Salle commune des serpentards

Ivy éclata de rire, un rire cristallin, bien loin de son image froide habituelle. Elle posa son regard sur Henry, amusée par son enthousiasme.

Puis elle se tourna vers Robert.

- Maintenant que tu le dis, j’ai besoin de... Elle fit mine de réfléchir à voix haute et fit la liste des ingrédients dont elle avait besoin.

- Vous pensez pouvoir gérer ça pour moi, les garçons ?

Jimmy opina du chef tel un petit soldat.

- Rien n’est impossible pour moi mademoiselle Ivy!

Henry affichait un sourire goguenard, il semblait déjà s’imaginer tabasser Jude.

Ivy glissa un regard amusé vers Robert. Et continua de booster son égo.

- C’est parfait Robert, dit-elle en lui adressant un clin d’œil. C’est ce que j’aime entendre !

Son sourire s’élargit, elle savourait déjà sa petite vengeance.

Jimmy bugga l’espace d’une seconde, les sourcils subrepticement froncés. Un rire nerveux s’échappa de sa gorge et il se gratta le haut du crâne, ou plutôt de sa brosse à chiotte lui servant de coupe.

- Mon nom c’est Jimmy au fait… mais, euh, tu peux m’appeler Robert si tu préfères ahah ^^

Ivy senti une légère gêne quand elle se rendit compte de son erreur, elle passa un main dans ses cheveux. Elle balbutia :

- Oups pardon Rob…  Euuuh… Je veux dire Jimmy…

Elle eu un rire nerveux et baissa les yeux sur son livre.

- J’espère que tu m’en veux pas trop…

- Ahah non t’inquiètes! Qui pourrait t’en voulo…

Henry semblait ne pas s’importuner de son ami le paon et coupa sec sa sérénade.

- Ouais bref du coup on va te chercher ça, après on lui refile et là on va le fracasser, eheheheheheheheh!

Jimmy ne put s’empêcher de rigoler lui aussi.

Ivy se leva avec une certaine élégance, son livre de botanique sous le bras. Elle jeta un coup d’œil rapide à Henry et Jimmy.

- Moi de mon côté, je vais préparer la potion. Il me faudra un peu de temps, mais quand tout sera prêt, vous pourrez passer à l’action.

Elle ajusta légèrement sa cape et leur lança un dernier regard complice.

- Faites en sorte que tout se déroule comme prévu, d’accord ?

Elle se dirigea lentement vers la sortie, mais avant de franchir la porte, elle se retourna, leur faisant un signe de la main.

- À plus tard, les garçons. Et surtout… amusez-vous bien.

Puis, sans attendre de réponse, elle disparut, déjà concentrée sur la concoction de sa potion.

En cette fin de soirée des plus calmes, il n'y avait pas grand monde pour bafouer la tranquillité qui régnait dans la salle commune des verts. Pourtant, de tous les fauteuils libres, c'était bien celui qui trônait juste aux côtés d'Ivy que James avait choisi pour s'installer. Après un peu plus d'un mois au château, la Gulls avait peut-être pu remarquer l'espèce de hiérarchie qui existait chez ses camarades. Elle avait peut-être eu vent de quelques histoires, des personnes à fréquenter ou non, et de la popularité de chacun. Cela comptait beaucoup à Serpentard.

Contrairement à leur première rencontre, la londonienne savait maintenant que l'écossais n'était pas des plus avenants, ni des plus accessibles. Il était d'ailleurs souvent absent des lieux de vie commune. Cependant, lorsqu'il était présent dans la Grande Salle par exemple, on le repérait vite, souvent en compagnie d'Alija et d'autres rapaces qui volaient autour d'eux pour s'accaparer un peu de lumière. Peut-être avait-elle même entendu parler de Lucian Gaunt et de son cercle, qui pouvait expliquer certaines choses...

Mais James se fichait de ces histoires. Il ne venait d'ailleurs ni pour l'intimider ni pour se pavaner, mais bien car sa première rencontre avec la demoiselle lui avait plu. Cela... Elle n'en savait rien. Son regard onyx s'était fixé sur les mêmes vitraux qu'elle.

« - Bonsoir. » fit-il alors qu'il venait de goûter au confort du sofa, déposant chacun de ses coudes sur les accoudoirs et croisant ses mains de cuir sur ses jambes elles-mêmes croisées.

Ivy, les yeux toujours rivés sur les profondeurs du Lac, senti la présence du James à côté d’elle. Le silence s’installa un petit moment avant qu’il n’ouvre la conversation. Elle esquissa un petit sourire complice lorsque son regard se posa enfin sur lui.

- Bonsoir James.

Ses doigts effleuraient le bras du fauteuil, jouant distraitement avec le tissus. Ses yeux bleus retournèrent vers le Lac, se détournant doucement de lui.

- Je te remercie encore pour l’aide que tu as essayé de m’apporter la dernière fois, mais je n’ai finalement pas eu besoin de parler à Carla.

