère semblait ne nourrir aucun espoir envers ce fils qui était loin des yeux et du cœur, sa sœur aînée ne lui vouait que du mépris - quant à son père, ses frères, il aurait l’occasion d’en témoigner d’ici peu. En attendant, le croate avait passé plusieurs semaines sur son domaine tantôt à s’entraîner, tantôt à flâner, aussi à se cultiver au travers de lectures.

Son train-train serait finalement brisé par l’arrivée d’une missive venant directement de l’empire… de son père ; lui et l’un de ses fils, étaient envoyés dans la région pour enquêter sur d’étranges rumeurs. A vrai dire, cela était même parvenu jusqu’aux oreilles ; dans la joupanie de Krapina-Zagorje, aux environs de la montagne Ivanščica, l’on disait que le gibier habitant les denses forêts se faisait étrangement rare, que l’on trouvait d’innombrables carcasses, et que certains hommes se seraient même perdus. L’empire rechignait à mener l’enquête, ou peut-être que ses hommes n’avaient pu arriver à quelconque conclusion. Quoiqu’il en fusse, la chose était vue comme assez intrigante, voire préoccupante - sûrement du fait de la proximité avec la frontière du Saint-Empire romain germanique, pour qu’on y dépêche des sorciers.

Ainsi, ce fut une semaine plus tard que la famille Ašerić se retrouvait presque au complet. Tout de suite, l’ambiance s’était fait plus stricte, rude. Mais, point positif, avec la présence de leur père, l’attitude dédaigneuse de sa sœur aînée se limitait à des regard mauvais. Le patriarche, Luka Ašerić n’avait montré guère d’émotions au revoir de son fils le plus jeune, se contentant d’un regard fermé, presque inquisiteur, mais, qui pouvait, à l’aune de l’esprit complexé d’Aslan contenir une lueur de déception et de mépris. Quant à son frère, Serhat, il s’était montré plutôt moqueur envers son frère cadet, profitant d’une séance d’entraînement pour lui flanquer une sacrée raclée bien humiliante. Au sujet de son frère, son accoutrement lui rappelait celui de l’un de ses camarades à Poudlard. Un peu à son insu, au détour d’un couloir, d’une conversation, Aslan apprendra que son frère avait été inspiré par le fils d’un des fonctionnaires de l’empire…

En bref, si les mots méprisants de sa sœur se faisaient plus rares, il les avait troqués pour les moqueries, brimades et tannées de Serhat. Pour autant, un répit lui sembla être accordé quand sa mère leur enjoint avec poigne de cesser leurs chamailleries. Quant à son père, la décision qu’il allait prendre avait peut-être été motivée par la vue de son couard de fils - du moins c’est ainsi qu’il le voyait, car, il viendrait s’adresser à son fils, lui posant une main sur l’épaule. L’autorité paternelle ainsi établie, Aslan était invité - plutôt contraint - à accompagner son père, son frère, et quelques hommes de main dont Thorgal le maître d’armes, à aller chasser ce prédateur, ce mal, contre lequel ils avaient été dépêchés. La théorie se voulant la plus crédible était celle d’une quelconque créature magique ; si Aslan pouvait redouter d’avoir à affronter un terrible tshart, le reste des hommes étaient sérieux mais pas plus inquiétés que cela. 

Enfin… passons le récit franchement inintéressant d’un voyage - certes assez court, lors duquel il ne se passa pas grand chose. C’est en soirée qu’ils arrivèrent à un  village - en leur qualité de nobles de ces régions ils furent donc bien accueillis, des chambrées, repas et bains leurs seraient fournis. Au matin, l’enquête commençait donc vraiment ; d’abord, aller voir des carcasses récoltées en forêt. Si lors de leurs soirées ils avaient entendus d’étranges choses à ce sujet, être exposé directement à l’objet de ces rumeurs finirait de les convaincre de la bonne intuition derrière le mandement de leur présence en ces lieux.

