Salle commune des serdaigles

La salle commune s'était vidée petit à petit laissant Abigail profiter seule de leur cheminée. Il y avait du bon parfois à être préfète, hormis la salle de bain des préfets, elle pouvait errer la nuit ou traîner un peu plus dans la salle commune. Personne n'allait lui faire la remarque. Abigail allait ainsi pouvoir jouer avec sa Particularité, comme elle avait prévu une fois tout le monde couché... C'est le moment que choisit Celonia pour faire son apparition dans la salle commune, fidèle à elle même la jeune fille était arrivée juste à l'heure. Bien évidemment, Celonia, comme toutes les autres personnes qu'Abi considérait un minimum possédait avec elle, un couvre feu aménagé, mais cela faisait plaisir que l'aiglonne n'en abuse pas.

La préfète se redressa sur le dossier de son canapé et accueillit d'un sourire sa camarade.

- Celonia !

La présence d'un autre élève aurait pu l'importuner mais pas celle de l'une des plus fidèles membres du club de divination...

- Cela va mieux en ta présence. Plaisante-t-elle. La jeune femme la détailla pour deviner quel endroit Celonia avait quitté pour rejoindre son foyer. Je mise sur la bibliothèque cette fois !

Ce n'était pas la première fois qu'Abi s'amusait à deviner le point d'origine de Celonia. Même si cela n'arrivait pas tout le temps, sur les fois ou elles se rencontraient tard dans leur salle commune, c'était devenu un de leur petit jeu.

Ce qu'elle regrettait l'époque où "les tours" étaient tenues par Abigail et Eren! Elle savait pouvoir bénéficier de la générosité de la première et n'avait jamais craint le second qui était très certainement occupé à d'autres choses que de surveiller les perchoirs. Malheureusement, l'élection de Dante avait beaucoup changé les choses. Celonia craignait le zèle du garçon et veillait donc, maintenant, à rentrer juste à l'heure.

Le sourire de la préfète lui fut rendu, tout aussi sincère, quoique teinté d'une petite fatigue.

- Il faut bien ! Une année de cours en deux moi, ça ne s'improvise pas.

Abigail savait bien que Celonia préparait ses BUSES aussi sérieusement que possible et, pour cause, elle était concernée aussi puisque les ASPICS l'attendaient déjà de pied ferme. En dépit de tout, il y avait une pointe d'amusement dans le ton de la jeune fille. Elle ne semblait pas particulièrement inquiète et s'amusait de ses propres habitudes. Elle avança un peu pour se laisser tomber dans un fauteuil en face de celui de son aînée. Un léger soupir siffla entre ses lèvres lorsqu'elle sentit ses articulations se détendre enfin, elle avait sans doute un peu trop pressé le pas entre le quatrième et la tour Serdaigle.

- Les cadets n'ont pas été trop turbulents j'espère ? Aslan n'a pas encore glissé sur une peau de banane invisible ?

Elle savait qu'elle sera à la place de son interlocutrice l'année prochaine et appréhendait déjà d'avoir à gérer tous ces petits conflits dont elle se moquait totalement. Elle n'avait pas la fibre patriotique qui animait Abigail, clairement pas.

Elle n'avait pas pris de risque en soupçonnant que Celonia revenait de la bibliothèque. Une élève réputée sérieuse dans une année charnière que celle des BUSEs, il y avait de grandes chances que la Bibliothèque devienne son endroit le plus fréquenté. Celle ci avait en plus été rendue particulière avec ce voyage prévu en Egypte, cela ne les dispensait pour autant pas de cours, les vacances commençaient à partir de Juillet et non avant.

Après avoir secoué la tête pour rassurer sa cadette concernant la turbulence des plus jeunes, Abi ne put contenir un léger rire face à cette histoire qui avait circulé et dont Aslan était malgré lui le personnage principal. Réputé pour être assez discret au sein de sa maison, Aslan arrivait pourtant toujours à faire parler de lui.

- J'ai eu vent de cette histoire, j'ai mis un peu d'ordre pour éviter ce genre de... Elle hésita sur le mot à employer quelques secondes. maladresse.

C'est qu'il s'était tout de même fait plutôt mal.

- Je n'avais pas prévu de créer un enchantement ramollissant les coins de meuble cette année mais s'il le faut...

Plaisante-t-elle concernant cet épisode dont il n'y avait aucun mal à évoquer, tout s'était bien terminé.

