" Maison " de Mary Wright et sa fille

A  quelques exceptions près, Abigail n'était pas autorisée à sortir loin de sa demeure provisoire. Depuis son arrivée en Mai, elle avait négocié avec sa mère pour sortir un peu plus loin chaques jours,  si elle avait eu l'autorisation de se promener dans le quartier des réfugiés la journée, ce n'était pas le cas en revanche des rues commerçantes de Pré au Lard. Avec le passage incessant de nombreux sorciers, elle comprenait que sa mère puisse s'inquiéter à l'idée que sa fille se promène seule dans un village dont l'affluence est beaucoup plus élevée qu'à l'accoutumé.

Jamais la jeune fille ne prenait le risque de défier l'autorité de ses parents malgré la forte tentation qui l'envahissait par moment, de ne pas respecter les règles.  Elle avait  eu l'occasion de visiter les commerces de Pré au Lard, elle accompagnait également sa mère pour effectuer quelques achats, parfois elle se disait qu'elle était sufisamment grande pour s'y rendre seule. Cependant Abigail savait entendre raison et contenir en elle son désir de découverte amplifié par sa curiosité naturelle.  

Heureusement la jeune fille ne manquait pas d'imagination pour occuper ses journées. Enfant unique, elle était également facilement capable de rester seule et ne pas s'ennuyer. Tous les jours elle en apprenait plus sur ce qui l'entourait.  Abigail était particulièremet adroite avec ses mains, des mains de travailleurs, d'artistes qu'elle avait hérité de son père.

En cette pleine après midi, elle s'était installée sur un muret de pierre proche de son habitation, une feuille de papier installée sur un support en bois posé sur ses genoux et un fusain dans sa main droite. A ses côtés se trouvait une poupée de cire avec laquelle elle lui arrivait de discuter sans qu'elle n'attende aucune réponse en retour.    

-  Un jour je serai capable d'animer ce que je dessine !

La jeune fille effectua quelques traits précis sur sa page blanche.

- Tu ne me crois pas ? Pfff plus jeune je t'aurai gribouillé le visage petite vipère !

Le garçon poussa la porte de son logement du talon pour la claquer derrière lui. Une moue ennuyée ornait son visage, ses yeux se baladèrent rapidement sur le paysage pour essayer d’en prévoir la météo, puis il s’élança dans l’allée des réfugiés. Depuis son arrivée, c’était à lui de faire les petites courses de son hôte. Un service qu’il rendait non pas par envie mais par respect.

Vêtu d’un pull à manches longues et d’un pantalon simple, des bottines et des gants complétaient sa tenue. Un style absolument classique pour un sorcier de l’époque, bien que la propreté et la qualité de ses habits pouvaient surprendre. En effet, ses vêtements semblaient neufs, ce qui - au milieu des réfugiés - était plutôt rare.

Ses yeux de jais bondissaient d’habitation en habitation, toutes plus similaires les unes que les autres. Seules les personnes peuplant certains jardins pouvaient réellement permettre d’en identifier les familles.

Sa curiosité fit piquée lorsqu’une voix juvénile atteignit ses tympans. Tournant la tête pour en trouver la source, le Ashworth stoppa sa marche après quelques pas dans sa direction. Il se trouvait à quelques mètres du muret, dans le dos de l’apprentie artiste.

« - Non, je te crois pas ! »

Bien conscient qu’elle ne s’adressait pas à lui, James n’avait pas réussi à trouver son interlocuteur. Peut-être un animal ? »

« - Si tu ne veux pas finir chez les fous, tu devrais éviter de parler toute seule… Les adultes sont un peu à cran en ce moment. »

Le garçon attendait une réponse pour savoir s’il continuait son chemin ou s’arrêtait faire une petite escale. Il était si rare de croiser un enfant seul pour le fils unique qu’une occasion d’échanger avec quelqu’un de son âge n’était pas négligeable.

 « - Ah, désolé. »

Les pupilles du garçon fixaient le pauvre dessin noyé dans la boue, derrière le muret. Il n’était franchement pas fier de son coup, loin d’être prémédité. James eut d’abord l’idée d’aller lui ramasser avant de se raviser, ne souhaitant pas s’introduire sur leur parcelle de terrain sans y être invité.

Le silence laissa place à un raclement de gorge du jeune homme, cherchant à briser la gêne qui s’installait doucement. Son interlocutrice ne semblait pas très avenante,ce qu’il pouvait comprendre.

« - Je ne voulais pas te faire peur, ni gâcher ton dessin. »

Selon la réaction de sa camarade, James allait décider de partir ou non, vraisemblablement coupable de sa bêtise.

