La Dunette

Le serbe esquissa un sourire, puis vint poser sa main fermement sur l’épaule de son frère.

- Ce que tu as dit tout à l’heure, j’aurais tellement voulu le réaliser une fois qu’ensemble, nous aurons envoyés ces batards de l’inquisition dans l’oblivion…

Il serra sa main sur l’épaule de James, puis la relâcha.

- Mais je ne peux dire à mon père…

Il inspira, regarda à droite à gauche qu’il n’y avait de regards indiscrets puis prit un ton de simplet :

- Je vais rester en Grande-Bretagne combattre l’inquisition aux côtés de mon allié Lucian Gaunt pour lequel j’ai déjà égorgé de sang-froid des innocents !

Il souffla du nez.

- Il me faut trouver une meilleure raison, mais quoi ?

Le geste d'Alija, franc, ne faisait que de confirmer ce que James savait déjà. Il savait son frère au croisement entre deux mondes, tiraillé par le choix qu'il allait devoir prendre. C'était logique. Puis la mention de Lucian vint ajouter une raison pour laquelle il valait mieux rejoindre les Balkans que de rester en écosse. Après ce que le Gaunt les avait déjà conduits à faire, que leur réservait-il ? Quel avenir nos encore jeunes serpentard pouvaient-ils espérer ? Les deux frères avaient mis les pieds dans quelque chose de trop sombre, trop jeunes, et se retrouvaient maintenant sous le joug d'une des familles les plus puissantes du monde sorcier. Mais cette épine dans le pied allait devoir être arrachée, un jour ou l'autre. James préférait se concentrer sur le futur proche.

« - Demande-lui trois ans. Trois ans pour te faire un nom au Royaume-Uni et devenir un acteur majeur dans la lutte contre l'Inquisition. »

L'écossais savait son père sévère, mais juste. Il écoutait son fils et souhaitait seulement sa réussite.

« - Si tu restes, je n'irai pas au conseil. »

Lui qui semblait destiner à devenir auror, était évidemment prêt à faire une croix sur cette carrière si une meilleure option s'offrait à lui. Une alternative qu'il avait déjà étudié, pensé, et dont il souhaitait justement parler au Zverotić.

« - Devenons des indépendants. Des contractuels tellement doués, que les grandes familles et le Conseil ne pourront pas se passer de nous. »

Si la nationalité du serbe posait assurément un problème pour son intégration dans le Conseil britannique, être un mercenaire à son compte changeait la donne. Surtout s'il se joignait à un écossais et peut-être d'autres, à terme.

« - Chasseur de créatures maléfiques, sauveur de né-moldus, nous accepterons tout dans un premier temps, afin d'accroître notre réputation. J'estime aussi que Monsieur Lionheart et notre cher professeur De Malpas pourraient nous aider à débuter, à nous faire un nom ou trouver des contacts. »

James avait la chance d'entretenir de très bonnes relations avec les deux, il comptait s'en servir. Le serpentard était certain qu'à deux, aucune mission ne pouvait leur résister. Ils étaient complémentaires, intelligents, doués, mais surtout, confiants : en eux-même d'abord, et en l'autre.

« - Après, on commence à recruter des enchanteurs, des alchimistes, qui viendront, eux, profiter de notre notoriété, et nous de leurs compétences. On élargira le nombre de contrats qu'on peut traiter en même temps, on fera plus d'argent, on accroitra notre réputation. »

La popularité, un concept que James n'avait pas mis longtemps à identifier comme extrêmement important. Il était rentré à Poudlard par la petite porte, malmené dans ses dortoirs et hué dans les couloirs, pour en sortir avec un pouvoir total sur sa maison. Tout avait été vécu aux côtés du serbe.

« - La Main n'était qu'une idée trop ambitieuse d'un gamin de douze ans, un rêve idiot. Aujourd'hui, je te parle de quelque chose de concret. Une vraie organisation, professionnelle, qu'on serait capable de mener et de gérer sans aucuns doutes. Je nous laisse trois ans. Trois ans pour avoir quelque chose de stable, une réputation, et un minimum de recrues. Et avec ça... nous agirons contre l'Inquisition, mais pas sous les ordres d'autrui. Nous garderons le pouvoir sur nos décisions. Nous pourrons agir selon notre libre-arbitre et peut-être même, à terme... Créer une autre bannière que celle des Lucioles ou celle du Conseil. »

Une ambition démesurée, celle de l'Ashworth, celle qui l'avait toujours guidé. Elle lui permettait de se tirer vers le haut, et peut-être ici, d'allumer une nouvelle flamme chez son plus fidèle ami. Deux frères, deux fauves, lâchés dans les Highlands pour accumuler du pouvoir et devenir des grosses têtes. Qu'avaient-ils à perdre ? James espérait être suivi.

- Il y a de nombreuses embûches que tu mets sciemment de côté…

À vrai dire il n’y en avait guère de nombreuses, mais la première avait un nom de taille en Grande-Bretagne : Lucian Gaunt.

- J’aurais du mal à te montrer par des mots ou par des gestes à quel point ce que tu as dit là, me touche.

Il soupira.

- Mais…

Il y avait toujours un mais avec Alija…

- Tu es un orphelin James. Un orphelin doté d’un grand talent pour l’art de la magie, un grand talent qui n’a d’égale que ta vaillance et ton sens de l’honneur…Avec le Conseil, quoi que nous pensions de lui, tu as la possibilité de tracer pour toi et pour ta descendance, un grand avenir.

Son regard empreint de sincérité transperçait celui de James.

- Et je ne peux me résoudre à te le voir risquer, pour un avenir incertains à mes côtés, mon frère.

En effet, le Gaunt était une embûche de taille importante. Tellement importante que l'écossais ne se voyait pas capable de la surmonter seul. Mais ce n'était pas là la seule raison pour laquelle il souhaitait garder son frère à ses côtés, loin de là. Son discours le toucha autant qu'il avait pu être touché de son côté, peut-être même plus, car il était extrêmement rare de voir le serbe s'exprimer de la sorte. Ses mots avaient là beaucoup de valeur. Il soutint son regard et hocha la tête, conscient de la volonté profonde d'Alija de voir James réussir. L'inverse était tout aussi vrai.

« - Cela me touche tout autant. »

Un bref sourire avait déformé ses lèvres alors qu'il prononçait ces mots, sincère. Il était rare qu'ils se confient de la sorte.

« - Je ne te demande pas d'accepter, mais d'y réfléchir pendant l'année qu'il nous reste à passer. Sache simplement que... Je ne vois rien d'incertain dans un avenir à tes côtés. »

James avait déjà perdu sa famille une fois, il n'imaginait pas continuer sans celui qui était devenu son frère au fil des années. Ils trouveraient une solution.

La discussion continua quelques temps, puis le binôme regagna les entreponts puis leur cabine.