Quelque part au Sud de l'Écosse

Il n'était pas rare que la pluie assaille le "Royaume" d'Angleterre, mais en plein mois de Juillet, même la perfide Albion trouvait cela de mauvais goût. C'était d'ailleurs une pluie particulièrement grise, si intense que l'on entendait constamment comme un bruit blanc parasiter nos tympans. C'était dans ce contexte particulier que Jude et Ariel étaient arrivés dans cette bourgade sorcière encore épargnée par les vils moldus. Mais les rues étaient désertes, et ce n'était pas le temps qui l'imposait car même les bâtissent semblaient vides, presque en ruine. De toute évidence, les sorciers migraient peu à peu, craignant être encore trop au Sud pour être en sécurité, mais pas tous et cela faisait aujourd'hui leur affaire. La mère et le fils étaient entrés dans la taverne d'où sortaient encore quelques senteurs chaleureuses et avaient demandé un repas avec les quelques mornilles qu'Ariel avait gardé en souvenir durant toutes ces années. Un échange très concis avec le balourd bienveillant de tavernier, et elle vint rejoindre Jude à qui elle avait ordonné de s'asseoir dans un coin.

- Mange vite, Jude, nous ne restons pas dormir.

Quoi qu'il fut un enfant, il ne put s'empêcher de remarquer une certaine alerte dans les faits, et les gestes, et la voix d'Ariel. Lui avait retiré sa cape humide de sa tête, elle l'avait gardée.

Des oreilles peut-être, mais des yeux pour sûr. On ne devait pas souvent voir des étrangers dans le coin pour que les regards semblent à ce point ancrés sur eux. La curiosité de ces hommes n'allaient pour autant pas retenir Ariel, c'était peut-être d'ailleurs le malaise qu'ils leur procuraient qui la pressait tant. Elle se leva alors et se dirigea dehors l'allure preste, entonnant à Jude de la suivre. Une fois dehors, elle ne marchait pas moins vite, de toute évidence elle savait vers où elle allait. Tapant des bottes dans la boue, ils atteignirent assez vite la périphérie du village et là à travers la brume se formant sous la pluie, ils finirent par apercevoir un certain nombre de calèches attachées les unes derrière les autres. Mais pas de cheval pour les tirer ?...

- Monte là, Jude.

Elle lui avait désigné un wagon sans rien lui expliquer, l'accompagna jusqu'à la porte et fit un coup de baguette pour laver ses chaussures. Alors qu'il entrait sûrement, elle se dirigea à l'avant du convoi.

En entrant, il découvrit un endroit plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur et des sièges confortables. Ariel ne lui avait jamais montré d'enchantements de ce genre et c'était particulièrement déroutant. Environ une minute après, alors qu'il s'installait, la porte de son wagon s'ouvrit et Ariel vint s'installer à ses côtés, lui offrant une accolade chaleureuse. Elle semblait un peu plus détendue désormais.

- Navrée de t'avoir brusqué Jude, mais je ne les sentais pas.

Elle se leva pour s'asseoir en face et sortit sa baguette pour sécher Jude, elle même et vint ensuite poser ses mains sur ses cuisses. L'angoisse était encore décelable.

Le jeune garçon s'installe sur son siège et regarde autour de lui, essayant de comprendre comment un endroit si grand peut tenir à l'intérieur d'une calèche. C'était une sorte de magie qu'il n'avait jamais vu auparavant. Bien sûr il connait les bases de la magie mais leurs effets sont plutôt du genre ... direct. Une formule, une incantation et l'effet se voit immédiatement. L'enchantement ici permet à la fois d'altérer ce qu'on voit de l'extérieur tout en modifiant l'intérieur. Sa curiosité est évidente mais il reste silencieux, intimidé par la situation.

- Ce n'est rien, Ariel.

Les mains de sa protectrice sur ses cuisses le réchauffaient et le rassuraient. Il se sentait en sécurité avec elle, pouvant lui faire confiance pour le protéger et le guider . Il lui était déjà reconnaissant de nombreuses choses qu'il est inutile d'évoquer ici.
Malgré le climat incertain, Jude ne pouvait s'empêcher de sourire jusqu'aux oreilles appréciant plus que jamais d'être choyé mais un doute subsiste :

- Où allons-nous ?

- La destination n'a pas changée, mais c'était trop dangereux de continuer notre voyage en solitaire. On est dans un convoi de sombral, et il va tout droit à Pré-au-Lard. Il vole haut, et est difficilement visible aux moldus, est rapide et... confortable surtout. Il démarre bientôt...

Ariel eut un rire nerveux, comme un souffle saccadé.

- Le plus important c'est que tu t'appelles Jude Leigh et... que tes parents sont sorciers. Au reste, tu te débrouilleras bien tout seul...

Ils avaient eu cette discussion à plusieurs reprises en vérité, mais il était vrai aussi qu'un rappel de plus n'était pas en trop. Ariel avait apprit à Jude de ne pas laisser transparaître sa proximité avec le monde moldu, et il était au fait d'à quel point cela pouvait être dangereux.

- BIEN, NOUS ALLONS PARTIR !

Lançait une voix soudainement, et quelques secondes après le convoi commença à avancer. Ariel souffla de soulagement. Elle sembla enfin réellement détendue.

- Regarde !

Lui fit-elle en désignant la fenêtre de laquelle elle tira le rideau pour montrer la vue : le sol se dérobant de sous la calèche, les arbres s'enfonçant dans le sol, l'envol en fait !

