Les Trois Balais

- Alors en quoi sommes-nous amis, si tout ce que l’on fait c’est parler ensemble? A la limite nous sommes des… connaissances, des camarades, non?

Eleanor grimaça rapidement avant de hausser les épaules. C'était un débat qui ne lui semblait pas vraiment essentiel.

- Est-ce que c'est important au final ? Notre relation est ce qu'elle est, peu importe le nom que l'on met dessus. A toi de la considérer comme tu en as envie.

- Les relations sont conditionnelles ; tu m’es utile, je te suis utile. Ça s’arrête là.

Il vint boire une gorgée d’eau.

- Ce qui est troublant, c’est le côté sentimental, pas celui pratique, vois-tu? J’imagine que pour comprendre je dois essayer de m’immerger…

- Effectivement. Et bien je ne sais pas, quels sentiments tu as en ma compagnie ? Est-ce qu'il y a quelque chose en plus quand tu es avec moi, Arles ou Nymeria qu'il n'y a pas avec d'autres ?

Il devait bien y avoir un tout petit quelque chose pour que Sun se dirige vers eux plutôt que d'autres. Après tout c'est même lui qui avait sollicité cette sortie avec elle et pas quelqu'un d'autre.

- L’habitude j’imagine, les choses ont fait qu’on s’est côtoyés.

Il souffla.

- Mais je ne ressens rien, non. Je n’en ai pas l’impression en tout cas, il pencha alors légèrement la tête vers le côté. C’est comment?

- Je ne sais pas si je peux vraiment expliquer ce qu'est un attachement à quelqu'un ou ce qu'on ressent quand on apprécie le personne.

Le genre de choses que Sun ne pourrait jamais comprendre sans l'expérimenter de lui-même.

- Et comment je devrais faire alors, si je voulais comprendre?

Il désigna du menton deux hommes s’esclaffant.

- Eux par exemple. Ils rigolent. Pourquoi? Comment?

- Tu poses des questions vraiment difficiles...

Eleanor lâcha un soupire mais tenta tout de même de répondre aux interrogations même si elle n'était pas sûr que ça allait spécialement l'aider.

- Ba euh parce que les gens aiment bien rigoler, ça rend heureux. Et comment ? Et bien parce qu'ils sont complices et ont le même type d'humour. Ils doivent se raconter des blagues ou se partager des anecdotes sur leur vie qu'ils trouvent drôles. Tu comprends ?

- Hmmm, je vois….

Il plissa légèrement les yeux, semblant vouloir sonder Eleanor.

- Donc… comme on est amis… tu es heureuse en ma présence…

Il battit des cils.

- Et ceux que tu n’aimes pas?

Eleanor n'irait pas jusqu'à dire qu'elle est heureuse en sa compagnie mais c'était déjà assez compliqué pour ne pas encore en rajouter.

- Ceux que j'aime c'est surtout dû à une différence de vision du monde ou de valeurs. Ou de personnalité.

Heureusement il n'y avait pas beaucoup de gens qu'elle n'aimait pas non plus.

- Hmmm…

Il avait légèrement pencher la tête sur le côté.

- J’imagine que… vous ne pouvez pas vous mettre d’accord… sinon… il n’y aurait pas lieu d’avoir d’inimitié entre vous.

- Oui généralement ce sont des choses sur lesquelles aucune concession n'est possible.

Si Sun n'avait pas vraiment de personnes appréciées, peut être que pour l'inverse c'était le cas.

- Et toi il y a des gens que tu n'aimes pas ?

Il aura simplement fait non de la tête pour répondre à sa question.

- Tu ne t’es jamais demandée pourquoi les gens ne pouvaient pas simplement s’entendre?

En bonne Poufsouffle qui aimait la paix et la bienveillance entre tous, c'était un questionnement qu'Eleanor avait déjà eu. C'est donc sans trop d'hésitation qu'elle pu y répondre après un très court un instant à choisir ses mots pour exprimer sa pensée.

- Je me dis qu'ils ont façon de concevoir le monde qui est différente. Une vision de ce qu'est le bonheur qui ne va pas ensemble et peuvent même s'opposer. D'autres ont des aspirations plus individuelles qui peut aller à l'encontre du bien commun.

- Le bien commun?

Il se gardait pour le moment de tout commentaire.

- Et bien oui ce qui est bon pour la société sorcière en général. La paix, la santé, le bonheur, toutes ces choses là...

Eleanor se doutait déjà qu'il la relancerait par une question compliquée encore.

- Et toutes ces bonnes choses… ça ne s’applique pas à ceux que tu n’aimes pas?

- Si aussi enfin j'en sais rien... C'est compliqué. Ce n'est pas toujours à prendre au pied de la lettre, ça peut être plus personnel aussi.

Le cerveau d'Eleanor commençait à fatiguer avec leur discussion, ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu le droit à une aussi longue avec Sun.

- Je crois que… les choses sont compliquées et simples à la fois…

Il souffla, et vint terminer son verre d’eau.

- Mais je tiens à en avoir le cœur net, en faire l’expérience.

Son regard se perdit vers la sortie, ses yeux se plissèrent.

- On y va?

- Attend je dois payer.

Eleanor appela la serveuse pour pouvoir régler l'addition.

- De toute façon Sun rien ne voudra l'expérience.

Lui dit elle avant l'arrivée de Rowena à qui elle donna quelques noises avant de se lever pour y aller.

- Je te souhaite d'un jour comprendre tous ces concepts que tu ne comprends pas encore.

Mais en serait il seulement capable ? En compagnie du Poufsouffle ils sortirent de la taverne pour voguer vers d'autres cieux.

Johannes n'avait aujourd'hui pas le temps de s'offrir une petite soupe. Il accepta toutefois la chope de bière, et posa sa bourse sur la table, marquant ainsi clairement son intention.

-Tu as fait bon voyage ?

- Hehe... C'est pas le voyage qui compte, c'est les pièces à l'arrivée...

Il ne prit pas la bourse évidemment, mais sortit lui aussi un sac, à peine plus grand que la bourse mais... visiblement enchanté puisqu'il y enfonça son bras et sortit tour à tour 3 grands livres.

- Je ne sais pas si c'est ce que tu cherchais... mais on les a prit à une sorte de noble moldu... Je crois qu'ils valent leur pesant d'or... T'en penses quoi jeune homme ?

Johannes pouvait lire les titres des trois livres :

- Julius Cesar, William Shakespeare
- Discourse on Method and Meditations on First Philosophy, René Descartes
- Leviathan, Thomas Hobbes