Couloir entre les cabines

Un couloir entre les cabines.

James revenait du ponton placé à la poupe du bateau, et traversait le couloir présent entre les différentes cabines de l'entrepont -2.

La porte de leur cabine partagée s’ouvrît, la tête du serbe en dépassait.

- T’en a mis du temps pour prendre l’air…Tu as pu nous trouver quelque chose à boire ?

Ah oui, quelque chose à boire. James avait totalement oublié la raison pour laquelle il avait quitté leur cabine il y a de cela vingt minutes.

« - Non, j'ai rien. Je suis allé là-bas en pensant que c'était le fond du bateau, mais ça donne sur une espèce de petit ponton. » fit-il en pointant la direction d'un geste de menton.

« - Je vais partir de l'autre côté, pour voir. Tu m'accompagnes ou tu restes là ? »

Le serbe avait un peu comme qui dirait « la flemme » cependant…Il avait grand soif et c’était peut-être la l’occasion de trouver quelque chose pouvant le sustenter.

- J’éteint le narguilé et j’arrive ! Tout à l’heure j’étais à deux baguettes de faire brûler le navire à cause de lui…

Son corps était retourné dans la cabine, et un bruit métallique se fit entendre tandis qu’il enchaîna en soufflant du nez :

- Ça t’aurais rappelé des souvenirs !

Peu fier de sa petite blague, le serbe n’aura pas l’occasion de voir la réaction de l’écossais puisque la porte de la cabine qui n’était plus retenue, se referma. Quelques dizaines de secondes plus tard, Alija vint rejoindre James dans le couloir.

James s'était contenté de souffler du nez, s'adossant au mur du couloir face à la cabine pour attendre son frère. Le genre de blague que seul Alija pouvait faire. Le genre de blague que lui ne se permettait pas envers le Zverotic et son frère décédé. Mais c'était là l'une des nombreuses différences qui les caractérisait, eux qui avaient, à côté de ça, tant de points communs.

« - Oublie pas de fermer la cabine. »

Une fois cela fait, les deux zouaves se mirent donc en route à la recherche de boisson.

« - Tu penses qu'on va trouver quelque chose ? On ferait peut-être mieux de demander directement à Bagamba. Toi il t'aime bien. »

Et l'écossais n'osait imaginer le niveau de divertissement que pouvait réserver une soirée alcoolisée aux côtés de l'homme-gorille.

- Ah bon ?

Il se rappelait ses dernières interactions avec le nubien à coups de « ZVEROTIĆ !!! » peut-être était-ce là le signe de son affection ?

- Avec lui on ne sait jamais à quoi s’attendre…

Ce qui d’une certaine manière lui plaisait.

- Mais ça vaut le coup de se tenter, allons-y brat !

Ainsi, les deux amis disparurent du couloir et rejoignirent le pont principal. Du moins, seulement James dans un premier temps, puisque Alija avait oublié quelque chose dans la cabine et avait dû faire demi-tour.

Celonia n'avait effectivement pas parlé à Jude de leur affaire commune avec les lucioles, mais les raisons de son mutisme étaient moins profondes que celles de son camarade. La jeune Harpis n'avait, tout bonnement, aucune confiance en Jude. Elle n'avait pas plus foi en sa discrétion qu'en sa fiabilité ; Deux variables essentielles à l'obtention de la confiance de la jeune fille. Voir les mèches blondes et rebelles de son jeune camarade auprès des lucioles avait considérablement ébranlé la confiance qu'elle vouait à leur processus de recrutement et si elle avait été au fait de sa présence, ce soir-là, alors elle ne serait tout simplement pas venue. Néanmoins, le mal étant maintenant fait, il n'y avait pas de raisons de tergiverser plus que nécessaire. D'autres contrariétés de ce genre viendront et Celonia n'était pas du genre à s'attarder sur ce qu'elle ne pouvait changer.

Le voyage en mer se poursuivait et au détour d'une quelconque pérégrination, les deux jeunes camarades de promotion du malheureux Horacio se croisèrent au détour d'un couloir. Interpelée, le visage minaudant de la fille de tailleur salua Jude d'un bref hochement de tête.

- Jude.

Répondit elle simplement en se fendant d'un petit sourire.

- J'ai pris mes dispositions, mais je suis flattée qu'on s'en soucie. Coqueta-t-elle sur un ton dont les tonalités avenantes étaient purement protocolaires. Comment se passe le voyage ?