Guidés par quelques locaux, ainsi que leur ”chef”, qui était simplement l’homme le plus ancien, et donc sage, séjournant ici. Ils furent escortés jusque une sorte de grange, de laquelle se dégageait une odeur pestilentielle. En y entrant, ils furent d’abord pris aux tripes par les exhalaisons écœurantes qui provenaient d’une carcasse recouverte d’un drap blanc. Bien qu’oppressante, Aslan put réprimer son envie de dégobiller. L’un des villageois, usant d’un tissu pour se recouvrer le bas du visage, vint alors ôter le drap recouvrant l’amas de chair… difficile de décrire autrement ce qui venait de se révéler à leurs yeux ; un cervidé, probablement une biche, dans un état de décomposition avancé, boyaux et organes internes visibles par endroits, atrophiés et noircis. Son corps était comme un raisin sec, aspiré de toute eau, de toute vie. Cette vision était troublante, aussi bien de par sa violence, que de part le fait que… et bien Aslan, lui, ne connaissait aucune créature magique laissant ses proies dans cet état, sinon les affres du temps - mais, compte tenu de la temporalité, ce ne pouvait être ça… hein? Le plus étrange était qu’il n’y avait pas de traces de lacérations ou de morsures outre mesure… ou peut-être avaient-elles été rendues invisibles par la putréfaction? Brrrrrrr….

- On dirait que l’animal a été occis il y a bien longtemps… nota le patriarche, les yeux légèrement plissés, un tissu au devant de son visage rendant sa voix quelque peu étouffée.

- Mhh, commença le vieil homme, hésitant.

- Quoi donc?

- Et bien, comme je vous le disais… on les trouve tous comme ça dans les bois depuis quelques temps… et celui-ci est mort il n’y a pas plus de deux, aller, trois jours.

L’information sembla étonner le père d’Aslan. Un frisson traversa l’assemblée, ou Aslan s’imaginait-il des choses? Quel genre de diablerie était derrière tout cela?

Aslan avait vécu sans grandes surprises la plupart de son temps chez sa famille depuis son retour pour une période heureusement limitée.  Moqueries de sa soeur, humiliation de son frère, mépris à peine masqué de sa propre mère et bien sûr son éternel solitude et désespoir devant le long martyr qui se présente jour au jour à lui . Au moins lui, il est noble, au moins lui il est riche, au moins lui il à une famille pour ce que cela vaut, du moins c'est les paroles que Aslan se soufflera pour se rassurer et ne pas sombrer dans son propre désespoir. Si le retour innatendu de son frère fut une surprise le fait qu'il soit avec son père le fut encore plus, on ne rentre pas soudainement de ses fonctions officielles dans l'empire sans bonne raison, des raisons d'importance majeure. Aslan craint un instant que cela concerne une nouvelle guerre contre le Saint Empire Germanique, mais il en fut tout autre.   Une affaire sordide et des plus mystérieuses qui s'apparente à bien des histoires et rumeurs que Aslan n'aurait jamais cru connaître de son vivant. Vampires, striga, revenants, démons, les créatures de la nuit réelles ou fictives sont nombreuses à hanter l'histoire des sorciers et moldus slaves et des Balkans.  Aslan eu bien du mal à cacher sa peur quand son père lui ordonna de venir avec lui, il ne réussira pas d'ailleurs à cacher sa grande surprise devant une telle décision, pourquoi lui ? Pourquoi maintenant alors que sa présence ne serait que temporaire ? Surtout considérant son statut qui s'apparente plus à de la bâtardise qu'un rôle d'hériter en ligne légitime, vu comment son père le considère.  Mais quoi qu'il en soit et qu'importe ses doutes, Aslan n'a pas le choix. Il accompagne son père et son frère dans cette mission, d'ailleurs la première de sa vie ou il participe directement.

Craignant tout au long du voyage l'éventualité où ils doivent se battre au cas d'une attaque surprise du supposé monstre, une situation où Aslan serait sûr de mourir ,ou pire encore, devoir coûter la vie à certains des hommes de son père pour le sauver, il ne passait pas une nuit sans que Aslan ne pense à cette éventualité. L'idée qu'il reçoive des tâches de son père durant cette mission le terrifiait plus encore , non seulement il serait ridicule mais en plus il mettrait en danger la vie de son groupe.