Ariel fut elle aussi portée par l'enthousiasme de Jude. Elle répondra à sa question après un retour au calme :

- Deviens un grand sorcier Jude, et cela me suffira.

Pour que sa vie n'ait pas été vaine. Elle ne le précisera pas, ça... Ensuite, elle invitera Jude à se reposer, un voyage de plusieurs jours les attendait.

L'engouement laissa place à la réflexion. Le jeune garçon se demanda bien ce que pouvait entendre Ariel par "grand sorcier" même durant les moments passé à ses côtés ne laissent aucun indice sur la volonté profonde de sa protectrice. Aucune piste et énigmatique lui ressemble bien après tout elle a plus d'une fois laissé penser qu'elle était quelqu'un de bien différent auparavant.

- Un grand sorcier.

Répéta-t-il avant de doucement sombrer dans un profond sommeil. Les derniers jours ont été rudes autant physiquement qu'émotionnellement.

Jude faisait un très beau rêve. En effet, il rêvait qu'il était sur le dos d'un hippogriphe et qu'ils voulaient tous les deux au dessus de forêt ainsi que de puissants qui caractérise si bien les côtes écossaises. Puis, dans son rêve, une des ailles de l'hippogriffe était tout à coup devenu squelette : toute la peau et toutes les plumes avaient disparues et ils commençaient à perdre de l'adulte.

C'est à ce moment la qu'il commence à ouvrir les yeux, son cœur battant comme à l'approche d'un danger imminent.

Les silhouettes qu'il apercevait disparurent, et Jude remarqua qu'ils perdaient de l'altitude. Ils étaient en fait quasiment au sol, et Ariel se réveilla à son tour. Alors qu'elle essayait de comprendre la situation, un violent remous bouscula les passagers de la calèche qui avança encore sur quelques mètres avant de s'arrêter. La porte s'ouvrit sur la sombre nuit, et deux hommes tout en noir se présentèrent au wagon de nos protagonistes, les baguettes en main.

- Sur ordre du Conseil, mademoiselle Ariel Leigh, vous êtes en état arrestation. Mains visibles, sortez du wagon.
- Je...

Ariel jeta un regard vers Jude et elle n'était pas la seule, bien que l'attention qui lui fut accordée par ces étrangers était mince.

- Attendez... Merde... Après tout ce temps ?!...
- Les crimes s'effacent par le châtiment, pas par le temps.

Leur passage dans ce petit village magique tournait en boucle dans sa tête, quelqu'un l'avait reconnue là bas et avait alerté le Conseil ?... Ariel tenait pas en place mais évitait les gestes brusques.

- Et mon fils ?? lâcha-t-elle dans un élan désespéré.
- Ne nous forcez pas à recourir à la force devant le gamin ma...dame Leigh.
- Obtempérez, et tout se passera bien.
- Je...

Elle regarda Jude, le visage décomposé dans la détresse. Le garçon l'avait rarement vue aussi peu digne.

- Jude...

Souffle doucement Ariel, de la tristesse dans la voix.

- Écarte-toi gamin, ne nous force pas à te faire du mal, les sorciers ne semblaient pas prendre le garçon au sérieux.
- Ariel Leigh, dernière sommation.

Ariel écarta alors gentiment Jude.

- Très bien, je me rends... Laissez moi juste un dernier échange avec lui... S'il vous plaît...
- Quelqu'un s'occupera de lui à Pré-au-Lard, faites-bref.

Elle tourna alors Jude vers lui, et lui tint le visage, yeux dans les yeux.

- Merci pour tout mon petit Jude... nos chemins se séparent ici, pour un temps, assez court je crois... j'espère... Alors je te remercie encore et te demande de... de pas faire de bêtises, d'être un bon garçon. Et... et de devenir un grand sorcier, pour moi... hein ?... Tu me promets ?

Elle avait la voix tremblante, les yeux embués par les larmes.

- Je dois régler quelques... erreurs de mon passé... Mais rien de dramatique tu sais, je reviendrais, les sorciers vivent longtemps tu sais, s'ils ne font pas trop de bêtises... Je...

Elle l'enserra dans ses bras pour un long câlin.

- Maintenant Leigh.

Coupa l'un des hommes, et Ariel finit par relâcher Jude. Elle laissa ses mains longuement sur ses épaules, mais elles finirent par glisser et elle sortit du carrosse. On pouvait voir que plusieurs autres personnes se trouvaient autour du convoi, mais Jude ne savaient pas qui étaient ces hommes, ils ne semblaient cependant pas affiliés aux sorciers en noir, ceux travaillant pour le Conseil des Sorciers. Ces derniers, avec Ariel, commencèrent à s'éloigner du convoi et à disparaître dans la pénombre.

Jude était tellement submergé par la tristesse et l'incompréhension de la situation qu'il ne prêtait aucune attention à son environnement. Il avait les yeux rougis et humides de larmes, et celles-ci coulaient en abondance sur ses joues, lui brouillant la vue. Il ne distinguait pas grand-chose devant lui, juste des formes floues et indistinctes.

C'est donc tout naturellement qu'il a été saisi en entendant la voix d'un homme face à lui. Etonnement, Jude étant écossais, l'accent de l'homme avait tendance a un peu le rassurer. Rien qu'un petit peu au vu de la situation.

- Que voulez-vous dire ? Qu-Qu'allez v-vous m-me f-faire ?

Demanda un Jude déjà plus qu'apeuré par la situation.