Chez Mme. Irma

- Cette tâche t’incombe, je ne puis t’indiquer la marche à suivre. Tu devras avancer à tâtons, échouer parfois, mais te relever. La vie n’est qu’une succession d’échecs qu’on essaye de minimiser et de rattraper après tout…

Elle gratifia le jeune écossais d’un léger sourire.

- Si tu veux vraiment changer le monde, il faudra bien que tu trouves la force de te débarrasser de tes doutes, non? Ce serait dommage de ne jamais pouvoir aller au-delà…

Changer le monde… James fut-il un jour assez idiot pour en avoir l’ambition ? Très certainement, puisque c’était cette idée qui le maintenait en vie. Une revanche qu’il prendrait tôt ou tard, vengeant l’injustice et les péchés commis par des êtres inférieurs se pensant invincibles. Mais à son niveau, de ses yeux d’enfant, l’adolescent ne réalisait absolument pas la démesure de son envie.

Il hocha doucement la tête, comme s’il avait finalement compris quelque chose à la suite de cette entrevue.

« - Si j’apprends à… vaincre cette chose en moi,… »

Il n’avait pas trouvé de meilleure qualification pour parler de ses failles.

« - L’au-delà en vaudra-t-il vraiment la peine ? »

- Tu le découvriras en y parvenant, mais, si tu parviens à te libérer d’un poids qui t’enserre, ce sera forcément positif, ne penses-tu pas?

« - Si, forcément… »

Un silence s’imposa naturellement.

« - Merci. Je… Je crois qu’on ne va pas tarder. »

James échangea alors un regard avec Maria. Ils auraient sûrement des choses à se dire plus tard, mais à cet instant, le serpentard souhaitait surtout disparaître sous une cape d’invisibilité. Bien qu’il allait mieux que quelques minutes plus tôt, une petite journée de réflexion s’imposait afin de dresser un bilan sur cette discussion qui allait assurément le faire mûrir. Mais il était encore trop tôt pour que l’Ashworth considère cet après-midi comme une bonne expérience.

Ses iris embrasés se déposèrent une dernière fois sur la voyante. Avait-elle une dernière chose à lui confier avant son départ ?

- Es-tu remis des tes émotions?

Un sourire espiègle vint parcourir son visage.

- La suite risque de ne pas te plaire…

Même si ce n’était pas vraiment le cas, James fit l’effort de mentir en hochant la tête. Un sourire apparut même sur le visage du garçon, conscient de ce que la voyante allait lui demander.

« - J’imagine que tout ça n’était pas gratuit ? »

Avait-il senti le coup venir ?

Elle hocha la tête.

- Effectivement, les Arcanes Majeures réclament leur dû.

Elle désigna d’un ample mouvement de bras les cartes disposées sur la table.

- Lorsque réveillées, elles réclament un cadeau pour reprendre leur paisible sommeil, comprends-tu?

Les yeux du garçon se baladèrent sur le cercle de cartes, avant de revenir à son interlocutrice. L'incompréhension se lisait avant même qu'il ne reprenne.

« - C'est à dire ?... J'ai.. Quelques mornilles si vous voulez... »

- Une pièce par carte suffiront, dépose-les sur leur face cachée.

Il y avait 22 cartes.

« - Euh... Je... Je n'ai pas autant sur moi. »

L'Ashworth fouilla ses poches, en sortant sept mornilles et quelques noises. Il déposa le tout sur la table.

« - C'est tout ce que j'ai... »

Ahem ... elle faillit s'étrangler en entendant le prix annoncé. Maudit soit les charlatans et les diseurs de bonne aventure. De sa poche elle sortit deux mornilles et quelques noises que lui avait donné Sophie tout à l'heure "pour qu'elle puisse aller aux trois balais avec ses amis" mais cela ne faisait pas le compte.

-"C'est tout ce que nous avons. Mais je peux vous aider ... pour rembourser."

Elle désigna d'un coup d'oeil la pièce en ... bazar. Elle pouvait par exemple la ranger en échange du paiement, ça méritait bien 13 mornilles vu le bazar.

Elle déposa ses yeux blanchâtres sur la somme proposée par James, puis releva son regard vers ce dernier, tendant sa main.

- Si c’est tout ce que vous avez, j’imagine que ça devra faire l’affaire…

« - Garde ton argent Maria. Tenez. »

James conclut ainsi l'échange, conscient qu'il venait sûrement de se faire arnaquer par la voyante. Cela chamboulait un peu son esprit qui, jusque-là, ne la voyait pas du tout comme une femme de ce genre. Vexé, il se leva.

« - Vous auriez pu nous prévenir avant pour une telle somme. J'espère que vous êtes fière de vous. »

Voler des adolescents lui paraissait pathétique, mais soit. Il avait préféré payer pour ne pas avoir de dettes ni de problèmes avec une sorcière aussi mystique que l'illuminée.

« - Allez viens, on y va. » glissa-t-il à sa camarade, l'invitant à quitter les lieux la première.

- Que la Fortune soit clémente avec vous.

Sur ce, se concluait cette entrevue.

Devant le rideau, sur le plafond du tunnel, une pancarte:

Actuellement absente

Elle continuait d'avancer donc, légèrement, en essayant de trouver la propriétaire des lieux.

-"Il y a quelqu'un ?"

L’état des lieux était toujours aussi… pitoyable, c’était le mot. Du fond de cette antre aux milles mystères, une voix, dansante et brumeuse, émana.

- Cette voix… je la reconnais.

La pièce où se trouvait María était vide de toute âme, et il était difficile de distinguer d’où venait clairement le son, ce malgré avoir vu par où la devineresse avait pointé le bout de son nez lors de sa visite avec James.

-"Et bien ... je suis déjà venue ici oui."

Elle tourna, retourna sa tête, essayant tant bien que mal de retrouver la devineresse.