La petite plaisanterie de la préfète arracha un sourire, suivi d'un petit roucoulement amusés à Celonia.

- Ce ne serait pas du luxe, oui!

Répondit elle en jugeant l'idée d'Abigail singulièrement innovante, malgré tout. La jeune fille tendit ensuite ses mains vers la cheminée et se frotta doucement les mains l'une contre l'autre avant de fixer Abigail avec une goguenardise chatoyante dans les yeux.

- Septième année déjà... Tu vas me manquer tu sais ! Tu as déjà prévu ce que tu feras une fois diplômée ?

Les paroles de sa cadette lui firent chaud au coeur. C'était le genre de mots qui lui donnait envie de profiter au maximum de cette dernière année et des personnes qu'elle appréciait ici, une fois dehors, le climat serait plus austère... Des sujets beaucoup plus contrariants verraient le jour, c'était la fin de leur vie d'enfant.  

- Ne me dis pas des choses comme ça. A cette heure ci avec la fatigue, il m'en faut très peu pour... La préfète leva les yeux vers la sphère étoilée qui leur servait de plafond, il fallait faire attention avec les gentils mots sans prévenir. Même si elle avait appris à être plus dur, sa carapace demeurait fragile selon les personnes. Tu vas me manquer aussi Celonia. Je regrette un peu que nous ne soyons pas de la même année tu sais.

Car cela ne lui avait pas permis de se rapprocher d'elle comme elle l'aurait désiré. Même si elles n'avaient que deux années d'écart, à cet âge cela restait "beaucoup", l'on créait des liens davantage avec les personnes de sa classe que celles des années inférieures ou supérieures.  Sa question concernant son avenir fut placée en suspens. Ce léger instant émotion ne lui permettait pas pour le moment d'y répondre.

Deux années, un écart anecdotique, surtout pour des sorciers, mais qui était un véritable monde dans ce château à la logique aussi changeant qu'imprévisible. Pour autant, Celonia n'était ni impatiente de le quitter, ni de voir partir les rares ayant réussis à véritablement gagner son affection et Abigail était dans ce lot là.

- Il n'y a pas de raisons ! Lança-t-elle sur un ton aussi chaleureux que jovial, comme pour exprimer son désir sincère de tuer la peine de son aînée dans l'œuf. En plus tu habites à Pré-Au-Lard si je ne dis pas de bêtises ! Si tu ne pars pas de suite, on pourra toujours se croiser là-bas !

Dit elle en ponctuant son propos d'un vif hochement de tête.

Abigail... Elle se souvenait que c'était elle la première aînée à lui avoir parlé après que son voyage se soit si mal passé... C'était elle qui l'avait prise sous son aile, mise à l'aigle auprès des aiglons, elle qui l'avait accueillie lors de cette fameuse cérémonie avec Daniel... Et elle était toujours là, avec son sourire et sa joie. Celonia pouvait être égoïste mais, s'il fallait de nouveau aller secourir son aînée au fin fond de la forêt interdite, alors elle y retournerait, sans hésiter.

- De toute façon, tu ne pourras pas te cacher de moi ! Je viendrais m'enquérir de ton bien être même à l'autre bout du pays s'il faut !

Des paroles rassurantes et bienvenues. Ce départ n'était pas une fin en soit et Abigail avait cette " chance" d'habiter le quartier des réfugiés de Pré au Lard. Cette donnée pouvait encore changer d'ici là, mais rien ne l'empêchait de voir les personnes qu'elle appréciait dans le village magique, de leur payer un thé et de faire d'autres activités que le village leur permettait. Sa dernière phrase ne manqua pas de la faire sourire, un large sourire accompagné d'un soupire amusé, elle ne put s'empêcher de penser à cette nuit d'hiver, ou Celonia avait avant de prévenir toute l'école, veillé sur elle.

- Je crois que je ne peux pas rêver de meilleure protectrice. Elle aurait employé le terme d'Ange gardien si ce terme était connu des sorciers. Abigail se redressa et regarda par au dessus Celonia, derrière le fauteuil dans lequel elle était installée. Je ne me rappelle plus précisément ou tu t'étais cachée ce soir là... Hmmm c'était ici près de ce coffre ou alors là-bas, proche de la tapisserie.

Ou à un tout autre endroit.

Elle secoua la tête.

- Oui, j'étais près du coffre, au début...

Elle fronça les sourcils, réalisant qu'un détail de cette soirée n'avait jamais été rendu public jusqu'à ce jour.

