Un banc

Un simple banc en bois, solitaire, longeant un chemin de terre, près du rivage d’un petit cours d’eau froide. Il y avait quelque verdure ici, notamment des arbres épars.

Le digne héritier de la plus noble des familles sorcières du Portugal se trouvait en ces lieux, s’occupant d’une façon bien saugrenue pour quiconque croiserait sa route, toutefois, n’importe quel adepte de quidditch comprendrait ce à quoi il s’adonnait ; du renforcement musculaire! Le valeureux, tout talentueux qu’il était, n’en restait pas moins un modèle de sérieux et de discipline ; qu’il pleuve, vente ou neige, il s’entraînait sans cesse. Aujourd’hui ne faisait pas exception! Les mains agrippant le dossier du banc, le buste et les jambes élevés dans les airs, le jeune premier faisait des pompes.

Remplissant encore une énième corvée pour son tuteur, le jeune Ashworth s’occupait de remplir des gourdes d’eau grâce à la rivière en contrebas. D’après Clay, c’était une manière de lui apprendre le sens des responsabilités, mais James savait très bien qu’il faisait cela uniquement pour être tranquille à la maison pour se concentrer sur ses plantations ou autres bizarreries d’herboriste. Une fois sa tâche accomplie, le garçon renfila la bandoulière portant les six gourdes et s’empressa de reprendre le chemin du quartier des réfugiés. Cependant, il tomba face à face avec une toute nouvelle espèce d’énergumène sauvage. Un acrobate évadé du cirque ? Stoïque, James observa silencieusement l’adolescent, redressant ses gants en les tirant vers les longues manches de son pull qui couvrait son buste.

Le jeune prodige eut tôt fait de remarquer qu’on l’épiait. Il tourna la tête vers le nouveau venu, et, s’abaissant sur sa main en fléchissant son coude droit, il se débarrassa de sa sénestre comme point d’appui pour faire un signe du pouce levé au jeune garçon l’observant en guise de salut, son équilibre ne se trouvant en rien perturbé ; sacré bon acrobate! Il arqua un sourcil, jaugeant du regard son vis-à-vis, puis, d’une voix forte et confiante marquée d’un subreptice accent aux sonorités exotiques, il s’adressa à lui, sur un ton léger.

- Laisse-moi deviner. Toi, tu n’es pas encore à Poudlard!

Une telle désinvolture… Difficile de croire que ce pitre était l’héritier d’une des familles au sang le plus pur de toute l’Europe. Et pourtant…

Rien à redire, si l’objectif de l’inconnu était d’impressionner du monde, c’était chose faite. Du haut de ses onze ans, James n’avait jamais observé de telles prouesses physiques de sa vie. Il avait même un peu de mal à y croire. Les yeux légèrement écarquillés face à l’acrobate, il se contenta d’un hochement de tête négatif pour lui répondre, avant d’entamer la discussion avec la question qui lui brûlait les lèvres.

« - Ce que vous faites, là, c’est de la magie ? »

James avait déjà vu des choses incroyables sortir d’une baguette, mais il savait aussi que certaines potions ou plantes pouvaient conférer des effets spéciaux à leurs utilisateurs. Alors, il préférait poser la question pour s’ôter le doute qui s’était installé dans son esprit. Il semblait suspicieux.

Un fin sourire parcouru les commissures des lèvres du portugais. Il souffla du nez, les yeux rieurs.

- De la magie? Où ça?

Le garçon se propulsa à l’aide de son bras, effectuant un salto pour retomber sur ses pieds ; un mouvement témoignant d’une grâce certaine. Finalement, il avait bien deux trois trucs dignes d’un noble, enfin, deux trois… C’est optimiste comme supposition.

- Il n’y a rien de magique là-dedans, juste du travail et de l’effort! Voilà le secret!

Il décora ses belles paroles d’un nouveau signe du pouce levé en direction du passant.

- Alors, tu espères finir dans quelle maison?

