Le couloir principal

Ses réticences, enfin plutôt sa prudence à ce sujet, n'était dû qu'à la forme elle-même de cette magie, qui était significativement différente des autres en ce sens qu'elle touchait au concept même de l'âme et de l'esprit. Sans doute le Conseil des Sorciers et/ou bien même Poudlard régulaient son enseignement ainsi que son utilisation. María-Esperanza en était persuadée surtout à mesure qu'elle pensait aux possibles conséquences que cela pouvait avoir, malgré sa naïveté d'adolescente.

-"J'imagine que nous verrons le moment venu ?"

Le moment venu approche ou fait mine, lointain et tout proche comme peut l'être l'autre rive depuis la plage de galets, encore faut il savoir comment s'y rendre et comme le dis si bien la bleue, elles plongeront le jour où les secrets leurs serons accessibles. Pour le moment la lionne as un livre à terminer, des sortilèges à réviser, une crinière à brosser et une faim à combler. Un sourire complice annonce les mots qui suivent:

- J'ai hâte.

L'ouvrage rouvert annonce la prise de congé:

- Bonne chance pour tes révisions et ne manque pas de m'informer de tes résultats.

Un hochement de tête enthousiaste répondit à Nymeria, pour sûr que l'Infante n'y manquerait pas et saluera à son tour la demoiselle de la Rose.

-"Absolument. Et je serai de tout cœur avec toi l'année prochaine quand cela sera ton tour !"

Une promesse était une promesse. Elle s'y tiendrait. Puis María-Esperanza s'éloignera du couloir en suivant.

- Va savoir, il doit bien croupir quelque part à Pré-au-Lard.

D’une main, il frottait sa nuque, l’autre enfouie au fond d’une poche de son veston. Le Gryffondor arpentait lentement le couloir du premier étage. À ses côtés, James Schmidt, son camarade allemand, traînait des pieds, l’esprit encore engourdi par leur récent cours d’Histoire de la magie. Ils avaient un moment de répit avant le repas de midi.

- Peut-être… Mais à ta place, je resterais sur mes gardes, quand même, lança Schmidt, l’air plus soucieux que son compagnon, que l’affaire semblait à peine effleurer.

- Qu’il tente quoi que ce soit, il recevra la même sentence.

L’assurance du Gryffondor, presque arrogante, n’était plus à prouver, surtout lorsqu’il s’agissait de ce genre d’individus.

Les pas des deux camarades résonnaient dans le couloir, tandis que les rayons du soleil transperçaient l'azur du ciel, illuminant les nuages sans en ternir la majesté. Un tumulte léger flottait à l'étage, mélange d'excitation juvénile et de bavardages des plus anciens.

- Ne m’attends pas, lâcha Dante en ralentissant soudainement. Il s'adossa contre un mur, fouillant dans son sac à la recherche de quelque chose. Schmidt l’observa un instant, l’air intrigué, avant de se résoudre à le laisser à ses affaires, et poursuivit sa route vers la Grande Salle.

- À plus tard.

Une présence, d'abord imperceptible, se métamorphosa en un souffle ténu, s'insinuant jusqu'à lui. Instinctivement, il pivota, le corps tendu, les sens en éveil, cherchant à dévoiler l'ombre qui l'avait dérangé pour la mettre définitivement en lumière.

- Qu'est-ce que... !

Ce n'était pas une ombre mais bien tout son contraire : une clarté comme on n'en voyait peu dans ce monde, même dans le monde magique. De grands yeux verts aux longs cils papillonnaient devant Dante avec un air ingénu, ses lèvres pulpeuses d'un rouge étincelant, entrouvertes et figées dans l'instant accentuaient les airs d'enfant de la jeune fille. Et même ses joues empourprées ne permettaient pas de se tromper: c'était plutôt une jeune femme, un peu plus grande que Dante et déjà bien au fait de ses atours: robe cintrée à la taille, bottes aux talons haut. Avait-on seulement le droit de faire tourner les yeux à ce point à Poudlard ? La tendancieuse glissa une de ses mèches d'un blond vénitien derrière l'oreille et toussota.

"Je ne voulais pas te faire peur ! lui lança-t-elle ensuite d'une voix cristalline, comme si Dante n'était pas déjà assez troublé."

Spoiler:

Tout droit sortie d'un tableau magique, elle incarnait une beauté presque irréelle, tant ses traits semblaient ciselés d'une finesse maitrisée. Une allégorie féminine, perturbant sans effort l'instant solitaire qu'il croyait sien. D'abord, son regard se durcit, méfiant, avant de se figer, captivé par cette apparition étrangère. Il n'était encore qu'adolescent, tandis qu'elle paraissait femme faite. Son regard glissa sur l'élégance de sa tenue, aussi raffinée que mystérieuse, dans l'espoir d'y deviner la maison dont elle pouvait être issue.