James s'en voulait assurément. Il n'avait pas grand chose à dire de plus, observant simplement les réactions de la jeune fille qui se succédaient les unes aux autres. Le malaise grandissait graduellement et la poupée n'aidait pas. Il avait clairement l'impression d'être épié par l'objet, jusqu'à ce qu'un frisson de gêne voire de peur se décide à parcourir son échine. L'Ashworth mit les mains dans ses poches et fronça les sourcils, presque vexé par le comportement de son interlocutrice. Fier comme un coq, il n'aimait pas être ignoré de la sorte, encore moins en étant déstabilisé par une fille. Ainsi, le garçon ne put s'empêcher d'ajouter une dernière remarque, marquant la cruauté dont pouvait faire preuve les enfants.

« - T'es vraiment bizarre comme fille. »

Après quelques secondes, patientant une potentielle réaction, il décida de s'en aller sauf s'il était finalement retenue par des mots de la part de la Wright.

Alors qu'elle s'apprétait à rejoindre sa demeure, Abigail fut retenue par les propos de James. Preuve que ceux ci avaient fait mouche d'une manière ou d'une autre sur Abigail. Cette dernière s'arrête, c'est la première fois qu'on lui disait quelque chose de la sorte, qu'avait-elle fait pour être considérée comme "bizarre" ? Elle ne côtoyait que rarement des enfants de son âge ainsi il est vrai, par moment elle ne savait pas comment réagir.

- Pour ne pas être désagréable les personnes intelligentes préfèrent garder le silence.

Elle se retourna vers lui avec un sourire un poil agaçant. En se taisant et en faisant le choix de partir et d'ignorer James elle voulait tout simplement éviter de lui partager ses émotions négatives liées à ce dessin recouvert de boue dont il est le principal responsable. Elle voulait tout simplemet éviter un conflit, mais James ne semblait pas du même avis...

Les mains du garçon s'extirpèrent de son manteau, venant accompagner ses bras qui se croisèrent devant son buste. Il fronçait toujours les sourcils, prouvant l'incompréhension ou la susceptibilité dans laquelle il baignait. Mais James n'était pas du genre à laisser le dernier mot, ainsi, il rétorqua de suite.

« - Les personnes intelligentes ne parlent pas à leur poupée. »

Il continuait de fixer la jeune fille, essayant de la blesser comme elle l'avait fait avec sa phrase. L'air fier du garçon ne le quittait plus, tandis qu'une guerre d'égo semblait commencer à s'installer entre les deux enfants.

« - Je me suis excusé pour ton dessin, tu n'avais pas à m'ignorer comme ça. »

Visiblement, James semblait croire qu'il pouvait décider pour elle. Évidemment, les compétences sociales d'un enfant unique élevé dans une profonde campagne n'étaient pas forcément une référence en matière d'empathie.

Touché, James voulait blesser Abigail en retour en évoquant la relation qu'elle entretenait avec sa poupée. Sans connaître l'ampleur, James avait appuyé sur un sujet douloureux. Peut être que discuter avec son jouet était puéril et pouvait paraître stupide, cela ne l'était pas pour elle. Une certaine émotion commençait à envahir les yeux d'Abigail qui même si elle avait son petit caractère, était encore trop sensible pour alimenter continûment un conflit sans risquer de perdre ses moyens.

- Les... Tu es... plus stupide qu'un troll !

Sur ces belles paroles, elle fuit l'affrontement et s'empresse de rentrer dans sa maison, convaincue d'avoir eu le dernier mot sur cette drôle de rencontre. Elle profitera de ce moment seule chez elle pour libérer quelques larmes.

« - Pfff. »

C'est tout ce qui s'échappa de ses lèvres après qu'Abigail ait regagné son domicile, synonyme de victoire pour l'Ashworth. Tant pis, il aura pourtant tenté d'être aimable et avenant, comme son tuteur lui avait demandé. Cet accrochage ridicule n'allait pas lui peser sur la conscience. Ainsi, il reprit sa route vers Pré-au-Lard, conscient qu'il lui restait des emplettes à faire avant de rentrer chez lui.

Une autre jeune fille son apparition et croisa la route d'Abigail. Une rencontre qui devait avoir lieu tôt oui tard puisque toute deux vivait dans le quartier des réfugiés. Si généralement Eleanor passait son chemin en ne faisant pas forcément attention à ce qui se passait autour, cette fois un spectacle peu habituelle s'offrait à ses yeux : une autre jeune, de son âge à peu près, était en train de tirer un bien étrange attirail derrière elle, semblable à une balançoire ? Le plus curieux était sa poupée installée sur le haut de son dos à l'aide d'un linge. Ses sourcils se haussèrent de surprise face à cette vision. Bientôt les deux furent à la même hauteur. Abigail pu voir une chevelure flamboyante se tourner dans sa direction.

