La maison de Clay Smallflower

Les yeux du serpentard se fermèrent un instant. Il avait imaginé le pire, même si Clay s'était de suite présenté comme en absence d'informations concrètes. Sa réponse soulevait finalement plus de questions qu'autres choses chez l'adolescent.

"Edward", cela faisait une éternité qu'il n'avait pas entendu son prénom. James venait de réaliser la vitesse à laquelle le temps passait depuis sa première rentrée à Poudlard. La conversation empoignait déjà son cœur souvent opaque à la nostalgie.

« - Pourchassé ? Mais pourquoi ? Par qui ? »

Des moldus ? Cela ne faisait pas sens, sinon son père serait toujours à ses côtés, ici, à Pré-au-Lard.

- Tu ne devines pas ? Par un sorcier... ou des sorciers.

Il hocha ensuite négativement la tête.

- Pourquoi en revanche, je n'en ai aucune idée, et il ne semblait pas savoir non plus. Enfin...

Il se mordit la lèvre inférieure.

Des sorciers, évidemment, James espérait toutefois en savoir un peu plus. Mais heureusement pour lui, les différentes expressions faciales de Clay ne faisaient pas de lui un bon très cachottier.

« - Enfin quoi ? »

L'adolescent ne semblait pas vouloir lâcher l'affaire jusqu'à ce que tous les détails ne soient sortis de la bouche de son tuteur.

Il soupira de nouveau.

- T'en penses quoi, toi ? Qu'est-ce que ça pourrait être selon toi ?

L'incompréhension se traduit facilement sur un visage, et James en était peint.

« - Je ne sais pas. Comment voudrais-tu que je sache... J'étais petit et... »

C'était surtout un sujet tabou qui ne sortait jamais de ses lèvres. L'adolescent vint nerveusement se recoiffer, avant de plaquer de se plaquer une paume sur l'autre pour tenter de redresser son gant en vain, puisqu'il en était dépourvu.

« - C'est... C'est par rapport à la famille de maman ? C'est ça ? »

Lui-même ne savait pas grand chose de ces histoires d'adultes, mais le temps et sa scolarité avaient transformé d'anciennes conversations incompréhensibles en des souvenirs parfaitement audibles. Peut-être faisait-il fausse route, c'est ce qu'il espérait.

- Tu sais comment ça fonctionne maintenant, l'importance du sang... Ca m'embarrasse de te le dire comme ça, mais tu le sais bien, ton père était né-moldu comme tu le sais n'est-ce pas ?...

Il avait finalement même un doute à ce sujet.

- Et Caitlyn était d'une famille de sang pur... et du coup, oui. Je pense que c'est lié, c'est ma théorie et j'imagine que ton père pensait la même chose. Je ne sais pas si ça signifie que t'es en danger à Poudlard... on aurait peut-être dû changer ton nom...

James tapa du poing sur la table comme dans un réflexe, avant de se calmer en réalisant ce qu'il venait de faire. La colère venait se mêler à sa peine, et l'adolescent plein d'hormones menaçait d'exploser à tout instant. Bien sûr qu'il avait toujours su. Mais pour qui Clay le prenait-il ?

« - Alors c'est ça, pas vrai ? Ce bourbe m'a laissé parce qu'il avait peur ? » pesta-t-il comme s'il parlait maintenant d'un inconnu.

« - Je ne suis pas comme lui, mes parents à moi sont des sorciers. »

Pour ce que cela pouvait valoir. James faisait une nette différence entre un né-moldu et un sang-mêlé, peut-être pour se protéger lui-même et sa position dans le monde sorcier qu'il chérissait tant. Il s'était levé et tournait le dos à son tuteur, marchant lentement dans la pièce afin de redescendre.

Clay déglutit.

- Écoute James... Je vais te dire la vérité. Edward n'était pas mon ami. Caitlyn... Caitlyn l'était... et la vie a fait que je ne portais pas particulièrement ton père dans le cœur. Mais même avec toute la rage du monde je ne pourrais pas dire qu'il était un lâche. Et... et le danger n'est pas le rang de ton sang mais que tu sois lié aux Booth.

Au dernier mot, les pas de l'écossais cessèrent et sa tête se redressa. James jeta un œil à la chevalière qu'il portait toujours à l'annuaire droit, puis il se retourna pour faire de nouveau face à Clay.

« - Arrête de me cacher des choses et raconte-moi ce que tu sais. »

Sa bouche se déforma pendant une longue seconde, comme torturée par les mots qui allaient suivre.

« - Je t'en prie, Clay. »

- Je ne sais rien James, je suppose juste. Certaines familles tuent les traîtres à leur sang issus des leurs, assez impunément souvent. Et peut-être que les Booth veulent se débarrasser de tous ces liés à leur fille... De là, on peut s'imaginer tous les scénarios que l'on veut.

James était en colère, mais contre qui au juste ? Du haut de ses quatorze ans, celui qui ne connaissait encore rien à la vie ne pouvait pas simplement décider d'accepter son sort. Il lui fallait des réponses, des têtes sur qui mettre des cibles, des responsables... Comment Clay pouvait se contenter d'un "je ne sais rien" ? Le serpentard se sentait injustement trahi par son tuteur. Il réprimait toutefois beaucoup d'émotions à l'intérieur de ses entrailles, signe qu'il avait grandi sur cet aspect.