Avait-il mal entendu quelque chose? Ou inventé une réponse? Visiblement, il avait posé une question se basant sur celle d’avant, sans même que son interlocuteur ait répondu. Lução semblait avoir jugé sans même qu’on lui réponde de la réponse, ou alors était-il simplement borné? En tout cas, il semblait ne pas pouvoir tenir en place, à peine sa question posée qu’il se remet en position sur le banc et cette fois-ci se met en position du poirier, stable et droit comme un piquet, afin de faire de nouvelles sortes de pompes.

James s’appliquait pour suivre l’acrobate. D’une part, il enchaînait les mots et les sujets à une vitesse déconcertante, mais surtout, ses restes d’accent du sud rendaient ses paroles difficiles à comprendre. Enfin, pour l’instant, car l’oreille avait cette incroyable faculté à vite s’adapter dans ces conditions. Clignant plusieurs fois des yeux car déconcerté par l’attitude de son aîné, James prit finalement la parole pour répondre a sa question. En réalité, il n’avait pas vraiment de maison préférée ou visée.

« - La meilleure ! Celle qui forme les meilleurs sorciers, tout simplement. T’es… un élève de Poudlard, toi ? » Demanda-t-il tout intrigué.

Lução continuait ses acrobaties, cette fois-ci sur une main. Il semblait imperturbable, capable de tenir une conversation tout en mouvant son corps de façon abracadabrantesque.

- La meilleure maison tu dis? Alors tu vas venir grossir les rangs à Gryffondor! T’en dis quoi?

James observait toujours attentivement les mouvements de l’inconnu, se demandant où pouvait être la supercherie. Il était réellement impressionné par de telles prouesses physiques. Cela faisait-il partie du cursus de l’académie magique ? Il l’espérait, mais l’Ashworth n’avait jamais vu ses parents faire de telles choses.

« - Si tu dis que c’est la meilleure, je n’ai que ta parole pour le prouver alors j’espère que tu as raison. Mon père Gryffondor et ma mère Serpentard se chamaillaient tout le temps à ce sujet, enfin, pour rigoler bien sûr. »

Un léger rire forcé vint clôturer ses paroles pleines de nostalgie. Il ne replongeait pas souvent dans ses souvenirs, mais l’approche de la rentrée à Poudlard, cette fameuse école dont ses parents lui avaient tant parlé, l’obligeait à se remémorer certaines choses. Il ne semblait pas triste pour autant.

« - Je suppose que tu es un Gryffondor, du coup ? »

Diablerie, prouesse, ineptie? Un tel spectacle trouvait sa valeur dans l’œil de celui le regardant. Lução écouta la réponse de son interlocuteur, n’interrompant ses répétitions que pour changer de main. Cela dit, alors que James prononçait son dernier mot, il cru, l’espace d’un instant, comme une feuille emportée par le vent et qui nous échappait, voir une légère intrigue parcourir les traits du Gryffondor. Pour quelle raison? Peut-être qu’il se faisait des idées en fait, car, tout de suite après, Lução se remit sur ses pieds après un bond, son visage marqué d’un large sourire.

- Oui, et je vais même entrer en fonction au poste de préfet! Et crois-moi, je vais travailler dur pour qu’on se souvienne de moi comme le meilleur préfet de l’histoire!

Des paroles pleines d’optimisme et de confiance en soi, affublées d’un signe du pouce levé. Ça semblait être une habitude du donc préfet de ponctuer ses phrases de larges signes de mains expressifs.

James esquissa un léger sourire. L’énergie transmise par l’acrobate survolté semblait faire effet. Il haussa les sourcils en apprenant la nouvelle que venait de lui annoncer son interlocuteur, peut-être allaient-ils se retrouver dans la même maison, et donc cet énergumène serait alors son préfet. Au moins, il n’avait pas l’air méchant.

