Maître du Jeu
Manoir de Woolsthorpe, Lincolnshire
Lun 29 Avr 2024 - 14:20
— Miss Ayscough, permettez moi d'appuyer le percepteur de votre fils, que j'ai reçu en ma demeure et avec qui nous avons longuement conversé. Sa place n'est guère aux champs. Si d'aventure le prix des études vous inquiétait, Monsieur Strokes vous a déjà proposé d'en couvrir les frais, et j'abonderai son offre d'autant que nécessaire.
Il était venu de Grantham, non loin de là. Depuis son manoir, il avait été sollicité par les équipes d'un établissement scolaire prestigieux de la région pour intercéder en la faveur d'un jeune homme prometteur, que sa mère voulait envoyer aux champs. Du gâchis, selon le bourgeois qui en dépit de son jeune âge, avait déjà intégré les principes des notables le poussant à prendre fait et cause pour les affaires se déroulant dans son territoire d'influence. Miss Hannah Ayscough, à la vie tourmentée, plusieurs fois veuves, avait vu défiler les sollicitations des équipes professorales, puis de ce notable venu de la ville, à propos de son fils qui devait soit disant étudier. Mais soit, s'ils voulaient payer, ils paieraient, et ces fonds serviraient à entretenir la ferme dont personne ne s'occuperait, ou bien la rente de la mère... Hannah Ayscough savait de toute manière qu'elle n'avait dorénavant plus le choix: l'homme en face de lui, aussi jeune et bellâtre d'aspect fut il, avait désormais sa petite réputation dans le comté: il était régulièrement à Londres, et revenait parfois dans le Lincolnshire pour régler les affaires familiales et locales qu'il gérait avec la fougue et l'énergie d'un lion. En somme: il n'était pas de ceux à qui l'on pouvait dire non. Un hochement de tête, et l'affaire fut entendue.
Satisfait, l'homme était ressorti du vieux manoir à l'aspect austère d'un pas tranquille, l'éternel sourire gravé sur son visage jeune conforté par la réussite des négociations. Un coup de vent balaya ses cheveux noués en catogan alors qu'un de ses servants lui tendit les deux lames laissées à l'entrée. Il traversa un grand jardin pour quitter la propriété et s'arrêta devant un pommier sous lequel était assit un jeune garçon plongé en pleine lecture.
— Tu dois être Isaac, c'est bien cela ? Lui demanda l'homme.
Le jeune garçon, sorti de sa lecture, leva la tête puis la hocha.
— C'est cela, Isaac Newton, Sir.
L'homme sourit d'autant plus, et souffla du nez.
— Bien, je... oh !
Il fut surpris par une pomme qui se décrocha de l'arbre, et qu'il rattrapa d'un geste vif, témoignant de bons réflexes. Il la lança au jeune homme, qui l'attrapa.
— Tiens ! Eh bien, disais-je, j'espère que nous entendrons bientôt parler de toi.
Ils parlèrent quelque peu, avant que le notable ne quitte la propriété, non sans un dernier regard vers cet étrange garçon et son pommier...
Il était venu de Grantham, non loin de là. Depuis son manoir, il avait été sollicité par les équipes d'un établissement scolaire prestigieux de la région pour intercéder en la faveur d'un jeune homme prometteur, que sa mère voulait envoyer aux champs. Du gâchis, selon le bourgeois qui en dépit de son jeune âge, avait déjà intégré les principes des notables le poussant à prendre fait et cause pour les affaires se déroulant dans son territoire d'influence. Miss Hannah Ayscough, à la vie tourmentée, plusieurs fois veuves, avait vu défiler les sollicitations des équipes professorales, puis de ce notable venu de la ville, à propos de son fils qui devait soit disant étudier. Mais soit, s'ils voulaient payer, ils paieraient, et ces fonds serviraient à entretenir la ferme dont personne ne s'occuperait, ou bien la rente de la mère... Hannah Ayscough savait de toute manière qu'elle n'avait dorénavant plus le choix: l'homme en face de lui, aussi jeune et bellâtre d'aspect fut il, avait désormais sa petite réputation dans le comté: il était régulièrement à Londres, et revenait parfois dans le Lincolnshire pour régler les affaires familiales et locales qu'il gérait avec la fougue et l'énergie d'un lion. En somme: il n'était pas de ceux à qui l'on pouvait dire non. Un hochement de tête, et l'affaire fut entendue.
Satisfait, l'homme était ressorti du vieux manoir à l'aspect austère d'un pas tranquille, l'éternel sourire gravé sur son visage jeune conforté par la réussite des négociations. Un coup de vent balaya ses cheveux noués en catogan alors qu'un de ses servants lui tendit les deux lames laissées à l'entrée. Il traversa un grand jardin pour quitter la propriété et s'arrêta devant un pommier sous lequel était assit un jeune garçon plongé en pleine lecture.
— Tu dois être Isaac, c'est bien cela ? Lui demanda l'homme.
Le jeune garçon, sorti de sa lecture, leva la tête puis la hocha.
— C'est cela, Isaac Newton, Sir.
L'homme sourit d'autant plus, et souffla du nez.
— Bien, je... oh !
Il fut surpris par une pomme qui se décrocha de l'arbre, et qu'il rattrapa d'un geste vif, témoignant de bons réflexes. Il la lança au jeune homme, qui l'attrapa.
— Tiens ! Eh bien, disais-je, j'espère que nous entendrons bientôt parler de toi.
Ils parlèrent quelque peu, avant que le notable ne quitte la propriété, non sans un dernier regard vers cet étrange garçon et son pommier...