Elle secoua doucement la tête en guise de début de réponse.

- Loin s'en faut ! Répondit elle avec un chatoyant enthousiasme. Je suis si heureuse de voyager que je ne peux m'empêcher de baguenauder sur le pont.

L'idée de laisser sa vision s'appesantir sur la mer lui dévorait d'ailleurs l'esprit. Il était temps qu'elle fasse un essai. Nulle mention à un quelconque livre, donc, en dépit des médisances.

-

Loin de l'enthousiasme d'un voyage tant attendu et dont les conséquences seront peut être existentielles, quelque chose semblait trotter dans l'esprit du plus si petit blaireau. Qu'en était il ? La jeune femme n'était pas certaine d'être pressée d'entendre ce qu'il avait à dire ; Trop de conversations similaires s'étaient achevés par une énième déception jetée au minois de sa pauvre personne. Heureusement, le temps où elle vouait des attentes aveugles au reste du monde était passé et l'un des principaux auteur de ce paradigme se trouvait, justement, face à elle.

- Hé bien cachottons.

Dit elle avant d'hocher la tête tout en levant la paume de sa main vers le plafond, indiquant ainsi à son camarade qu'elle était disposée à le suivre.

Il la guida donc loin des oreilles indiscrètes dans un coin plus isolé de l'étage du bateau. Avec un grand sérieux; ce qui dénota avec la discussion précèdent.

- As-tu parlé avec quelqu'un de ce qui s'est passé cet été ?

Jude parla évidemment de l'opération des Lucioles mais peut-être que la Serdaigle peut confondre avec un autre événement.

Comme Eleanor avant lui, Jude éprouvait donc le besoin de parler des évènements du dernier été. Pour sa part, la jeune Harpis avait oblitéré cette soirée de sa mémoire aussitôt qu'elle avait quitté la petite assemblée. Il y avait eu un moment pour parler de tout ça, mais les deux blaireaux privilégiaient les rattrapages, ce qui contrariait un peu Celonia, mais elle était trop polie pour en parler.

- Au professeur Black, Lestrange, Blackwine et à mes contacts auprès de la gazette.

Répondit elle du tac au tac. Il était rare que Celonia soit aussi frontalement sarcastique, mais la question l'offensait. Elle était fiable, calme et réfléchie et l'avait été tout du long de sa scolarité. S'il y avait bien quelqu'un dont il fallait douter chez les lucioles, ça n'était pas elle, à ses yeux.

- Tu es inquiet à propos de quelque chose ?

Continua-t-elle en interrogeant son interlocuteur d'un circonspect hochement de sourcil.

Un petit sourire sublima le minois de la jeune femme lorsque Jude renchérit sur Lestrange, mais sa mine s'obombra dès lors que la conversation prit une tonalité plus sérieuse.

- James n'est pas mon confident.

Répondit elle avec calme avant de détacher son regard de celui de Jude un instant pour faire quelques pas, comme pour se donner le temps de réfléchir.

- Il savait dès le début qui participait à cette opération. De ce qu'il m'en a dit, c'est Abel lui même qui lui en a parlé.

Pourquoi avait on voué une confiance pareille à James ? Qu'avait il bien pu faire pour que, sans avoir à fournir un quelconque effort, on lui fournisse, gratuitement, un moyen de pression GIGANTESQUE sur trois autres élèves de Poudlard ? Si elle avait confiance en ce garçon, elle craignait qu'un jour leurs intérêts puissent être divergents. Cela la perturbait plus que de raison et elle ne pardonnerait pas aux lucioles si, un jour, un conflit avec son mentor serpentard devait éclater à cause de ça.

- C'est perturbant, n'est-ce pas ? Demanda-t-elle sur un ton plus froid, plus sérieux et moins "avenant" qu'à l'accoutumé. Sa tête bascula doucement vers son épaule et son regard retomba vers Jude alors qu'elle prenait appui contre le mur. Je pensais que c'était de toi et d'Eleanor dont je devais me méfier, au départ. Pas que je vous prête un quelconque mauvais sentiment, bien au contraire, mais je craignais une gaffe ou un besoin existentiel de trop parler. Elle soupira, cette conversation ne lui plaisait définitivement pas. J'ai ou bien sous estimé, ou bien sur estimé ces gens-là. Ce qui m'exaspère, c'est qu'aucune des deux proposition ne me paraît plus plausible que l'autre.

- Tu surestimes James, je crois.