Malgré toutes les préoccupations jusqu'à lors rien n'arriva de bien notable et le petit groupe arriva à sans doute le premier horrible et mémorable moment de cette mission. En entrant dans cette grange Aslan fut surpris avec lui même de ne pas avoir subit un malaise devant un tel spectacle,  La première pensée qui lui viendra à l'esprit serait celle des agissements d'une sorte de nécromancien ou alors une quelconque créature magique capable de manipulation des morts, car Aslan se refusait tout simplement à croire ne serait-ce qu'un instant que cet être était encore en vie il y'a moins de trois jours. Accepter cette possibilité serait admettre qu'ils faisaient peut-être face à une chose bien au delà de tout ce que Aslan avait eu en tête jusqu'à lors et il se refusait de le croire...

- Trois jours vous dites?

- C’est cela monseigneur, fit le vieillard, tout en hochant vigoureusement la tête.

- Et comment pouvez-vous en être certain?

- Et bien… ceux l’ayant trouvé nous ont assuré qu’ils étaient passés au même endroit quelques jours auparavant…

Le père d’Aslan n’eut pour réponse qu’un ”Hmmmmm”. Du côté des hommes du village on appréhendait la réponse du noble, et quant à ceux dépêchés… et bien difficile de tabler quant à ce qu’ils pouvaient bien penser ; en bons professionnels, ils se gardaient de laisser transparaître la moindre traces d’émotion - mais, à ceux assez attentifs se révèleraient des battements de sourcils incertains, des mâchoires serrées, des regards déterminés aussi…

- Soit. Il nous incombe donc de tirer cela au clair. Il serait inconvenant que nous laissions notre peuple démuni.

En disant cela, il s’était finalement retourné vers ses hommes, à qui, d’un geste de main, il ordonna de le suivre hors de la grange. Les villageois présents se retinrent de lâcher un soupir de soulagement.

Ainsi décidés, leur périple les mènerait donc jusqu’aux denses forêts environnantes. Montés à cheval, l’escorte était menée par le patriarche lui-même, accompagné des quelques autres mages présents mais aussi ses fils. Le soleil était fixement ancré au sommet d’une toile azuréenne fracturée ça et là par le vol de quelques oiseaux ou la lente danse des nues, la chaleur se faisait presque étouffante. A l’orée des bois, les voix se turent, les sens se firent plus aiguisés, alors qu’ils pénétraient dans le domaine sylvestre. Les bras des arbres, tendus vers le ciel, et leurs excroissances feuillues, composaient un toit qui aurait tôt fait de remporter le bras de fer qu’ils avaient entamé avec ceux d’Hélios.

Pour autant, les minutes défilaient, l’air se faisait plus lourd, la lumière se raréfiait, et petit à petit, la nature vivide du biôme forestier s’était éclipsée derrière un pesant voile de silence. Pas un son, sinon ceux de leur avancée, des branches qui craquaient sous les sabots des équidés, des branches trop aventureuses qu’ils élaguaient. Pas un bruit, sinon ceux de rares mots échangés, chuchotés. Plus rien, sinon la répétition d’un paysage bien trop monotone. Après un certain temps, la forêt s’était trop densifiée pour continuer à cheval, alors, on avait débattu: fallait-il rebrousser chemin, ou attacher les montures pour continuer à pied? Il n’y avait nul couard ici - à l’exception près peut-être d’Aslan, et il avait donc été décidé de continuer à pied. Certains allaient évidemment rester pour garder le pseudo-campement, surtout s’assurer que rien n’arrive à leurs bêtes - les environs avaient beau être silencieux, la nature pouvait être trompeuse.

Ils trouvèrent donc une clairière où ils pourraient s’arrêter un temps, s’y délestant de leurs montures devenues encombrantes. Aslan aurait peut-être souhaité être de ceux qui resteraient derrière, mais son frère, sûrement dans un élan de cruauté moqueuse, se serait assuré du contraire: « Aslan, mon frère, en ta qualité d’Ašerić tu sauras te montrer digne. Je n’en doute pas un instant. » Leur père n’avait pas réagit au commentaire, pas plus que les autres à qui il était parvenu, mais le message était clair ; si personne n’avait dit le contraire, alors c’est qu’il était de la partie.