« - Félicitations, et je n’en doute pas une seconde. Tu t’appelles comment ? Que je sache qui dirige chez les rouges. »

L’Ashworth s’apprêtait à partir, mais il souhaitait tout d’abord connaître l’identité de l’adolescent drôlement inspirant. James avait presque envie d’enchaîner quelques pompes après ce court échange.

Il remercia son interlocuteur d’un hochement de tête, puis releva cette dernière, prenant tout à coup un air fier, presque solennel, les mains entrelacées derrière le creux de son dos.

- Je suis Lução de Ronaldo dos Santos Aveiro, hériter de la plus noble famille sorcière du Portugal. Et toi?

Ça en faisait des noms. James n'étais même pas capable de discerner les noms des prénoms, d'ailleurs. Il se contenta de répondre avec un léger sourire, amusé par l'attitude quasi militaire de son aîné.

« - Je m'appelle James Ashworth et... Je ne suis pas héritier de grand chose. » fit-il avec un léger sourire.

« - A bientôt, du coup. » ajouta-t-il avant de se retourner, sans oser prononcer un prénom au risque de se tromper.

Ils seraient sûrement amenés à se recroiser un jour, au moins dans les couloirs de l'académie magique.

Le crépuscule commençait à s'insinuer dans l'horizon et c'est avec les jambes endolories par une longue marche que Celonia décida de faire une pause sur ce banc qui, vraiment, tombait à pic. Il y avait une sacrée agitation dans le village ce qui avait un peu déconcertée la jeune fille qui, en dehors des réunions familiales, avait toujours vécu en petit comité. Toutefois, cela n'était pas pour lui déplaire. Cette vie de village, quoiqu'elle en relevasse aussi les affres, avait quelque chose d'inspirant. Malheureusement, aux détours de certaines conversations, entre les traits fermés des gens et même dans les reflets des regards obliques qui fusaient instinctivement, Celonia ne put s'empêcher de retrouver cette même "chose" qui l'avait tant marquée et inconfortée lors de la longue escapade depuis le Sud.

Balançant tranquillement les jambes et malaxant entre ses doigts les restes d'une pâtisserie dont elle picorait consciencieusement les restes, son regard alerte continuait d'observer les mouvements autour d'elle, comme si elle cherchait quelque chose dont elle même n'avait pas conscience de l'existence.

Et il y a des moments dans l'existence où le temps et l'étendue sont plus profonds, et le sentiment de l'existence intensément augmente. Ce fut sous une lumière blafarde, accompagnée par les débuts d'une fraîcheur nocturne que les rideaux d'une journée chargé se mirent à dérouler leurs fermetures. Un pied suivit d'un autre suffirent à garder les reliures censées s'enjoindre encore ouverte. L'Espérance qui brille sous l'astre solaire venait de s'accommoder des ténèbres du ciel bourbeux, et ce fût à l'image d'un éclair rouge que le Griffon pressa sa course pour frapper l'endroit de sa présence. Si ce n'est ses cheveux et son arrêt, rien ne fut statique. Néanmoins, ses cendrées terminèrent leurs courses sur l'épieuse installée, jalousant la pâtisserie triturée sous ses doigts qui, d'ici, lui paraissaient alambiquées.

Loin de se douter que la matière grasse dont les survivances s'émiettaient sous ses pieds eût pu attirer une quelconque attention, la sang-pur continua son insouciante dégustation. D'un coup de dent, elle déchira la chair du mets convoité puis le mastiqua avec une discrétion toute travaillée. Ses yeux quittèrent un instant leur indiscrète tâche pour se focaliser sur le ciel dont les teintes amalgamées présageaient de la tombée de la nuit. Il faudra qu'elle pense à rentrer. Cette pensée l'attrista légèrement, mais les souvenirs qu'elle avait accumulés lors de cette journée suffiraient sans doute à bercer son esprit jusqu'à Morphée.

Nonchalamment, elle porta de nouveau sa gourmandise à sa bouche avant de réaliser que quelqu'un lui portait autant d'attention qu'elle n'en accorderait à une jolie robe.