- Mais cet idiot d'Otto Octavius est sorti au milieu de la nuit pour faire je ne sais quoi avec un rat mort, alors j'avais été obligée de bouger. D'ailleurs, quand je suis revenue ici pour donner l'alerte, il était de retour et s'est enfui dès mon arrivée.

Un soupir siffla entre ses lèvres. Et dire qu'elle sera la préfète d'un tel phénomène l'année prochaine ! Entre le cas Horacio et le sien, elle avait du soucis à se faire.

- En tout cas, je suis désolée de pas avoir été rapide ce soir-là. Quand j'ai finalement été en position de lancer un sort, il était déjà face à moi et je savais que je n'avais aucune chance...

Heureusement, Celonia était déjà, à l'époque, suffisamment intelligente pour correctement évaluer une situation et savoir quand une retraite était préférable à un assaut suicide.

Les sourcils de la préfète se haussèrent, même des années après elle continuait d'apprendre certaines choses. Elle regarda Celonia d'un air désabusé, beaucoup de choses se déroulaient au sein de l'école et pourtant elle arrivait encore à être surprise par certains comportements, il ne s'agissait pas néanmoins de bonnes surprises. Avec un peu de chance, Celonia n'aura pas à le gérer longtemps, il allait rejoindre les cancres incapables de valider une seule BUSE.

Abigail n'en avait jamais voulu à Celonia et elle ne lui en voudrait jamais, elle avait d'ailleurs fait le bon choix, face à un adversaire de la puissance de Shane, à des moments bien différents de leur cursus scolaire, il était pratiquement impossible de le vaincre. Celonia aurait pu être grandement en danger si celle ci avait été vaincue.

- Ne t'en fais pas, tu as fait le bon choix, sans l'alerte donnée très tôt, Shane aurait eu le temps nécessaire pour m'amener là ou il souhaitait.

Ce n'est pas un sujet qu'elle appréciait se remémorer mais cela avait pris tellement de place dans sa jeune vie qu'elle était obligée d'y penser souvent. Une partie d'elle était encore dans cette maudite forêt et il lui faudrait encore plus de temps pour s'en échapper.

- Quelle aventure... Je ne comprends pas comment certaines personnes apprécient la forêt et ses risques.

Des suicidaires.

Effectivement, Celonia estimait avoir aussi bien agi qu'elle le pouvait. Elle regrettait simplement de ne pas avoir été en capacité de faire mieux, mais elle avait appris à ne pas être trop dure avec elle même. Les mots du professeur Blackwine et de ses aînés l'avaient aidé à comprendre que, parfois, toute la bonne volonté du monde n suffisait pas et qu'il ne servait à rien de se morfondre.

- Oui, il y a une mode ces derniers temps, on dirait.

Son regard se reporta vers le feu qui crépitait.

- Je me souviens que Jude m'avait proposé d'aller dans la forêt pour y affronter des acromentules sans réelle raison. C'est ce jour-là que j'ai compris que je ne serai jamais sur la même longueur d'ondes que certains dans ce château.

La vie était trop précieuse pour être laissée entre les mains de destinés hasardeuses voire dangereusement téméraires. Lors de l'opération des lucioles, Celonia avait, avant tout, mis sa propre vie en sécurité et elle ne regrettait absolument pas d'avoir agi ainsi.

Une confession qui sembla amuser Abigail le temps d'un instant. Se moquait elle de l'initiative du Poufsouffle ? Un petit peu... Même si elle avait appris à le découvrir, son action était d'une bêtise...

- Quelle idée saugrenue. Fit-elle en secouant la tête, consternée. Il ne faut pas confondre courage et stupidité. Peut être souhaitait il t'impressionner ?

Elle ne connaissait pas Celonia par coeur mais il était évident que ce genre de propositions ne provoquerait rien de positif chez la bleue.

- Hum...

Elle se fendit d'une petite moue qui se voulait sérieuse, mais qui ne parvenait guère à cacher le franc amusement qu'une telle théorie éveillait en elle. Jude ? Pourquoi pas Andrew pendant qu'on y était ?

- Tuer quelques acromentules ne suffirait guère, je le crains.

Gloussa-t-elle avant de balayer la salle commune du regard.

- Peut être devrais je guetter le vainqueur du tournoi de cette année ?

Continua-t-elle, une nouvelle fois en se retenant de ricaner. Si la question du mariage commençait à peser sur son esprit, celle des critères à retenir ne semblait pas être pris au sérieux pour l'instant.