Donc il descendit de son canasson, peut-être à contre-cœur, et commença donc à l’attacher comme il pouvait, là où il pouvait. Alors qu’il faisait ceci, une main ferme se posa sur son épaule. S’il tournait la tête, il verrait le visage sévère de son père, ses yeux plissés braqués sur lui.

- Mon fils. Aujourd’hui seront semées les premières graines de l’homme que tu deviendras. Mieux vaut tard que jamais.

Sur ses mots, des mots seulement adressés à lui, il serra un peu plus fort sa prise sur l’épaule de son fils, ce avant de le lâcher et lui tourner le dos. La chasse allait bientôt commencer, si Aslan avait certains doutes, c’était le moment de songer à ce qu’il allait en faire.

Sans grande surprise son frère profita de la moindre occasion à sa disposition pour mettre dans l'humiliation Aslan et faire de lui la future pièce centrale d'une humiliation cuisante, la différence étant que cette fois l'humiliation pourrai bien se révéler comme fatale. Alors que le jeune Croate s'imaginait avec des sueurs froides lui paralysant presque le corps d'innombrables scénarios de morts abominables et de tragédies qui pourrait très bien arriver d'ici quelques heures par le simple fait de sa présence, l'intervention de son père loin d'être coutumière et marquant la gravité de la situation suffira à bousculer l'état émotionnel de Aslan.  D'un côté le poids de la responsabilité qui pèse sur ses épaules se faisait énormément sentir, son père COMPTE sur lui, le nom de sa famille est en jeu et avec lui comme une pièce intégrante.  Mais plus encore cela voudrait dire que son père n'a pas réellement déchu Aslan de son statut et de ses droits officieusement, il le considère encore.  Mais cela est certainement la dernière chance que son père lui offrira, sa chance de démontrer que il est un digne héritier potentiel.

Avec ses pensées lui voguant dans l'esprit Aslan profitera de l'éloignement de son père et de ses hommes de confiance, sorciers pour la plupart, pour se rapprocher de Thorgal.  En plus de sa présence rassurante Aslan savait qu'il pouvait se confier à lui, cela l'aidera aussi à ne pas trop penser aux dangers qui se trouvent devant eux.

-Thorgal, soit honnête avec moi. Crois-tu que cette mission pourrait mal finir pour nous ? Malgré tant de sorciers compétents dans nos rangs ?

Thorgal, fidèle à lui même, répondit avec le recul qui le caractérisait, soit parce qu'il était mur et d'expérience, soit car il ne prenait pas réellement Aslan au sérieux.

— Je ne crois rien. Je sais simplement que tout peut arriver et que la compétence n'est pas une garantie.

Sur ces sages paroles, il enjoignit le jeune maître à rejoindre son père, son frère, et la petite délégation d'hommes qui les accompagnaient. Quelques uns - dont Aslan ne ferait pas partie - restèrent au campement de fortune pour veiller sur les bêtes et sur les quelques affaires laissées là car trop encombrantes. Ils partirent donc, et marchèrent un petit moment, moins d'une heure, jusqu'à ce qu'un des hommes partis en éclaireur ne vienne quérir l'attention du chef, comprendre le père d'Aslan. Le Serdaigle ne comprit pas tout, il était apparemment question d'une grotte qui constituait une piste appréciable: d'autres animaux avaient été trouvés non loin. Il fut décidé de se mettre en route, et sur l'indication de l'éclaireur, la grotte en question fut vite trouvée. Aux alentours immédiats, ils virent effectivement quelques ossements témoignant d'une chasse passée.

Perdue entre des fougères, la grotte trouvait sa source dans le renfoncement d'une petite pente constituée de roches. L'entrée était une légère fente dans la roche, l'on ne pouvait la traverser qu'un par un, et en se faufilant. Serhat passa le premier, non sans avoir tancé son cadet d'un sourire à la fois provocateur et moqueur, "Moi j'y vais, et toi ?" lui hurlait ce rictus. Le patriarche prit sa suite, et ce fut au tour d'Aslan, que Thorgal pressait de rentrer dans l'abyme afin d'y passer à son tour.