« - Très bien... Très bien. »

Il inspira puis expira deux fois, fortement, puis reprit après que ses mains soient passées une nouvelle fois sur son visage. C'était l'heure d'affronter le plus compliqué.

« - Alors si tu ne sais rien de ça, dis-moi que tu sais ce qui est arrivé à ma mère. Je veux savoir comment... »

James fit deux pas en direction de l'ami de sa mère, la gorgée nouée et le regard lourd.

« - Comment ça c'est passé, exactement. Comment des moldus ont pu piéger ma mère. Je veux savoir. Je veux savoir... Comment... Mon père a pu s'enfuir... Je veux savoir... Pourquoi je porte ces brûlures. »

Au bord de l'implosion nerveuse, l'effort colossale que venaient de lui demander ses questions le rendait presque pitoyable. C'était là le plus gros du sujet. La conclusion de réflexions parasites qui l'assaillaient depuis son entrevue discrète avec un épouvantard. James devait savoir, mais il espérait évidemment que l'histoire de Clay allait être la même que celle qu'il avait toujours entendu.

- Je... JE NE SAIS PAS JAMES. Par Merlin ! Comment tu veux que je sache ?! Ton père est arrivé de nulle part pour me demander de m'occuper de toi... parce que... parce que Caitlyn était morte.

Il y avait de l'émotion dans sa voix.

- Pas de bonjour, pas de "ça va ?" J'ai à peine eu le temps de réaliser. Il m'a...

Il leva la tête et le regard vers le plafond.

- Il m'a dit quelque chose du genre.... "Clay, Caitlyn est morte et ils veulent me tuer aussi. Occupe toi de notre fils s'il te plaît."... Et il t'a tendu à moi, t'étais endormi. Il a ajouté de te laisser croire que c'était les moldus les responsables et qu'il reviendrait. Et puis il est parti...

D'abord, le choc. Il paralysa l'ensemble des muscles du garçon comme un direct au foie, écrasant dans son étau les maigres et idiots espoirs qui subsistaient encore en lui quant à la survie de sa mère. Les cris d'agonie résonnèrent dans son esprit embrumé, sa bouche s'entrouvrit.

Puis vint la peine. Ses yeux jusqu'alors avares furent pris d'assauts tandis que son visage entier se déformait dans une grimace enfantine. Le masque venait de voler en éclats. James n'était plus que le petit être fragile que son père avait abandonné. Un garçon arraché de son cocon sans aucune autre explication que la violence d'un monde injuste.

Mais alors que les larmes semblaient inévitables tant ses pupilles brillaient et ses paupières étaient gonflées, la rage naquit et assécha l'ensemble. Une colère monstre, alimentée par tous les ressentiments qui servaient de combustible à son esprit secoué, traversa son corps du plus profond de son corps jusqu'aux extrémités de ses mains. Il aurait aimé renverser le monde et ses mensonges, anéantir ceux qui avaient osé s'en prendre à sa famille, mais il n'était qu'un pauvre orphelin de quinze ans comme il y en avait des centaines. Il demeura stoïque de longues secondes, durant lesquelles Clay put se demander si James n'allait pas s'en prendre à lui ou même à sa demeure, avant que des mots ne s'échappent enfin de ses lèvres.

« - Pourquoi m’avoir menti… Toutes ces années… TOUT CE TEMPS. Quand comptais-tu me dire la vérité ? »

Les yeux écarquillés du garçon inconsolable fixaient son tuteur, l’accusant de maux dont il n’était évidemment pas le seul responsable. Mais d’un côté, le monde de l’écossais venait de s’écrouler comme un château de cartes, et il lui fallait quelqu’un sur qui pester. Il se sentait trahi.

« - QUAND comptais-tu me dire que mon PÈRE… Que ma MÈRE s’est faite assassiner ? »

Il s’était approché de Clay, pas à pas, avant de s’arrêter à plus d’un mètre.

« - Je ne sais plus…. Quoi penser… »

James, si sûr de lui, certain de sa vision du monde et intolérant des autres, venait d’être bousculé par des révélations qui chamboulaient les fondations de son être. Il se tenait en juge devant le botaniste, comme s’il doutait maintenant de son honnêteté, de sa bienveillance. Ses yeux brûlaient d’une envie rare, celle de sa quête inextinguible, celle qui lui permettrait de venger sa défunte mère un jour ou l’autre.

Clay n'avait pas attendu sur la possibilité que James revienne à la raison et se calme. Il se redressa et mit une main devant lui et d'une voix ferme :

- Ne te défoule pas sur moi garçon. Je n'ai fait que suivre la demande de ton père. Et au demeurant je ne t'ai jamais menti...

James, figé sur place, grimaçait pour lutter contre ses pulsions internes. L'adolescent était tiraillé entre son respect pour la hiérarchie, imposée ici par Clay, et son envie de laisser sa rage exploser pour enfin se libérer du poids de ses émotions. Mais les années passées avaient appris au serpentard que son cœur ne prenait jamais les bonnes décisions. Son tuteur tenait toujours sa place d'une main de fer, et James, loin de l'ingratitude de certains enfants, ne souhaitait pas s'en prendre à lui davantage.

L'adolescent souffla doucement entre ses lèvres pincées, puis se tourna pour rapidement quitter le salon en direction de l'unique chambre de la demeure. Il s'enferma à double tour et esquiva Clay pour le restant des vacances. Leur relation ne serait assurément plus jamais la même.