Le salon

Moins curieux que la quasi - pour ne pas dire entière - totalité de ses camarades, James préférait souvent les quartiers de la délégation anglaise aux autres espaces communs partagés avec les étrangers. C’était ici qu’il étudiait, lisait, profitant du calme de la tour souvent abandonnée en pleine journée.

Installé dans un fauteuil des plus confortables, l’écossais en paix bouquinait simplement.

Eleanor fit son apparition également dans le salon de la délégation anglaise afin de se rendre à son dortoir et eut la surprise de voir James, c'était la première fois qu'ils se retrouvaient seul à seul depuis cette fameuse catastrophe durant le périple en bateau. Et déjà un certain stresse commençait à la gagner à l'idée de lui reparler sans se sentir ridicule.

"Allez Ellie, un peu de courage ! Repense à ce qu'a dit Nymeria ! Même James a dit de ne pas t'en vouloir."

On avait beau se le répéter, ça ne changeait pas grand chose à ce que l'on ressentait. Elle se dirigea vers une des bibliothèque où la jaune fit semblant de chercher un livre le temps de rassembler son courage. Une chose était sûre, ce n'est pas en se murant dans le silence et la honte que ça allait améliorer les choses. Au bout d'un petit moment elle trouva la force de saluer le plus simplement du monde le Serpentard en s'armant de son plus beau sourire.

- Oh salut ! Je ne t'avais pas vu excuse moi.

C'était pas mal pour commencer, plus qu'à attendre la réaction de l'écossais à son égard.

James avait évidemment repéré l’arrivée de la Flamboyante, épiant son entrée d’un simple regard par-dessus la couverture de son livre. Il avait cependant décidé de la laisser tranquille, conscient que le début de ce voyage animait la curiosité de ses camarades quant aux possibles découvertes. Il s’était dit que la rousse avait sûrement oublié quelque-chose dans ses quartiers, bien vides à cette heure-ci.

Mais après quelques minutes, la demoiselle l’extirpa finalement de sa lecture. Il déposa son livre sur ses jambes croisées et s’arma d’un rictus que l’on pouvait juger comme avenant lorsqu’on le connaissait.

« - Salut Eleanor, ce n’est rien. Sûrement un peu de sable qui traînait dans tes yeux. »

Une excuse idiote et taquine, inventée pour couvrir la préfère qui, de par sa position, ne pouvait pas vraiment l’avoir raté à moins d’être aveugle. Il ne semblait pas lui en tenir rigueur.

Mais un certain sérieux revint rapidement.

« - Tu vas bien ? » décida-t-il de s’enquérir.

Un sourire de gêne se dessina à la boutade de James. Tous les deux savaient qu'elle l'avait vu sitôt entré et surtout connaissaient les raisons qui l'avait poussé à prendre son temps avant de se manifester. Eleanor était d'autant plus reconnaissante que le Serpentard lui facilite la tâche en jouant le jeu et se montrant agréable avec elle. Il semblerait que le malaise soit seulement de son côté ou que le vert s'en accommodait sans soucis, ce qui allait lui permettre de se décrisper un peu.

- Comment ne pas aller bien dans un si beau pays ?

Certes il y avait toujours un sujet bien connu des deux qui continuait de la travailler souvent en attendant d'en connaître l'issue mais en dehors de ça elle ne pouvait que difficilement se plaindre.

- Et toi ?

L'écossais pourrait remarquer que si la Poufsouffle le regardait dans les yeux, elle avait cependant du mal à maintenir un contact prolongé.

Puisque James n’avait aucun mal à regarder la rousse, il remarqua évidemment cette gêne palpable qui régnait entre eux.

« - Ça va, merci. »

Sans détourner les yeux de la demoiselle, il laissa le silence reprendre ses droits. Mais il n’était ni du genre à tourner autour du pot bien longtemps, ni de ceux qui aimaient se jouer des autres. Encore moins lorsque l’on parlait d’une personne qu’il estimait. Alors, l’écossais reprit après une brève expiration.

« - Par rapport à la dernière fois… »

C’était sa façon d’emmener le sujet de manière concrète, brisant la glace.

« - Pardonne-moi si je t’ai blessé, et si je remets ce sujet sur la table, mais… Je préfère être honnête avec toi Eleanor. »

Il soupira à nouveau.