— Soyez prudent, jeune maître. Lui intima Thorgal d'une voix calme, comme s'il se sentait encore le besoin de dire à Aslan de ne pas oublier de mettre un pied devant l'autre ou de faire ses lacets correctement.

De l'intérieur de la petite faille, on ne distinguait rien. Les ténèbres étaient là.

Quand Aslan compris qu'il n'allait pas avoir le choix que de rentrer dans cette grotte plus que sinistre et avec tous les dangers que cela implique, il eu beaucoup de mal à retenir une attaque de panique. Ses jambes tremblant et des sueurs froides lui coulant sur la nuque, nul doute que si la créature l'attaque en premier il en est fini pour lui. Ou pire. Il pourrait voir les autres se faire massacrer et être le seul survivant , contraint à souffrir le plus... Balayant ses scénarios horribles de sa tête Aslan soupire un coup et s'engage dans la grotte , lumière au bout de sa baguette.

Aslan se glissa donc entre les parois de la caverne, suivi de près par Thorgal. Le petit groupe avançait dans le calme, leurs Lumos faisant luire ca et là les gouttes d'eau tombant du plafond et plongeant au sol dans un clapotis entêtant. S'y mêlaient les sortes de raclements rocheux lorsque les semelles de leurs bottes frottaient contre la pierre constituant les parois de la grotte. Ils marchèrent quelques minutes. L'obscurité les avala peu à peu, sans qu'ils ne s'en rendent compte, et sans rencontrer d'obstacles, au point que chacun put à un moment oublier pourquoi ils étaient là.

Un sifflement lointain commença à leur parvenir, celui de l'air serpentant entre les parois de la grotte. Ils sentirent un léger souffle en passant à côté d'une petite faille. Puis le bruit se tût tandis qu'ils s'en éloignaient. Depuis combien de temps marchaient ils déjà ?

L'obscurité les avalait. Ils progressaient au milieu des ténèbres, éclairés simplement par les petites lumières au bout de leur baguettes, quelques pauvres lumières perdues au milieu d'un océan de pénombre. Ce mélange des deux extrêmes trompait leurs sens et leur raison: les ombres projetées étaient noires, si noires qu'elles rendaient le terrain incohérent à leurs yeux. Une paroi qu'ils pensaient proche était en fait éloignée. Un mur leur apparaissait soudain, au détour d'un regard, jusque là masqué par leur propre ombre portée. L'évidence devenait incertaine, la vue n'était plus fiable. Thorgal se mettait parfois à ralentir pour examiner au mieux les parois, il réalisa vite que dans cette pénombre, une issue cachée, le détour d'un chemin, pouvait très vite leur échapper et être masqué par une porte de ténèbres; mais rien ne retint son attention.

En dépit de tout, le groupe arriva au bout de son escapade, atteignant finalement le fond de la grotte. C'était une sorte de petite salle, plus large que le couloir qu'ils venaient de traverser. La roche se poursuivait encore au delà, mais devenait trop resserrée pour pouvoir y passer, donnant à cet endroit la fonction de cul de sac, tandis que la faille en elle même continuait encore, pour sans doute s'enfoncer jusqu'aux tréfonds de la Terre. Mais ils n'iraient pas jusque là aujourd'hui.

L'ensemble des hommes se mit à regarder autour d'eux, constatant tant l'absence de monstre que de quelconque trace de son passage. L'état de la tension était... étrange, chacun s'attendait à affronter là un monstre redoutable, mais apparemment absent. Le danger était il écarté ? La surprise plongeait le groupe dans l'incertitude, cela se traduit en la personne du père d'Aslan, qui mit un moment avant de rendre ses ordres.

— Examinons les parois. Dit il. Peut être la grotte se poursuit-elle par une issue masquée par l'obscurité.