- Bonjour, ça va aller pour porter ça ? Tu veux de l'aide ?

La rousse était elle habillé d'un ensemble plutôt chic. Une belle robe bleu à manche longue en laine, de beaux souliers, des gants blancs en lin, le tout surmonté d'un châle qui avait l'air particulièrement confortable. En bref les vestiges qui restaient de son ancienne vie.

En plein effort, Abigail n'avait pas vu dans un premier temps la rouquine, pleinement concentrée sur sa tâche, le regard tourné vers cet arbre au loin, des pas assurés pour ne pas tomber, elle s'assurait également quelque fois que les planches tenaient et qu'elle n'attrapait pas les pieds d'un passant. Ce qui serait plutôt embêtant. D'un naturel discret, il n'était pas courant qu'on vienne lui parler c'est pourquoi il lui fallait du temps par moment pour réaliser que quelqu'un était en train de lui parler.

Abigail regarda autour d'elle pour observer si quelqu'un avait besoin d'aide, mais c'est bien elle qui suscitait l'attention de la jeune fille. Son regard croisa celui d'Eleanor, elle s'arrêta devant elle et jugea les bras faibles et l'ensemble chic de la jeune fille.

- Ma mère me dispute quand je salis mes beaux vêtements.

répondit Abigail qui profita de cette interaction avec la rouquine pour prendre une petite pause.

D'un rictus amusé elle observa ses propres vêtements avant de secouer la tête pour lui indiquer que ce n'était rien.

- La mienne ne m'en voudra d'aider quelqu'un d'autre. De toute manière je ferai attention.

En disant cela elle joignit les mots aux actes en retirant soigneusement ses gants pour les ranger dans une poche de sa robe. Ses yeux ne quittèrent pas l'étrange jeune fille, voguant de temps à autres vers cette poupée qui la chevauchait.

- Si tu préfères tirer ça toute seule c'est toi qui vois.

Son regard se fit un peu plus instant, comme pour lui signifier que son offre était à prendre ou à laisser et qu'elle n'insisterait pas plus longtemps pour lui apporter son aide.

Abigail écouta les arguments de la jeune fille à la chevelure de feu. C'était gentil de sa part de vouloir l'aider mais Abigail était partagée, accepter c'était se sentir redevable par la suite et elle n'aimait pas ça. Habituée à être seule elle avait du mal à saisir les mains tendues.

- Tu veux quoi en échange ? Je n'ai pas d'argent sur moi.

Abigail n'avait pas beaucoup confiance en les enfants de son âge, l'idée qu'on puisse l'aider par simple gentillesse était plutôt abstrait chez elle.  

- Pardon ? Je veux quoi ?

La question sembla grandement la surprendre. Décidément cette fille était bien curieuse, peut être n'avait elle pas beaucoup d'amis ? Eleanor clarifia de suite les choses.

- Euh rien. Je te voyais juste galérer à porter ça seule et je te propose mon aide comme ça.

Elle gratifia Abigail d'un sourire pour lui montrer sa bonne foi.

- Ou alors dis moi juste comment tu t'appelles en échange, ça suffira. Moi c'est Eleanor !

Abigail fronca les sourcils et regarda la rouquine avec un regard suspicieux. Elle maintient ce regard pendant quelques secondes, lui permettant de juger si elle pouvait faire confiance ou non à cette nouvelle rencontre. Après un temps de réflexion, les traits de son visage se relâchent.

- Très bien Eleanor ! Je t'aurai prévenu, j'espère que tu n'es pas allergique à la poussière.

Elle laisse tomber ses cordes et commence à marcher autour de son bazar.

- Toi tu te positionnes là ! dit-elle en pointant l'arrière de cette conception. Tu porteras les planches en bois, attention aux échardes le bois n'est pas lisse comme celui des baguettes. Tu restes derrière moi et tu suis ma cadence. Si tu as besoin d'une pause tu dis " Pause".

La tâche qu'elles allaient partager était loin d'être difficile, mais cela tenait beaucoup à Abigail qui souhaitait que tout soit parfait. Elle retourne vers ses cordes qu'elle saisit.

- Des questions ? Après avoir commencé, il n'y aura pas de retour en arrière !

Elle en faisait beaucoup trop mais c'était sa façon d'être. Abigail zappa complètement la demande d'Eleanor au sujet de son prenom à moins qu'elle ait volontairement ignoré sa requête.

Plutôt fermée jusque là, l'inconnue montra d'un coup bien plus d'enthousiasme, peut être même un peu trop pour ce qu'elles allaient faire mais ce n'était pas pour la déranger. Un sourire en coin d'amusement se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle suivait toutes les consignes que lui donna Abigail.