« - Peut-être que je t’ai laissé croire des choses, via mes paroles ou mes actes, et j’en suis désolé. Mais j’étais venu te voir avec l’intention qu’on puisse redevenir des amis. De simples amis. Voilà tout. »

C’était dur, franc, et peut-être un peu trop direct, mais il préférait statuer là leur relation de manière distincte plutôt que de laisser des espoirs. James avait déjà assez à gérer de son côté à ce sujet pour s’embourber dans d’autres problèmes à ce niveau.

Ainsi le sujet de leur relation vint sur le tapis. Ce n'était pas inattendu mais Eleanor ne pensait que ça viendrait aussi rapidement et directement. A la mention de leur dernier tête-à-tête il y eu un chaude vague d'espoir qui emplit son coeur avant que tout ne soit brisé l'instant d'après. Si ça avait été douloureux de se voir offrir un refus, ce n'était rien comparé à cette fois-ci. Cette fois il n'y avait plus rien à possiblement interprété, plus rien à espérer, James ne voulait pas de la jaune, en tout cas comme elle l'aurait voulu.

Malgré tout le Serpentard daignait lui accorder une amitié qu'il n'accordait qu'à très peu de gens. Pourtant ce n'était pas suffisant à ses yeux et elle doutait franchement que ça puisse lui être bénéfique d'être ami avec quelqu'un pour qui elle ressentait bien plus. Logiquement la rousse devrait refuser... Logiquement oui. Mais n'avait elle pas demandé qu'il arrête de l'éviter ? Ce serait bête de faire l'inverse ensuite, même si ces mots avaient été prononcé avec une autre dynamique en tête pour les deux élèves de Poudlard. Et puis... était elle capable de refuser ? Pas vraiment, ça restait James.

Une nouvelle fois la préfète avait juste envie de partir pleurer et qu'on la laisse tranquille mais elle ne voulait pas encore accabler le duelliste ou Nymeria. Et aussi elle en avait marre d'avoir ce genre de réaction. Dans son regard passa une profonde tristesse qu'elle balaya rapidement pour sortir un sourire aussi factice que réaliste.

- Non mais c'est moi qui me suis imaginée des choses toute seule, même moi je peux être un peu bête des fois.

Comme le ferait quelqu'un qui toque à une porte, elle se tapa doucement la crâne avant de rigoler.

- De simples amis c'est déjà très bien !

Elle n'avait aucune idée de ce que ça signifierait pour la suite ou si même la Poufsouffle serait capable de faire les efforts de son côté pour maintenir cette amitié mais c'était trop difficile de briser le seul lien qui lui restait avec le jeune homme en plus de ne pas en avoir l'envie.

Une question idiote trottait dans sa tête qu'elle voulait poser, celle que tout ceux dans son cas s'était sûrement déjà demande : "Pourquoi ?". Mais ça ne servirait à rien, il n'y aurait aucune réponse satisfaisante. Les choses étaient ce qu'elles étaient tout simplement. Malgré tout ça ne l'empêchait pas de lister chaque élément qui aurait pu pousser James à ne pas avoir les mêmes sentiments.

Comme souvent, James demeurait lui fermé, sérieux, impassible. On pouvait aisément croire qu’il manquait d’empathie, c’était peut-être d’ailleurs le cas. Il observa la demoiselle embarrassée se tordre dans son mal-être. Eleanor, si naturelle et confiante au quotidien, semblait là s’effondrer sur elle-même. Tout sonnait atrocement faux, véritable comble pour la musicienne douée qu’était la rousse.

La gêne, finalement, atteignit l’Embrasé qui n’avait pas détourné son regard de la Flamboyante depuis le départ. Il se racla la gorge, envoyant ses yeux se balader sur les différents murs de la pièce. Il laissait là du répit à la Folsham.

« - On se revoit bientôt, j’imagine ? »

Il était là compliqué d’enchaîner avec une conversation plus légère, et l’écossais préférait couper court plutôt que de s’embourber.

Aussi douée pouvait on être pour couvrir ses émotions, la situation faisait que ça ne paraissait pas très crédible. D'un accord tacite, tout deux savaient que c'était probablement mieux que la conversation ne se prolonge pas trop. Il lui fallait encaisser ce que James venait de lui dire afin de pouvoir repartir du bon pied pour la suite. Sans aucune hésitation elle répondit favorablement à la question.