- Bonsoir.

Dit elle d'une voix prudente, mal renseignée quant aux raisons de l'attention qui lui était portée.

La lèvre pendante retrouva bien vite sa jumelle lorsque le jeune sorcier fut extirpé de ses pensées. Un bruit guttural de ravalement de salive à peine dissimulé donna néanmoins le ton de la conversation - bien que ses lèvres furent scellées à l'approche de Célonia-. Il cilla légèrement, de quoi souffler l'appétence qui régnait dans le creux de ses abîmes jaspés. Ni une, ni deux, son corps se tourna face à celui de l'Harpis, la sondant l'espace d'un court instant avant qu'il ne daigne finalement lui répondre, entrouvrant ses lèvres.

- Bonsoir, j'accuse d'envier ton gâteau.

La familiarité fut de mise due à leur âge semblant similaire, probité suivant la parole. Si certains avaient pu douter de son appartenance à sa maison, ils avaient la preuve ici même que Dante fut bel et bien de l'étoffe d'un Gryffondor, et pour sûr. Prit la main dans le sac, il ne chercha même pas à contourner l'évidence, s'y plongeant délibérément et avec honnêteté. Un air fermé et des joues gonflées vinrent faire barrière inconsciemment à une quelconque remarque qui aurait pu lui être fustigée. Le fait est que son soudain manque de discrétion avait pris le pas sur son insouciance bénigne ; transformant une légèreté prise sur le vif en un tort aggravé.

- Faut dire qu'il a l'air pas mal après ! Surtout à l'approche du souper.

Derechef, ses pensées allaient de concert avec ses paroles émises.

Les cils de la jeune fille papillonnèrent et l'étonnement qui se fondait dans son regard jadéite s'adoucit pour prendre celui d'un amusement candide et attendri. Finissant de broyer un morceau dont la saveur s'était déjà ternie, elle l'acheva avec moins de prestance que précédemment avant d'étirer ses lèvres pâlichonnes en un sourire espiègle.

- Nous avons l'habitude de souper tard.

Dit elle sur le ton d'une quiétude maîtrisée. Elle fit mine de considérer un instant une requête qui n'avait pas été prononcée, mais qui s'était déjà insinuée dans l'atmosphère avant de tendre le reste de son gâteau au jeune garçon.

- Tu en veux un morceau ?

Demanda-t-elle en toisant le garçon avec un regard aussi acéré que les griffes des créatures dont elle empruntait presque le nom. La franchise du gryffondor s'était convenue à l'impatience maladive de la jeune fille qui y avait sans doute trouvé quelque chose d'intéressant.

Quand bien même le met proposé aurait pu être empoisonné, le Rouge ne s'en serait que très peu soucié. Sa dextre fut donc amenée tout ouverte pour l'aumônière, doigts déliés et prêt à se saisir de la sucrerie emballée dans son écrin de plastique.

- Mes pensées sont-elles aussi simples à deviner ?

Argue-t-il sans plus de conviction, sachant délibérément que ses yeux avaient parlé en son nom. Un sourire viendra fendre son visage alors que déjà le jeune sorcier avait planifié d'un coup d'œil par quel côté il allait entamer le reste offert. On pouvait facilement deviner à ses manières et son manque de tact, voir "d'élégance", que Dante n'était pas issu d'un milieu noble. Nonobstant, sa bonne conduite ainsi que son éducation donnée par ses parents, il ne pouvait s'auto convaincre à refuser de la nourriture, et encore moins lorsque celle-ci s'apparentait à de la pâtisserie.

- Merchi au faite ! Commente-t-il en mâchouillant avec avidité non dissimulée le morceau de gâteau.

- C'est comment ton nom ?

Demandera finalement le garçon, trouvant place sur le banc à ses côtés.