Pendant toute la traversée de la grotte Aslan se trouva dans un état prolongé de stress et de paranoïa, presque une sorte de transe. Se contentant de suivre les mouvements de ses aînés tel un chien ayant perdu l'odorat et se guidant aux mouvements de son maître sans se poser de questions.  La pression psychologique étant tel que plusieurs fois Aslan eu l'impression d'être sur le point de s'écrouler par manque d'air, seulement forcé malgré lui de continuer de part la présence rassurante de Thorgal derrière lui.

Aslan eu besoin de plusieurs secondes pour se rendre compte que le groupe avait enfin décidé de s'arrêter.  S'adossant contre le mur il repris son souffle lourdement avant de veinement et sans y croire une seconde se mettre à examiner la paroie derrière lui en passant notamment sa paume de main dessus dans le but de déceler quelconque artifice.

Aslan eut raison de ne pas y croire, puisqu'il ne trouva rien d'anormal, pas plus que ses compères d'ailleurs. Malgré tout leur acharnement et toute la magie mise en oeuvre pour éclairer les lieux, ils ne parvinrent pas à trouver quelque élément pouvant leur faire penser que cette grotte avait un double fond, ou continuait en quelque endroit qui leur fut accessible. Les hommes accompagnant Aslan et sa famille se mirent même à examiner les parois avec leur baguette pour tenter d'y déceler des enchantements, mais rien. Rien d'autre que les plaintes de Serhat, pestant de ne rien trouver. Rien d'autre que les grognements d'embarras de son père, frustré de ne rien trouver. Rien d'autre que le bruit de leurs pas foulant la roche de ce fond de grotte, causant sous chaque pas un bruit rocailleux se transformant en tintamarre à mesure que la pression retombait.

— Là.

La voix de Thorgal retentit dans la grotte, tandis que de sa baguette, aidé par d'autres hommes, il déplaçait un rocher qui débouchait sur... autre chose. Le père d'Aslan offrit un hochement de tête approbateur à son valet puis s'approcha de l'entrée de la découverte.

— Allons y. Intima t-il à son groupe. Soyez prudents.

Ils découvrirent alors une petite salle étonnamment ornée. Au sol, des dalles de pierre, ou alors était ce des fausses dalles en réalité taillées directement à même le sol. Des alcôves avaient été creusées dans les murs, et étaient décorées de différentes statues dont les poses laissaient deviner qu'elles avaient pu un jour tenir des objets aujourd'hui disparus. Au centre de la petite pièce, un cénotaphe orné d'un gisant représentant un homme enchainé constituait le dernier élément de la pièce. La figure sur le gisant avait une face étrange, digne de celle d'un monstre, aux traits dépeints avec une vilaine caricaturale et de grandes canines.

Aslan, rentré en avant dernier, Thorgal ayant laissé passer tout le monde avant de fermer la marche, sentit un souffle passer à côté de lui tandis qu'entre les alcôves, des flammes bleues jaillirent de torches qu'ils n'avaient pas vues. Il sentit quelque chose cogner doucement contre son pied.

Un honteux mais bel et bien réel sentiment de soulagement s'empara de Aslan quand celui-ci perçu que vraisemblablement aucun moyen de progression n'était possible et qu'il fallait donc abandonner l'expédition. Un soulagement qui fut très vite balayé par la compétence , pour le coup très mal venue, de Thorgal.  Un sentiment terrible d'oppression s'empara de Aslan quand il n'eu d'autres choix que de suivre le reste dans cette feinte particulière. Bien qu'il ne se pressa absolument pas , seule la présence de Thorgal forçant le mouvement.

En observant la pièce plusieurs sentiments se bataillérent dans les pensées du Croate. Terreur, fascination, curiosité,  mais surtout un très mauvais présentement d'appréhension.


Il ne put toutefois s'empêcher d'être épris d'une grande focalisation et ce malgré lui envers l'art mortuaire, suscitant de nombreuses interrogations pour lesquelles aucune des réponses lui passant par l'esprit lui semblèrent logiques.