- Je l'espère oui.

Et c'était sincère cette fois-ci. Cependant elle décida de faire tomber un peu le masque afin de ne pas rester dans cet étrange malaise que la préfète ne voulait pas laisser pourrir leur relation en créant une gène constante entre les deux pour la suite.

- Et merci pour ton honnêteté.

Après tout il aurait pu sans aucun mal maintenir une illusion dans laquelle la rousse se serait plongée bien trop facilement. Si c'était très douloureux sur le moment, ce serait bien plus libérateur dans le futur. Maintenant elle savait.

- Si dans les prochains jours tu as envie de t'entraîner ou de visiter un peu le coin ça serait chouette.

Peut être trop rapide ? Mais Eleanor ne voulait pas laisser la temps passer et la distance s'agrandir entre eux. Et même si leurs sentiments n'étaient pas les mêmes, elle voulait passer du temps avec le Serpentard. C'était également sa façon de lui montrer que sa loyauté qu'il avait loué ne serait pas mise à mal par toute cette histoire.

Une certaine lueur avait illuminé le regard du serpentard, qui hocha la tête armé d’un léger rictus. Il louait intérieurement le courage de la préfète, ainsi que sa dignité.

« - Va pour un entraînement. Entre champions. »

Entre remplaçants, plutôt, mais cela sonnait moins bien. Cela prouvait que, de son côté, James n’avait aucun mal à passer l’éponge sur cet épisode. Si la Folsham souhaitait continuer à le fréquenter - maintenant consciente des limites de cette relation, il ne l’en empêcherait pas.

Commencer par une activité plus "silencieuse" était peut être pour le mieux pour entamer le début de cette nouvelle relation. Un bref sourire d'amusement se lu sur son visage à la mention des champions qu'ils étaient.

- Très bien alors on fait comme ça.

Ce serait peut être l'occasion de prendre une toute petite revanche sur ses multiples échecs en finale des tournois de duel. Même si elle ne se vouait pas à la discipline des duels, ça n'empêchait pas que ça demeurait un de ses rare échec à Poudlard. Rendez vous pris, elle attendit le départ très probable de James afin de se retrouver un peu seule pour digérer tout ça.

Loin d’être sur le départ, l’écossais se rabattit simplement sur sa lecture après un simple signe de tête. La rousse partirait assurément avant qu’il ne le fasse.

Elle n'avait pas de qualificatifs assez forts pour décrire toute la joie qu'elle tirait de cet idyllique voyage. Pourtant, quelque chose n'allait définitivement pas. Si elle avait eu une plume et un encrier, elle aurait concilié que "l'enfer c'est les autres" avec trois siècles d'avance. Les insupportables déboires d'Aslan lui avaient été jetées à la figure dès son arrivée dans le pays et, dans la foulée, Nymeria était gentiment venue l'informer qu'elle était au fait de son affiliation auprès d'un groupe terroriste et recherché par le Conseil. Elle paierait cher pour pouvoir se focaliser seulement sur ce beau pays; sur cette prestigieuse académie et tous les savoirs qu'elle était disposée à lui offrir, mais elle n'y parvenait déjà plus.

Lassée après une étrange conversation en compagnie de la rouge, c'est au crépuscule que la jeune Harpis se montra. Elle se précipita vers l'un des canapés à disposition pour s'y poser en laissant échapper un soupir soulagé et loin des distinctions qu'elle arborait d'ordinaire. Son regard à l'éclat affadi chercha du regard un quelconque visage familier dans les alentours et elle dénicha une chevelure fuligineuse qu'elle connaissait bien dépassait de la couverture d'un livre.

- Bonsoir monsieur Ashworth.

Le soleil mourant à l'horizon, le salon de la délégation anglaise regagnait en popularité. En effet, les plus curieux rentraient bien souvent lessivés par le souk ou la châleur infernale du désert, cherchant un lieu calme et un repos bien mérité. C'était le cas de la jeune femme, qui apparaissait alors que la Folsham avait quitté les lieux quelques heures plus tôt. James avait quant à lui bien avancé dans sa lecture, peu intéressé par l'extérieur en cette journée.