Heureusement pour Dante, le mets proposé n'était ni empoisonné, ni soumis à une quelconque imprécation, seulement entamé. Celonia avait un appétit d'oiseau et se trouva, finalement, soulagée par cette assistance inopinée. Elle légua ainsi ce que son père aurait qualifié de "cochonnerie" à son futur camarade. Aussitôt sa sénestre affranchie, elle sortit un mouchoir pour gratter les points luisants qui s'étaient disséminés en des formes anarchiques sur ses doigts. Fronçant les sourcils en constatant qu'elle continuerait de "péguer" aussi longtemps qu'une toilette convenable ne lui aura pas été appliquée, elle considéra la question, rhétorique à n'en point douter, du nouveau venu.

- Tes pensées ? Pas spécialement, mais j'ai entendu ton estomac hurler grâce.

Répondit la jeune fille sur ce ton qu'ont les enfants quand ils se forcent à rester de marbre alors que leur coeur leur dit d'en rire. Le petit sourire de Celonia était revenu aussi vite qu'il n'était parti. Elle avait posé ses deux mains sur le bas de ses cuisses et observait avec une prestance tout à elle le glouton considérer sa "proie". De sa coiffure à sa tenue, du ton avec lequel elle s'exprimait jusqu'à ses manières toujours discrètes et pensées, Celonia se faisait l'archétype de ces enfants à l'éducation modestement protocolaire. Toutefois, elle n'était pas familière de la notion de mépris de classe et considérait les écarts des autres comme des spécifiés amusantes et curieuses.

- Celonia. Celonia Harpis et non, je ne mange pas de foie cru pas plus que je n'ai d'ailes, quoique je le regrette.

Dit elle, anticipant avec égaiement une éventuelle remarque qui pourrait être faite quant à son nom, elle avait suffisamment entendu ses ainés s'amuser des remarques.

- Et toi ?

De quoi assurément faire pâlir la matriarche Schtauffen qui avait dédiée une partie de sa vie à la conception du pain, de la pâtisserie et autres viennoiseries. L'appétit du Rouge était à la limite de l'ogresque, ne s'arrêtant qu'une fois pleinement rassasié. Fort heureusement pour lui, il était du genre à dépenser aussitôt les calories ingurgitées. Il pencha un brin la tête, cheveux retombant en bataille sur le devant de son front avant de s'enfiler le dernier morceau entre les doigts. Après l'avoir totalement avalé, il passa un revers de main sur sa bouche, sourire adressé à Celonia.

- T'as de bonnes oreilles si c'est vrai ! Moi c'est Dante Schtauffen sinon, enchanté.

Après avoir essuyé sa main contre sa cuisse, il la présentera à la brune, regard qui se pose sur elle.

- Si t'aimes les gateaux, ma mère en fait des excellents. T'as qu'à passer un jour à la Baguette Miam'gique, tu dis que tu m'connais.

Les goûts culinaires de Celonia n'avaient jamais été spécifiquement ingrats et la nourrir n'avait jamais été difficile, mais les quantités qu'elle était capable d'ingurgiter de bons coeurs avaient tendance à être limités. A cet égard, sa petite enfance avait été ponctuée des stratagèmes de sa mère qui avait toujours su redoubler d'imagination pour lui faire avaler une cuillerée en plus. Désormais, elle savait se faire violence quand c'était nécessaire ce qui était un grand soulagement pour ses géniteurs qui avaient déjà bien assez de soucis.

Celonia, plus statique, mais pas moins active, observa le garçon du coin de l'oeil tandis qu'il portait le coup de grâce à l'objet de leur rencontre. Lorsque celui-ci lui tendit sa main empâtée, la jeune fille hésita un peu puis se souvint que sa propre main était dans le même état, elle la serra donc non sans réprimer un haut-le-coeur.

- Dante Steu...Chto... La jeune fille grimaça avant de secouer vivement la tête, il ne fallait pas qu'elle l'écorche ! Schtauffen ! Lança-t-elle enfin, dévoilant ses dents en un sourire plus ponctué que jusqu'alors. Je ne l'ai pas écorché !