Tuer quelques acromentules ne suffiraient pas et ce même si Celonia avait été attaquée par l'une d'entre elle sous l'emprise de Shane. Sa camarade de maison ne semblait pas moralement touché par cette mauvaise rencontre, un nouvel exemple qui venait éteindre ce cliché que les filles étaient effrayés par les araignées...

La jeune femme avait souri à la réflexion de sa camarade, il lui fallut néanmoins quelques secondes pour deviner ou celle ci voulait en venir. Un sujet qui en grandissant, mûrissait dans les têtes de chacun. Arrivé un moment ou elle devrait partager sa vie avec un homme, fonder une famille. La menace de leur "extinction" rendait ce sujet peut être plus urgent, pourtant Abigail avait du mal à se sentir concernée. C'est qu'elle discutait rarement " garçon" par pudeur d'abord mais aussi parce qu'il s'agissait surtout de discussions de fille qu'elle ne menait pas assez souvent du fait de son entourage majoritairement masculin.

- Pour qu'il ne cesse de raconter ses exploits à longueur de journée... Je crois que je préfèrerai encore les acromentules.

Plaisanta-t-elle.

Il n’en fallait pas plus pour faire appel à la prophétie. Béni par la Dame Grise en personne, Diego Cuevas et son allure soigneusement débraillée, inimitable - son style : hors de contrôle.

- Lé vainqueur? Il est dévant vous mesmoisselles.

Diego laissa couler le sourire humble de celui qu’on attendait plus, mais qui serait bien présent ; pour venir  gâcher la fête et les faux espoirs, le regard franchement désolé de mettre fin au suspens. Il ne pouvait y avoir qu’un gagnant, et ce serait bien lui.

Son minois bascula doucement le côté tandis qu'elle pesait le pour et le contre de se faire conter les incessants exploits d'un potentiel champion et, alors qu'elle s'apprêtait à répondre, un personnage inattendu fit son entrée ; Diego Cuevas. Garçon charmant quand il le voulait bien, il n'en demeurait pas moins que la Harpis se méfiait de ses accointances avec Jude qu'elle jugeait d'un oeil médusé.

- Oh, vous vous êtes inscrit, monsieur Cuevas ?

Demanda-t-elle, souriante voire plutôt heureuse qu'un Serdaigle ait fini par prendre l'initiative de le faire.

- Nous vous encouragerons en tout cas.

Conclut elle avec enthousiasme avant de guetter la réaction d'Abigail du regard.

- Bien soûr. Yé sérais capable dé tout pour notre maisson.

Sur ces mots, il s'inclina légèrement à l'adresse d'Abigail, puis il prit place, et s’appuya avec nonchalance contre l'accoudoir d'un fauteuil. Tandis qu’il rassemblait ses idées, son regard se perdit sur les étoiles du plafond. Une nova, un éclat d'une acuité aux aguets.

- Ma'moisselle Wright et Ma'moisselle Harpis mé féraient l'honor dé mé souténir?Et dé m'octroyer un Prix?... Le cabotin jeta deux regards fortuit par-dessus ses épaules, comme sur le point de leur partager une révélation. Mesmoisselles dévraient pésser leurs mots, car y'ai des bonnes chances d'être choissi.

Alors qu'une discussion discrète se tenait entre deux figures Serdaigle, cela dépendait des points de vue, un élément relativement tolérable rejoignit à son tour le salon de leur zone commune. Le simple fait d'être étranger rendait le profil de Diego atypique. Abigail ne connaissait pas grand chose du Cuevas, simplement qu'il avait un accent mélodieux et un teint basané, des attributs qu'il maniait avec habilité pour charmer. Il n'empêche que même si Diego grandissait, il restait le petit étranger qu'elle considérait difficilement avec sérieux, la preuve avec sa voix qui inconsciemment prenait une tonalité plus juvénile en sa présence, comme si elle s'adressait à un enfant en apprentissage.

- Je n'ai aucun doute sur vos chances de participer.

De gagner en revanche...

- Et si vous êtes amené à gagner alors... La jeune fille jeta un coup d'oeil à Celonia, en quête d'aide pour trouver une récompense, elle vit alors un tableau derrière son épaule. Alors je solliciterai Monsieur Blackwine d'ériger dans la salle commune votre portrait le plus distingué qui soit. En votre hommage.

Sourire aux lèvres, son regard retrouva le latino. Le prix correspondait il à ses attentes ?