« - Demoiselle Harpis. »

Sa dextre gantée avait fermé le bouquin, gardant un pouce à l'intérieur en guise de marque-page.

« - Fatiguée ? Ou plutôt ennuyée, peut-être ? »

Il reconnaissait en effet quelques traits sur le visage familier qu'était celui de Celonia.

- Mes jambes me tirent et mes muscles sont si éprouvés que je doute de mes capacités à quitter ce canapé.

Répondit elle en adressant à James un sourire espiègle.

- Cependant, ce n'est pas ce qui me mine, non.

Elle poussa un soupir faussement affligé tout en baissant son voile improvisé avant de reposer l'arrière de son crâne sur le mou contre lequel son dos se lovait déjà.

- Aslan m'a fait une déclaration et je crains d'avoir été un brin indélicate dans mon rejet. Je montais alors pour me détendre dans les tours, mais Nymeria m'a sauté au cou.

Elle balaya négligemment l'air, comme pour manifester le peu d'intérêt qu'elle souhaitait vouer aux détails de cette conversation.

- J'ai l'impression que l'air du pays a un drôle d'effet sur certains.

Un fin sourire était apparu au coin des lèvres de l'écossais, qui laissa sa cadette expier les soucis qui pendait à ses lèvres depuis son arrivée. Les bras reposés sur les accoudoirs de son fauteuil, ses coudes se plièrent et vinrent joindre ses mains l'une dans l'autre.

« - Un voyage en terre antique rendrait fou les gryffondors ? Étonnant. » ironisa-t-il avant de vite revenir au sujet, plus sérieux. « - Rien de trop grave, alors ? » s'enquerra-t-il tout de même, souhaitant s'assurer qu'il ne valait pas la peine d'aborder ces épisodes avant de passer à la suite.

La chevelure ambrée de la jeune Harpis se secoua fébrilement de gauche à droite, expiant au passage quelques particules de sable s'y étant logé au cours de la journée.

- Non, il y a seulement certains tons que j'ai toujours eu plus de mal à appréhender que d'autres.

Un doux sourire marqua son minois, comme pour exprimer sa volonté de chasser ces discussions pour l'instant.

- Tu as l'air d'avoir pris tes marques ici ! Je te trouve aussi appesantis que pendant tes lectures au club de divination. L'air égyptien te sied ?

Celonia avait le don de faire sourire son aîné, qui laissa son rictus s'amplifier sans gêne. Il appréciait en effet sa prose mêlée à son ironie, souvent taquine. Ils se ressemblaient sur ce dernier point.

« - Disons que cette châleur étouffante ne me dérange pas vraiment. » Celonia connaissait la particularité du jeune homme, qui souvent, allumait ou éteignait les différentes bougies du club de Divination en l'utilisant. Cependant, la demoiselle ne connaissait pas son plein potentiel ni ses récents progrès, que l'écossais n'avait encore montré à personne, hormis Alija - bien évidemment. « - Et il est vrai que je me sens bien ici. C'est vide la plupart du temps, et quand les gens rentrent, ils sont bien trop fatigués pour venir me déranger. »

Si la Serdaigle avait été attentive à ces premiers jours en Égypte, elle aurait remarqué que l'écossais passait beaucoup de temps au sein des quartiers réservés à la délégation anglaise. Il était rare de le croiser dehors. Mais cela ne la surprenait sûrement pas.

« - Et toi, alors ? Pas trop stressée par ton ouverture de bal ? »

L'Embrasé faisait évidemment référence à la première épreuve du tournoi.

Celonia s'incluait dans cette catégorie de "gens trop fatigués" pour être avenants. Cependant, avec James, elle n'avait jamais vraiment eu besoin de se forcer. Leurs caractères s'étaient toujours retrouvés l'un dans l'autre à tel point que nul souvenir d'une quelconque dispute ou querelle avec l'Ashworth ne pouvait lui venir à l'esprit.

- M'a-t-on déjà connue stressée ?

Questionna-t-elle en laissant sa tête tomber sur son épaule comme pour s'en libérer du poids. Elle balaya la salle du regard avec une langueur assumée avant de revenir vers James. Celonia n'avait, effectivement, quasi jamais montré un quelconque signe d'angoisse ou de stress. Cependant, sa relative nonchalance n'était peut être qu'une façade destinée à occulter la peur de l'échec.