Lentement, les yeux de l'écossais vinrent se loger dans leurs coins, observant ainsi Ivy sans avoir besoin de pivoter pleinement la tête.

« - Pas encore. » rectifia-t-il, l'air sérieux.

Il laissa un temps de suspens, avant de répondre au fin sourire d'Ivy en arborant finalement le même. Tout son côté taquin se dévoilait là.

« - Plus sérieusement, c'est une camarade très douée qui te permettrait de prendre de l'avance sur ton cursus, et je te conseille toujours d'aller la voir. Au moins par curiosité. » Il prit le temps de réajuster ses gants à ses poignets, dans un toc caractéristique. « - Mais ne te sens pas forcée non plus, ni redevable d'ailleurs. » James n'attendait en fait aucun remerciement de sa part, même si ce dernier venait de lui faire plaisir.

Les reflets du Lac dansaient doucement dans ses iris quand elle rétorqua d’un ton calme mais ferme.

- J’aime faire les choses à ma manière. Mais je vais suivre ton conseil. On verra si c’est aussi intéressant que tu le dis.

Elle laissa flotter ces mots, un petit sourire malicieux effleurant ses lèvres lorsqu’elle reprit.

- En vérité j’étais à la recherche d’ingrédients, mais c’est réglé. Mon père dit qu’il n’y a aucun problème qu’on ne peut régler avec quelques sourires bien adressés et un peu de courtoisie.

James laissa un bref soufflement de nez trahir son amusement.

« - Ton père devait faire un sacré Serpentard... » tenta-t-il au hasard, associant ces paroles à l'hypocrisie ambiante de cette maison si particulière. Avait-il vu juste ?

Ivy afficha un sourire plus franc cette fois et tourna légèrement la tête vers James, une lueur malicieuse dans le regard.

- Tu as fait des recherches sur moi, c’est ça ?

Elle laissa passer un instant, puis, ajouta d’un ton plus léger :

- Tu penses que je devrais commencer à me méfier ?

Son regard resta posé sur lui un moment, une étincelle de défi dans les yeux.

Comme quoi, déjà à l'époque, les chiens ne faisaient pas des chats. Il capta le regard de sa cadette, laissant le silence emplir l'espace comme elle aimait le faire. James appréciait ces jeux verbaux et ne s'en cachait pas.

« - Nous avons la chance d'être ceux dont il faut se méfier, en général. »

Parlait-il sincèrement ou était-ce là une nouvelle pointe d'humour ? Le curseur était volontairement placé entre les deux, mais ce "nous", semblait inclure Ivy. Ce n'était pas une menace.

« - Disons que si tu es capable d'obtenir ce que tu souhaites avec un joli sourire... Tu peux partir du principe que d'autres essayeront. » Il soupira, l'air amusé, comme s'il venait de penser à quelque chose ou qu'un souvenir lui était remonté. « - Il est important d'avoir des gens sur qui compter, de s'entourer des bonnes personnes. Des personnes... Capables de te tirer vers le haut. »

Peut-être qu'il avait plus développé sa réponse que ce qu'attendait la Gulls, mais c'était là un sujet qu'appréciait fortement l'Ashworth. Il avait une vision limpide sur les relations et les différents groupes qui pullulaient dans l'académie.

Ivy, toujours avec ce sourire énigmatique, inclina doucement la tête sur le côté, laissant ses longs cheveux noirs glisser le long de son épaule. Elle prit un moment pour les arranger d’un geste fluide. Son regard, cependant, restait fixé sur James, un mélange de malice et de détachement dans ses yeux.

- Tu parles d’amitié c’est ça ? J’imagine que ça signifie beaucoup pour les gens mais moi je n’y ai jamais vraiment cru.

Sa tête toujours légèrement inclinée, elle le scrutait de son regard de glace, comme si elle cherchait à comprendre s’il voyait le monde de la même façon qu’elle.

- Donner sa confiance en espérant que l’on ne trahira pas le jour où ça deviendra intéressant… J’admire ceux qui osent prendre ce risque.

Ses derniers mots furent prononcés d’une voix plus basse. Comme si elle réfléchissait à voix haute sur ce que signifiait ce concept pour elle.

La vision de la demoiselle était plutôt triste. Elle lui rappelait celle de la Dawson. C’était souvent les moins loyaux et les moins fiables qui tenaient ce genre de raisonnements… Ou bien les plus trahis. Il n’en jugeait pas Ivy pour autant. C’était encore trop tôt pour que James ait une idée de faite sur sa cadette.

« - Qui a parlé de donner sa confiance ? Je préfère voir les choses dans le sens inverse, personnellement. Une confiance se gagne, se mérite, au fil du temps. »

Ses prunelles embrasées ne quittaient plus la demoiselle.