Répondit elle avec un petit sourire amusé. Jude pensait il vraiment que James avait été capable de soumettre Abel à sa volonté ? Il le mettait clairement sur un piédestal. Pour le reste, elle se passa de commentaires. A ses yeux, les lucioles avaient commis une erreur en dévoilant à James la liste des participants, une erreur qui pourrait bien décider du destin de la jeune Harpis dans leurs rangs. Elle ne s'était pas attardée sur les deux adultes qui les avaient accompagnés ce soir-là et, pour cause, elle ne connaissait même pas leurs noms.

- Ce qui fait la valeur d'une information, c'est sa rareté. Celonia poussa un petit soupir puis se détacha finalement du mur auquel elle était accolée. - Personne n'est au courant. Par ailleurs, l'information que détient James n'a pas autant de valeur que ce qu'on pourrait croire.

Elle balaya l'air d'un las geste de main.

- Tu as lu la gazette ? Le conseil même ne semble pas savoir ce qui s'est passé là-bas, ils imaginent que c'est un mage noir qui est à l'oeuvre de tout ça. Cela veut dire que nous n'aurions aucun mal à démentir une accusation pour peu qu'elle soit prise au sérieux.. Ce n'est pas idéal malgré tout, mais c'est une consolation suffisante pour ne pas paniquer.

Celonia n'était ni pessimiste, ni défaitiste, elle essayait simplement de tirer un constat froid et impartial de chaque chose ; Exception faîte des poufsouffles. En ce qui concernait la popularité de James, elle était gigantesque, oui. La nature lui avait souri moultes fois, il fallait dire. Champions de duel plusieurs fois, président d'un club aux allures quasi aristocratiques et, globalement, une scolarité sans accrocs, même Celonia avait l'impression de n'avoir aucune influence à Poudlard à côté de lui.

- Pourquoi la gazette mentirait ? Rétorqua-t-elle avant de désigner Jude du menton, comme pour lui indiquer qu'à ses yeux, cela ne faisait pas de sens. Elle casse du sucre sur le dos aux lucioles à la première occasion parce que cela arrange le conseil. Pourquoi rater, volontairement, une telle opportunité ? Non, pour moi, cela ne fait pas de sens. La gazette est peut être mal informée, mais pas menteuse sur ce coup-là.

Elle croisa ensuite les bras, considérant la question qui lui était posée avant de laisser siffler un soupir entre ses lèvres.

- Je n'en sais rien. Je n'ai pas peur, ça n'est pas ça, mais disons que je ne suis pas certaine d'avoir été convaincue. D'ailleurs, je ne sais pas si moi même j'ai convaincu. Personne ne m'a adressé la parole là-bas.

Il y avait aussi qu'elle perdait un peu foi en la cause sorcière car elle estimait que la bêtise pathologique des siens avait plus tendance à l'éloigner de ses objectifs personnels que l'inverse, mais elle se passa de tout commentaire en la matière.

Jo passa en coup de vent, sa brosse à dents à la main.

-Scusez...

Il disparut à l'autre bout du couloir.

Johannes était évidemment passé pendant un bref instant de silence et n'avait donc rien entendu de compromettant, les deux jeunes gens s'étant, de toute façon, volontairement mis à l'écart pour éviter ce genre de mégardes. Celonia ne lui adressera qu'un regard qui flirtait entre le dégoût et le plus inquisiteur des jugements avant de revenir vers Jude une fois son aîné disparu.

- Hum... Je ne crois guère en cette hypothèse, la mienne me paraît plus plausible, mais c'est possible.

Elle hocha les épaules. Cela ne servait à rien de débattre car, de toute façon, la vérité ne leur sera pas dévoilée ce jour. La jeune Harpis n'aimait pas jouer avec des spéculations. Le reste des paroles de Jude lui arrachèrent un sourire un brin désolé, chagriné. Effectivement, elle estimait, elle aussi, avoir dépassé les attentes qu'on avait pu poser sur elle, ce soir-là. Toutefois, cela ne changeait pas son opinion relative aux lucioles. Cette histoire avec James avait ébranlé la confiance qu'elle vouait à l'organisation et faute d'une explication convaincante, elle demeura très méfiante.

- J'ai agi pour moi. Je voulais éviter le danger, alors j'ai établi le meilleur plan possible pour que ma vie ne soit jamais mise en péril. Vous avez simplement bénéficié de ma prudence.

Une façon de dire que Celonia s'était, surtout, souciée d'elle même, ce soir-là.