- Vous êtes bien proche, souffla-t-il en retrouvant peu à peu son sang-froid, bien qu'elle le hantât encore un peu.

- Puis-je vous être utile ?

"Vous... répéta-t-elle avec un petit gloussement. Je me demandais ce que... vous cherchiez dans votre sac."

Elle ne bougea pas de sa place, seule sa tête se mit en branle pour se pencher un peu sur le côté. Rien ne dévoilait la maison d'appartenance de la belle, mais ses traits étaient quelque peu familiers à Dante. Bien qu'il était certain de n'avoir jamais vu une élève de Poudlard apprêtée de la sorte auparavant. Et Dante n'en savait rien, mais James s'était finalement arrêté plus loin pour regarder la "scène".

Dante laissa le silence s’étirer un bref instant. Bien que la jeune femme portât sur elle l’empreinte indéniable d’une beauté frappante, son intrusion soudaine et l’absence de tout uniforme de Poudlard faisaient naître en lui une légère méfiance. Il se redressa légèrement, alignant ses épaules face à elle, tout en essayant de dissiper le trouble qui flottait encore en lui.

— Hélas, cela ne vous concerne en rien, répondit-il finalement, d'un ton plus ferme.

Son regard s’attarda sur sa tenue, l’examinant avec une attention marquée avant de revenir sur son visage. Il se décida alors à poser la question qui le taraudait.

— Vous n'avez pas l'air d'une élève. Puis-je savoir à qui ai-je l'honneur ?

Il ignorait totalement que Schmidt, resté à distance, s'était arrêté, pris par une curiosité inattendue, pour espionner la conversation qui se déroulait sous ses yeux.

Dante savait que les élèves n'étaient pas obligés en tous temps de porter l'uniforme scolaire. Cependant la confusion était possible puisqu'il était midi et donc la plupart des élèves devaient tout juste sortir des cours.

"De quoi ai-je l'air alors ? demanda-t-elle avec une mine attristée."

La première réflexion qui traversa l'esprit de Dante fut qu'elle devait probablement être une assistante, voire une professeure remplaçante.

— Soit vous êtes une élève de septième année que j'aurais pu croiser, car votre visage me semble vaguement familier, soit vous êtes une nouvelle recrue du corps professoral, supposa-t-il avec une lueur d'incertitude.

Un sourire étira ses lèvres et elle vint croiser ses mains dans son dos.

"Échange équivalent ? Vous me dites ce que vous cherchiez, et je vous dirais qui je suis."

Il plongea une main dans sa besace pour en extraire un carnet usé qu'il brandit brièvement devant la jeune femme, avant de le ranger soigneusement dans sa poche. D'un geste du menton, il la désigna, l'air de se préparer à recevoir une réponse.

— Mon journal, une idée m'est venue soudainement, expliqua-t-il avec une légère révérence, l'attente se peignant doucement sur son visage.

Elle fit une moue, semblant déçue d'abord puis son regard s'égaya alors elle gigota les mains toujours dans le dos.

"Qu'est-ce qu'un garçon peut bien écrire dans un journal ?"

Elle en avait oublié sa part du marché ?

— Échange équivalent, vous me devez une réponse d'abord, rétorqua le Schtauffen, jetant un regard furtif autour de lui. Il pourrait sans doute apercevoir au loin l'espion de James, mais il préféra ne pas le révéler. Son attention revint ensuite sur les yeux verts de la belle, son expression demeurant la même qu'il y'a quelques secondes, suspendu à sa prochaine réponse.

"C'est vrai. Un marché est un marché. Je suis Evangeline White, 6ème année de Gryffondor. Alors, votre idée ?"

Elle redressa sa tête pour la faire tomber de la même manière de l'autre côté, et mis ses mains sur ses hanches. Dante eut l'impression qu'elle s'était approchée alors que non. Aussi remarquait-il désormais le parfum délicat de la jeune femme. Et en regardant autour, Dante put aussi voir son ami plus loin ancré là par la curiosité sans doute.

Une élève de sixième année, et apparemment de sa propre maison. Le Schtauffen avait croisé quasi toutes les personnalités chez les Lions, mais cette jeune fille demeurait un mystère. Il plissa légèrement les yeux, comme s'il cherchait à percer un secret, dodelinant de la tête avant de lâcher un léger soupir. Il y avait quelque chose d'inhabituel chez elle, une proximité paradoxale mêlée d'une distance insaisissable. C'était un phénomène troublant, presque envoûtant.

