La rambarde tribord du pont

Arles regarda d'un côté, puis de l'autre comme s'il s'apprêtait à faire une connerie, et tomba naturellement sur Abigail.

— Tiens donc... Je ne suis plus un élève de ta Maison. Nul besoin de t'assurer de mon bon comportement...

Ironique, c'était désormais lui qui était censé faire la police.

Quelle délivrance, il s'agissait d'Arles qui engageait la conversation, elle ne l'aurait probablement pas fait car trop intimidée et effrayée à l'idée d'embêter un adulte en plein travail ou pas. Elle fut néanmoins rassurée d'avoir été reconnu, cela allait faciliter les choses.

- Je n'ai jamais eu réellement besoin de m'en assurer de toute manière.

Elle sous entendait qu'Arles n'avait jamais eu un comportement problématique.

L'ancien Serdaigle s'affaissa quelque peu. C'est ainsi accoudé à la rambarde qu'il contemplait le large, yeux ancrés dans l'azur méditerranéen et cheveux d'ébène battus par le vent.

— Pas en apparence à tout le moins. J'ai toujours eu une appréciation très personnelle du couvre feu.

Par amusement plus que par le fruit d'une rencontre impromptue, il lui était parfois arrivé de faire tourner en bourrique des préfets qui cherchaient à récolter des points d'une maison rivale. Le jeu puéril de celui qui était sûr de gagner. Car naturellement, aucun des badgés n'avait jamais eu aucune chance contre lui. Le vent nocturne avait toujours été son meilleur allié...

Elle partageait cette appréciation, ce n'est pas elle qui allait le blâmer.

- Je me rappelle... Mais je n'ai pas attendu d'être préfète pour te croiser dans les couloirs à l'heure du couvre feu.

Elle se rappelait notamment l'avoir croisé avant qu'elle ne rejoigne une salle secrète, les premières fondations de son groupe avec ses brats.

- Tu avais une appréciation très personnelle de la cérémonie de répartition aussi.

Ses entrées en plein discours... C'était la seule chose qu'elle pouvait lui reprocher.

— Ce n'était pas moi qui étais réparti.

C'était d'une logique... implacable...

— Et puis les discours étaient souvent les mêmes, dans l'essence... Sans vouloir blâmer ceux qui ont assumé les fonctions dont je n'ai pas voulues, hein...

Arles se prenait le vent en pleine face, ce qui ne semblait pas le déranger. Il avait même l'air d'apprécier. Au moins semblait il apprécier au moins une chose en ce bas monde.

Les discours étaient en effet davantage destinés aux nouveaux, les aînés se retrouvaient très vite habitués, même si Abigail avait essayé de se renouveler, les points évoqués restaient sensiblement les mêmes.

- C'est ce que tu dis aussi à tes supérieurs ?

Elle aimerait bien savoir son comportement désormais face à un ordre plus établi.

— Il n'y a pas de cérémonie tous les deux jours chez les Inspecteurs. Et lorsque c'est le cas... eh bien mon formateur et supérieur a une interprétation tout aussi personnelle des réunions superflues, alors nous partons sur le terrain.

Les petits malins trouvaient de toute façon toujours moyen de gruger, peu importe leur condition.

Abigail secoua la tête puis regarda de nouveau l'horizon. A Poudlard c'était deux cérémonies par an... La rentrée et la fin d'année...

- Tu as trouvé une personne qui te correspond alors.

Si ce manque de discipline ne les empêchait pas d'être efficace comme c'était déjà le cas avec Arles à Poudlard alors pourquoi pas ? Il n'empêche que dans un collectif, les avantages même minimes accordés à certains agents pouvaient faire naître chez d'autres une certaine jalousie.

- Chez les Inspecteurs donc. Vous collaborez souvent avec des spécialistes ?

Sans réelle motivation à manifester une quelconque surprise, un haussement de sourcils se perdit vers le large face à cette formulation étrange.

— Ceux de notre service, oui, ca peut arriver. Tu veux rejoindre les Aurors ?

Elle rigola à la question d'Arles, comme si celle ci était stupide.

- Moi chez les aurors ? Tu as déjà regardé mes performances aux tournois de duel ?

Le boulot d'auror ne se résumait pas à ça, elle le savait mais c'était une bonne excuse pour botter en touche. Si sa voie semblait tracée vers le métier d'Enchanteur Conciliaire, en cette septième année elle redoutait de se retrouver un peu seule à la sortie de Poudlard. Sans en avoir beaucoup discuté avec, elle savait néanmoins que cette branche était celle qui correspondait le plus à James.

La question fut vite répondue:

— Non...

Avait il répondu comme s'il eut été incongru qu'il s'intéresse à cela. Arles restait après tout Arles, en dépit de tout.

C'est bien ce qu'elle se disait.

- Pourquoi tu as rejoint les Aurors toi ?

Simple curiosité pour faire la conversation.

— Pour être utile aux autres, j'imagine. Ce n'est pas comme si je pouvais faire grand chose d'autre de toute façon.

Arlès ne s'intéressait pas à grand chose mais était fort, c'était un choix logique.

« - Abi, je te cherchais. »

La voix vint de leur dos, alors que l'écossais s'approcha et s'accouda à la même rambarde que ses prédécesseurs. Les cheveux au vent, son regard pour sa camarade sur sa droite lui permit alors de reconnaître Arlès derrière, qu'il n'avait jusque-là pas encore identifié. James n'imaginait en fait pas la Wright en pleine discussion avec un agent du Conseil, mais comprenait mieux la situation depuis. Il eût beau chercher, aucun prénom ne se rattacha au visage du Rayne, qu'il ne connaissait que très peu.

« - Oh. Je vous dérange ? »

La réponse d'Arles était sans surprise, Abigail avait imaginé un temps qu'il avait d'autres raisons particulières. S'il en avait, la jeune femme n'était pas assez proche de l'auror à en devenir pour obtenir des informations possiblement privées. Elle allait lui répondre mais une voix qu'elle reconnaissait entre mille vint perturber leur conversation.

Celle de James, positionné sur la rambarde à son tour. Jamais il ne la dérangerait.

- Non, non ! On discutait des Aurors, je me renseigne un peu.

Puisqu'elle n'avait jamais montré un intérêt personnel sur cette branche du conseil, il était possible qu'elle prenne des informations pour James, de la même manière qu'une mère qui s'arrête à chaque stand d'un salon d'étudiant pour l'avenir de ses enfants.

Il se retourna alors, appuyant le bas de son dos et ses deux coudes sur la rambarde, l'indolence gravée sur le visage. A bien y regarder, une paire de gants noire était désormais accrochée à sa ceinture.

- Comme elle dit...

S'il n'aimait pas parler pour ne rien dire, ce n'était pas pour paraphraser ce qui venait d'être dit

Voyant Arles se retourner, il se mit de profil pour leur faire face, laissant un simple coude sur la rambarde. Il était ainsi plus naturel d'entretenir cette conversation. Son regard les avait détaillés et s'était fixé sur la silhouette de l'auror en herbe. C'était évidemment un possible choix de carrière qui attendait le serpentard, et Abigail le poussait d'ailleurs dans cette voie depuis le début. Enquêtait-elle pour lui ? Cela ne le surprendrait pas.

« - Ah, je vois. Excuse-moi d'ailleurs, mais j'ai oublié ton prénom ? » fit-il en fronçant légèrement les sourcils, signe qu'il attendait une réponse.

C'était la moindre des politesses que de le saluer maintenant qu'il l'avait reconnu.

- Arles.

S'était il contenté de répondre avec son entrain habituel avant de lever les yeux vers son royaume.