- J'espère simplement pouvoir donner une bonne impulsion au reste de la délégation !

Clama-t-elle en laissant ses lèvres se tordre en un sourire aigre-doux.

- Et puis c'est une bonne façon de marquer le voyage, je pense. Qui sait, les Harpis auront peut être enfin l'opportunité d'entrer dans les grands noms !

Contagieux, le sourire de la demoiselle maintenait en vie celui de son interlocuteur. Il était satisfait, ou peut-être même fier de la voir ainsi. Bien évidemment, James n'avait jamais douté de ses capacités en tant que sorcière et l'avait toujours hautement estimé, mais il ne pouvait occulter le fait qu'il avait participé à façonner la jeune femme qui lui faisait face. C'était la première cadette que l'écossais avait réellement pris sous son aile.

« - Tu as raison de le voir ainsi, cette place est avant tout une sacré vitrine pour chaque participant. »

Le presse du monde entier était présente. C'était là une vraie chance d'alimenter sa réputation, de se forger une image aux yeux des sorciers. Il ne fallait pas sous-estimer l'ampleur d'un tel évènement.

« - Et personne d'autre que toi ne méritait plus cette épreuve. » Pas même Abigail ? James semblait sincère. « - Tu as tellement progressé depuis tes premières années... Mais en effet, je ne me souviens pas vraiment de stress. Plutôt... D'un manque criant de confiance en soi. Assez étonnant quand on te connaît mieux, d'ailleurs. »

Ce n'était pas là une critique, mais plus un constat sur les progrès de sa cadette. Soudain, les yeux du Serpentard se plissèrent, et comme rarement, il parut ouvert, humain, comme s'il exprimait quelque chose contenu au fond de son cœur.

« - Je suis vraiment fier de la sorcière que tu es devenue, Celonia. Je tenais à ce que tu le saches. »

C'était bien la première fois que James posait des mots sur ce qu'il pensait d'elle. Il enchaîna sans laisser le temps à la Serdaigle d'en placer une, coupant court à la potentielle émotion qui venait de s'installer dans le dialogue et reprenant son faciès habituel.

« - On reprend l'entraînement dès demain. Je veux que tu sois prête pour ton épreuve. »

Cela faisait un moment qu'ils voyageaient et que la demoiselle n'avait peut-être pas pratiqué jusqu'à l'épuisement, mais il était venu le temps de la remettre en jambes.

Quels auraient le tempérament, la "carrière" scolaire et l'évolution de la jeune Harpis si elle n'avait pas fait la rencontre du maître du club de divination lors de sa première année ? Le personnage qui se prélasserait en ce moment même dans le salon serait totalement différent. Rares étaient les personnes qui pouvaient, véritablement, se targuer d'avoir réussi à influencer l'inflexible demoiselle, mais James y était parvenu, à plusieurs égards.

Elle opina aux premières paroles de son aîné, il n'y avait rien à ajouter. Cependant, elle se demandait si la gloire était vraiment le voile dont elle préfèrerait se parer. Certes, celle-ci était créatrice d'opportunités, mais elle portait, aussi, avec elle, beaucoup plus d'obligations que son habituelle discrétion. Cette dualité lui avait permis de mieux appréhender ses échecs magiques et sociaux. Puissante, elle savait (pensait) que beaucoup d'élèves moyens pouvaient malgré tout triompher d'elle et que Jude lui était bien supérieur baguette en main. Populaire, elle savait qu'elle ne le sera jamais autant qu'un James ou un Alija. Parfois accompagnée au bal, elle savait qu'elle n'était pas non plus spécifiquement convoitée par les garçons. Ces compromis, elle avait fini par s'en accommoder pour en faire une force insoupçonnée.

- Je suis toujours consciente de manquer de moyens pour certaines choses, mais je m'en désole pas. Elle souleva d'un mouvement d'index une de ses mèches récemment libérée et qui prenait des reflets melliflus sous l'impulsion du soleil pour la replacer derrière son oreille. - Mais tous les obstacles n'ont pas à être affrontés de front. Ils peuvent être contournés voire... Survolés!