— Hmm... Il la fixa intensément dans les yeux avant de répondre enfin.

— Mon idée était de demander à mon Directeur de maison un tableau enchanté pour sécuriser l'entrée de mon Club avec un mot de passe. Certains élèves de Serpentard aiment semer le chaos lorsqu'il n'y a personne.

Il profita de l'occasion pour poser une question, espérant ainsi confirmer la véritable appartenance d’Evangeline à sa maison.

— Tiens, si tu es vraiment de ma maison, murmure-moi à l'oreille le mot de passe pour accéder à nos quartiers.

Elle fit une moue de nouveau, les yeux levés au plafond tandis qu'il s'expliquait. Puis,lorsqu'il fit sa demande elle les ouvrit grand. Son visage se pencha cette fois en avant et avec son sourcil arqué il était clair qu'elle était perplexe.

"Déjà c'est vexant que vous doutiez de moi, ensuite vous décidez que l'on se tutoie alors que... Enfin ! Vous voulez que je vous murmure à l'oreille...vous me trouviez pourtant déjà trop proche..."

Ses belles lèvres s'étirèrent dans un coin.

"Tu es un garçon joueur numéro 10."

Elle fit un pas en avant.

Le tutoiement avait rapidement pris le pas sur le vouvoiement, une conséquence naturelle de la revendication d'appartenance à sa maison, qu'il considérait comme sa famille. Cependant, la perplexité marquant le visage de la jeune femme n'ouvrait guère à l'apaisement ; au contraire, elle ne faisait qu'approfondir le mystère qui l'entourait. Elle venait d’esquiver sa question avec une réponse encore plus énigmatique que d'ordinaire.

— Je doute, oui, car au-delà d'une brève impression de te connaître, tu ne me dévoiles rien de substantiel, prononça-t-il en croisant les bras, la tête inclinée dans une réflexion méditative, les yeux plissés par la suspicion.

— Les murs, après tout, ont des oreilles, et je préfère éviter que le mot de passe des Gryffondors ne se répande. C'est une précaution bien fondée.

Puis l'étrange réponse qu'elle lui offrit fit naître une confusion encore plus grande. Au début, il pensa qu'elle évoquait un numéro de maillot de Quidditch, mais il s'avéra que ce numéro n'était même pas le sien. Il demeura donc figé, le menton relevé comme s'il l’invitait à un défi, celui de s'étendre en vérité.

— Numéro dix ? Que veux-tu dire par là ?!

Elle avait soupiré un "olala" durant la petite tirade de Dante. Elle ne reprit alors que ses derniers mots avec enthousiasme et curiosité :

"Tu veux me faire croire que tu ne sais pas ? Ou que tu ne t'en es pas enorgueilli ?"

Evangeline gloussa de nouveau.

— Pas le moins du monde, répondit-il avec une honnêteté désarmante, son regard planté dans le sien, sans l’ombre d’une hésitation.

Elle rit encore.

"Peu importe. Je vais devoir te laisser numéro 10, je suis attendue."

— À la revoyure.

Un bref coup d’œil, suivi d’un plissement de sourcils, et Dante prit la décision de quitter l’endroit, se dirigeant vers le couloir pour retrouver James Schmidt, qui l’observait depuis un moment. À peine eut-il rejoint son ami que celui-ci l’accueillit avec un flot de questions.

— Alors, t'avais rendez-vous avec une fille ? Avoue, fripon ! lança James, un sourire malicieux aux lèvres.

— Même pas, répliqua Dante en secouant la tête. Elle est sortie de nulle part pour voir ce que je faisais. Trop bizarre, cette fille.

James le regarda, sceptique, avant de sourire.

— Ah, tu vas me dire que tu la connais pas ? Vous aviez l’air drôlement proches pourtant.

— Je la connais ni de Merlin ni de Morgane ! Elle m’a dit qu’elle était à Gryffondor, en sixième année, et qu’elle s’appelait Evangeline White. Le nom de famille White, ça me dit quelque chose. C’est une famille noble, et y a sûrement des élèves de cette lignée à Poudlard. J’irai demander à l’un d’eux, pour voir si elle fait vraiment partie des leurs.

James haussa un sourcil, l’air amusé.

— Trop louche ton histoire, ça n'arrive qu'à toi ce genre de trucs... Tu finis toujours par attirer les embrouilles, je vais finir par arrêter de traîner avec toi vieux ! lança-t-il en plaisantant.

Dante haussa les épaules, un sourire en coin.

— Arrête un peu ! Allez, on va manger, parler avec des gens bizarres, ça m’a donné faim.