Dit elle, sans espérer qu'une réponse négative ne pusse lui être adressée.

- Oh ta mère est une artisane ? Mon père l'est aussi, c'était un tailleur ! Enfin il l'est toujours, mais c'est plus tout à fait comme avant...

Quoiqu'elle sembla insinuer de nombreuses choses dans cette mise en suspens, son enthousiasme ne s'obombra qu'à peine.

Le dos contre le dossier du banc, le regard de Celonia avait gambergé un peu sur les alentours, notamment ce qui était au dos de Dante. Elle eut l’impression de voir un mouvement, subtil, au loin, dans les fourrés.

Face à la difficulté émise à l'égard de son nom, le jeune Schtauffen eut un léger rictus. Les consonances allemandes n'étaient pas vraiment le point fort des Anglais, cela eut d'ailleurs pour effet de lui rappeler sa rencontre avec son Directeur de Maison qui lui aussi, écorcha son nom à plusieurs reprises avant de finalement l'avoir à leur dernière entrevue. Magnanime, le non-natif allemand viendra mettre un peu de baume sur ce qui lui sert de dénomination, lavant son propre honneur. De toute manière, son nom rentrera dans la légende et les gens seront forcés de l'apprendre correctement.

- Sch- tauf- ffen ! C'est pas compliqué en vrai.

À l'évocation de la profession de son père, ses mirettes fusèrent sur l'accoutrement de la jeune fille, comme pour vérifier si ces habits avaient été cousus par la main d'un tailleur. Il jaugea de son accoutrement sans une once de jugement dans son regard avant d'en revenir à elle. Celonia pourra constater si l'effet miroir est de mise, que ses frusques à lui ont tout d'un vêtement banal. À dire vrai, le Rouge revenait d'une journée de livraison et ses vêtements auraient pu s'apparenter à un bleu de travail.

- Chanceuse, je parie que les filles doivent envier tes robes et encore plus lors des grandes occasions, genre le bal de Poudlard.

Le mouvement ne lui faisant pas face, il n'en aura pas eu le moindre soupçon de son côté, restant toujours dans sa petite conversation.

Celonia opina furieusement, confuse d'avoir écorché le nom, mais il faut dire que ça n'était pas facile à prononcer non plus ! Toutefois, elle savait que certaines formules magiques n'étaient pas nécessairement faciles non plus et ça pouvait faire office d'exercice. Finalement, la conversation pivota vers un autre sujet ce qui soulagea grandement la jeune fille. Sa robe était, effectivement, taillée main. Ses contours, ses formes, sa taille et ses mesures avaient toutes étaient prises pour correspondre parfaitement à la jeune fille, c'était un travail consciencieusement fait main. Les matériaux utilisés, même à l'oeil d'un néophyte, n'étaient pas les plus nobles qui soient, mais ils avaient été maniés par quelqu'un qui savait les sublimer.

- Je n'espère pas en tout cas !

Dit elle, trop candide pour réaliser, qu'effectivement, se faire coquette pourra, à l'avenir, lui attirer les jalousies d'autrui. Outre les membres de sa famille qui étaient logés à la même enseigne qu'elle, elle n'avait que guère connus d'autres enfants de son âge.

- Mais en ce qui concerne le bal je suppose que nous verr...

La jeune fille s'interrompu tandis que son regard se fixait sur un point situé derrière Dante. Alerte comme elle l'était, elle n'avait pas pu le manquer. Quelque chose avait bougé dans les bourrés. Une quelconque bestiole ? Non, elle ne l'aurait pas vu d'aussi loin. Il fallait que ça soit quelque chose de suffisamment gros.

- Excuse moi, j'ai vu quelque chose.

Reprit Celonia qui tenait, tout de même, à donner à Dante les raisons de cette interruption. Elle se leva de son banc et fit quelques pas en avant, sans doute dans l'espoir de repérer quelques choses de plus concret.

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