- "Pause" d'accord, c'est plutôt logique.

La rousse se plaça à l'arrière pour se saisir des planches, notant justement que sa nouvelle rencontre avait oublié de faire mention de son, prénom, ce qu'elle mettait sur le compte d'un oublie involontaire au vu de son excitation quand à leur future tâches. La question était donc toute trouvée.

- Tu ne m'as pas dis comment tu t'appelles encore justement. Et d'ailleurs tu vas faire quoi avec tout ça ?

D'un signe de tête elle indiqua tout l'attirail qu'elles allaient transporter.

Abigail posa sa main sur le haut de son crâne, elle avait oublié de lui préciser le plus important. Quel était le but de cette mission ? La jeune fille lui pointe l'arbre au bout du chemin qui était situé à environ 250 mètres.

- Tu vois cet arbre ? Il s'agit de notre objectif, une fois que nous serons arrivées là-bas, j'accrocherai les cordes que je tiens à la branche la plus accessible. Le support en bois que tu tiens fera office de chaise sur laquell s'asseoir. Nous pourrons ainsi nous balancer.

Une balançoire donc, mais le terme n'existait pas encore à cette époque. Après une coure interruption, elle reprend.

- C'est pas grand chose, mais ça peut permettre aux enfants du quartier de s'amuser un peu... Son regard s'abaissa vers les planches sur lesquelles elle avait gravé son prénom. Ah oui et mon prénom c'est Abigail. enchaine-t-elle, elle avait failli oublier une nouvelle fois.

Eleanor ne comprendra pas trop où voulait en venir sa camarade. Se balancer ? Elle essaye de visualiser avec ses explications et trouva l'idée d'être suspendu au dessus du sol et faire des mouvements de bascule plutôt intéressante. Cette fille semblait avoir beaucoup d'idées en tête et c'était avec joie qu'elle allait tenter d'expérimenter une de ses inventions.

- Intéressant...

Elle avait l'air vraiment fasciné par son idée. D'autant plus qu'il n'y avait pas de magie ou que ce soit d'autre à l'œuvre, c'était d'ailleurs plus le genre de création qu'on pourrait retrouver chez les moldus mais elle se tint bien de le dire, ne boulant pas vexer et par la même occasion dévoiler ses origines, comme on le lui avait conseillé.

- C'est tout à ton honneur de penser aux enfants plus jeunes, c'est vraiment gentil d'y penser.

Un tel esprit de partage et de générosité à leur âge c'était assez rare, une qualité qu'elle appréciait. Un sourire satisfait accueillit l'entente de son prénom. Abigail donc.

Abigail reprima un sourire face au compliment de la rouquine, cela lui faisait plaisir mais elle ne souhaitait pas le montrer, ce pourquoi elle répondit.

- Ne te méprends pas, c'est aussi et surtout pour moi. J'avais quelque chose de similaire dans mon jardin avant d'arriver ici.

En parlant des enfants, elle s'incluait dedans même si le contexte actuel et la prochaine rentrée à Poudlard faisait qu'elle allait vite grandir.

- Bon tu es prête ?

Pas qu'elle s'impatientait mais un peu tout de même, elle avait hâte de pouvoir tester son "invention".

- J'aimerais bien essayer aussi alors.

Ca ne serait que mérité pour son travail. Dans son for intérieur Eleanor se doutait qu'Abigail ne faisait pas ça uniquement pour elle, après tout elle serait aussi à Poudlard comme tous les autres enfants et son invention serait donc plus utilisée par des personnes tiers qu'elle-même.

- Prête !

Soulevant les planches elle attendit que sa collègue du jour se mettent à avancer, espérant que ce ne serait pas trop physique tout de même.

Ainsi les deux jeunes filles commencèrent leur labeur. Eleanor croisa le regard de la poupée qui ressemblait grossièrement à sa propriétaire, adoptant les mêmes principaux traits. Si elle n'avait rien contre ça, la rousse trouvait tout de même cela étrange de se balader avec, encore plus dans cette situation bien étrange. Mais si cela lui faisait plaisir, elle n'était personne pour le lui reprocher. Sûrement que cette poupée revêtait une importance énorme à ses yeux.

Si Abigail s'accommodait du silence, la jeune file préférait en profiter pour faire la conversation pour en savoir un peu plus sur sa nouvelle connaissance.

- Ca fait longtemps que tu es à Pré-Au-Lard ?

Elle préférait rester dans le vague pour le moment, par expérience elle savait qu'en demander plus pouvait être délicat. Arriver en tant que réfugié n'augurait pas forcément un passif récent très joyeux.