C'était, pour Celonia, une manière de dire que le manque de confiance qu'elle pouvait encore vouer à l'égard de ses capacités magique était amplement compenser par la foi qu'elle avait en sa flexibilité et son intelligence.

James lui témoigna alors toute la fierté qu'il vouait à son évolution. Une révélation aussi inattendue que bienvenue. Elle qui avait souvent eu du mal à reconnaître toute l'estime qu'elle devrait porter à la grande sorcière qu'elle était en train de devenir se sentit soudain emplie d'une fierté qu'elle eut du mal à appréhender comme à comprendre. Ses joues s'illuminèrent un instant d'une teinte rosée et ses lèvres frémirent, prêtes à balbutier un remerciement qui n'aurait pas été à la hauteur du compliment, mais James lui épargna cette peine.

Ainsi était l'Ashworth et la jeune Harpis l'avait compris depuis longtemps. Sans doute avait il fini par déteindre sur elle, en la matière. Incapable de répondre par les mots, c'est la lueur dans son regard qui brillait tant de reconnaissance que d'admiration qui parla pour elle. La proposition fut accueillie par un vif hochement de tête.

- C'est décidé, dans ce cas !

Elle savait que James ne lui aurait jamais retiré l'opportunité de répondre "non", mais elle était tout simplement aussi motivée que son aîné, si ce n'est plus.

Si l’Humain pouvait mentir via des mots, des sourires ou des gestes, les yeux restaient souvent le dernier gardien de l’évidence. Une sincérité difficile à maquiller, surtout lorsque l’on échangeait avec un proche. Ainsi, James n’avait pas eu besoin d’attendre une réponse pour comprendre la réaction de la demoiselle présente en face de lui. Celonia devenait une jolie femme, douée, intelligente, espiègle et parfois égoïste… Mais elle demeurait avant tout reconnaissante, loyale, tandis que d’autres auraient pu se contenter de profiter avant de s’en aller au premier coup de vent.

Elle était restée. Malgré Shane, malgré les blessures qu’elle avait subi par leur faute. Et si l’écossais n’avait peut-être jamais eu les mots pour lui démontrer ô combien elle était importante à ses yeux, il espérait qu’elle le savait, qu’elle le sentait. C’était la raison qui venait de le pousser à s’ouvrir un peu.

« - Ce n’est pas comme si tu avais le choix. » enchaina-t-il amusé, comme l’avait bien pressenti Celonia, « - Tu comptes… » Son regard parcourut la pièce, s’assurant que personne ne vagabondait dans les alentours, « - Utiliser ton plein potentiel, lors de ton épreuve ? Je demande car je connais ta propension à la discrétion. »

Elle comprendrait évidemment qu’il faisait référence à sa particularité. Le thème de l’entraînement pouvait changer selon sa réponse.

La boutade de James lui arracha un muet ricanement qui ne fit qu'allonger son sourire qui ne l'avait pas quittée. Elle considéra ensuite la question qui lui était posée et hocha mollement les épaules.

- La capacité dont je jouis a des utilités bien spécifiques. Il est possible qu'elle ne soit d'aucun secours dans l'épreuve.

C'était même grandement possible. Si son don avait pu l'aider lors de son "épreuve" avec les lucioles, elle ne lui avait pas encore trouvé beaucoup d'autres usages concrets que pour observer l'horizon.

- Mon... "potentiel" est discret par nature de toute manière, si je peux l'utiliser je le ferai sans que les gens ne puissent comprendre ce qui se passe vraiment.

James hocha doucement la tête, accueillant les mots de la demoiselle qu'il jugeait logiques.

« - Il est certain que tous ne comprendront pas ce qu'ils verront, mais il y a fort à parier que quelques yeux avertis peupleront les gradins, et pourraient en déduire certaines choses. »

C'était là un simple avertissement, afin d'éveiller la conscience de sa camarade sur le sujet. Il n'était, de son côté, pas contre l'utilisation de ses pouvoirs.

« - Mais je pense personnellement que tu pourrais en avoir besoin. As-tu déjà pensé à ton épreuve de manière concrète ? A quoi servent les énigmes et autres déductions, en général ? Activer des mécanismes, ouvrir des objets ou des portes, passer des murs... Il est certain qu'avec une vision plus... Libre de la scène, tu pourrais avoir accès à des indices jugés inaccessibles. »