Mais alors que le garçon se trouvait perdu dans ses propres pensées un souffle surnaturel pour la situation l'arrache de sa contemplation tandis qu'un sentiment de contact physique le cloua sur place.  Se retournant tout doucement vers son origine Aslan n'espère voir que Thorgal, priant toutes les divinités qu'il connaisse pour que ce soit le cas.

Aslan vit effectivement Thorgal: sa tête était au sol, ayant roulé doucement jusqu'à s'arrêter au pied d'Aslan. Le calme fut interrompu par le torrent de sang jaillissant soudain du corps du maître d'armes qui tomba lourdement au sol.

— IL EST LA ! Hurla un des hommes de main. A COTE D'ASLAN !

En tournant la tête, Aslan vit un effectivement un homme au teint pâle, très pale, à l'aspect presque cadavérique, se tenir droit à ses côtés. Ses vêtements étaient débraillés. Fait étonnant, il ne semblait pas se formaliser de sa triste apparence. Il remarqua néanmoins quelque chose de singulier: son visage était parcouru d'étranges lignes noires. Il arborait une expression neutre.

— Aslan ! Maugréa Luka, son père. Tandis que Serhat décocha immédiatement un maléfice sur la créature qui semblait ignorer royalement Aslan. Ce dernier, contre toute attente, put voir un fin sourire fendre le visage du meurtrier de Thorgal. Après quoi, il disparut.

— CHERCHEZ CETTE CHOSE ! DOS A DOS ! VITE ! Hurla le chef de l'expédition.

Le visage et l'armure se couvrant au fur et à mesure de sang Aslan perdu totalement le contrôle de ses pensées et du sens de rationalité, seulement guidé par un inctinct de survie primaire Aslan se contenta d'ériger un protego derrière dans sa course alors qu'il se rue plus vite qu'il n'a jamais couru vers la voix de son père.

Thorgal décapité, spectre surpuissant, prisonnier d'un lieu sans aucune échappatoire...les informations s'entremêlent dans sa tête lui pressant de plus en plus une seule et unique réalité , ils vont tous mourir ici.

Les membres de l'expédition parvinrent à se mettre dos à dos, il ne manquait personne. Aslan entendit son frère pester, serrant les dents.

— Pas de pitié. Lanca le père d'Aslan. On ne cherche pas à le capturer !

Et comme pour lui répondre, le monstre sortit de l'obscurité, devant le père d'Aslan qui répliqua d'un Crepitus qui toucha le monstre de plein fouet. Il s'effondra, et puis... plus rien, la pression sembla redescendre aussi vite qu'elle était montée. Luka Aseric tendit de nouveau sa baguette vers le monstre étendu au sol, lorsque tous entendirent la voix de Serhat, affaibli et blessé. Elle provenait du sol.

— P-père... Q-que faites vous... P-pitié...

Et soudain, l'effroi. En un clignement d'oeil, ce que tous pensaient être le monstre se trouva être Serhat, l'ainé d'Aslan, étendu au sol, brûlé et blessé par l'explosion. Son père le fixa, l'air interdit.

— S-Serhat ?! M-mais...
— Hu... Hu... Hu...

Ne lui répondit qu'un rire profond, provenant de derrière Aslan, de là où était censé se trouver son frère, en réalité étendu par terre. En réalité ? La réalité avait elle encore un sens ? Le coeur du Serdaigle rata un battement lorsqu'il se rendit compte que la chose collé à son dos n'était pas son frère, mais bien le monstre, qui avait échangé leur place, et qui à la peine du père d'Aslan avait rétorqué un léger rire. D'un geste, il arracha la gorge des deux derniers hommes de main restants pour ne plus laisser debout qu'Aslan et son père.

— Reste fier... Dit le monstre à Luka Aseric. Tu es fort... Contrairement à ce corps pitoyable...

Ne lui répondit qu'un regard de haine du père d'Aslan. La voix du patriarche tonna en direction de son fils, qui était ignoré par le monstre.

— ASLAN ! IMMOBILISE LE !

Dans la même temps, il agita sa baguette, fou de rage, alors qu'une aura étouffante envahissait la crypte.

— AVADA KEDAVRA !!!