« - Et tu n’as pas besoin de te lier d’amitié pour être bien entourée. L’opportunisme n’est pas un défaut, à mes yeux, encore moins si tu te penses ambitieuse. Il faut savoir profiter de chaque ressource disponible ici pour ne pas finir en un élève moyen qui deviendra, plus tard, un sorcier lambda. »

Cela pouvait sonner arrogant et ça l’était peut-être. James ne se considérait pas comme égal à la masse.

Elle se redressa un peu plus, croisant les bras avec une certaine assurance. Son regard était teinté d’une certaine nonchalance comme si tout ce qu’elle disait allait de soi. Elle appréciait la façon de James de voir les choses, alors elle répondit avec une sincérité glaçante.

- Oui, c’est comme ça que je vois les choses moi aussi. Si quelqu’un m’apporte quelque chose alors je le laisse m’approcher mais je ne donne pas ma sympathie gratuitement.

Elle joua distraitement avec une mèche de cheveux, un sourire amusé se dessinant sur son visage. Un exemple concret venait de lui venir en tête.

- Tu vois Augustus Graam ? Je lui ai rendu service car je sais qu’il est assez intelligent pour savoir qu’il devra faire pareil plus tard.

Ivy laissa échapper un léger rire, amusée par la suite.

- Henry Blue et Rob.. euh Jimmy Proton c’est une autre histoire. Ils sont moins malins qu’Augustus. Je peux les utiliser sans avoir à donner autre chose qu’un joli sourire et des compliments par ci par là.

Elle fini par hausser les épaules, elle était arrivée à une conclusion simple. Elle parlait avec une légèreté presque déconcertante.

- Finalement il y a deux types de personnes, les Augustus et les Henry et Jimmy. Mais on peut toujours obtenir ce qu’on veut de quelqu’un.

Le regard aux pupilles de charbon naviguait entre les différents signes que lui envoyaient sa camarade. Il observa un instant l'index de la demoiselle s'orner d'une chevelure aussi sombre que la sienne, avant d'être rappelé par l'éclat d'un rictus qui semblait sincère. Il s'attardait sur les détails, les imprimait en lui et tentait de déceler ce qu'ils pouvaient bien cacher. James n'était pas du genre à dissimuler son intérêt. Ses yeux de jais, fixés à la vipère sans gêne aucune, le trahissaient peut-être.

Ses lèvres s'entrouvrirent et laissèrent apparaître une partie de ses dents dans un sourire presque charmeur, alors que sa tête s'agitait dans un hochement de tête négatif.

« - Le monde serait bien plus simple s'il n'était composé que de Graam ou de Proton. »

Cela ne sonnait pas vraiment comme un compliment à leur égard. Jugeait-il là leur intelligence ? Assurément, et si certains modestes n'osaient s'exprimer sur ce genre de sujets, ce n'était pas le cas de l'Ashworth. Il s'estimait bien évidemment différent d'eux.

« - Plus fade, aussi. »

Ses mains s'étaient décroisées, et les doigts de sa dextre jouaient maintenant sur l'accoudoir dans un rythme régulier. Il attendait. Qu'elle reprenne ? Qu'elle se corrige ? Ou bien qu'elle comprenne ce qu'il insinuait ? C'était, en tout cas, à elle que revenait la parole. Les prunelles de l'Embrasé ne l'avaient pas quittée.

Ivy se pencha légèrement vers James, ses yeux bleus fixés sur lui avec une curiosité qu’elle ne cherchait même plus à masquer. Pendant un instant, elle garda le silence, laissant son regard perçant glisser sur les traits de son aîné, cherchant quelque chose dans ses expressions. Elle avait cette habitude de classer les autres, de les comprendre rapidement, mais avec James, chaque tentative échouait. Il échappant constamment à son analyse. Le déclic ce fit quand elle observa son sourire, James était comme elle, il semblait les distribuer comme des récompenses. Alors en miroir, Ivy lui rendit le même sourire charmeur, presque complice.

« Non, heureusement, il reste quelques personnes comme nous. »

Ce « nous » n’était pas anodin. James l’avait utilisé un peu plus tôt, et elle comprenait désormais pourquoi il lui échappait. Ils étaient faits du même bois, deux êtres aussi froids et distants l’un que l’autre. C’était précisément cette incapacité à le classer qui lui faisait comprendre leur ressemblance. Alors que cela aurait pu la frustrer, Ivy se sentait étrangement curieuse. James n’était pas comme les autres garçons qu’elle pouvait manipuler facilement.

S’il lui paraissait peut-être froid, les réponses d’Ivy soufflaient pourtant sur les braises chaudes de son intérêt qui grandissait au fil de la discussion. Ses yeux sombres contrastaient avec les étincelles qui brillaient d’une intensité rare en leur sein, et cette chaleur que dégageait son regard contrastait à son tour avec le masque qu’il portait bien souvent. Ses gestes, son apparence, le ton qu’il employait ou même ses mimiques… Tout chez l’Ashworth semblait pensé, préparé. Il brulait d’un feu qu’il avait appris à maîtriser. L’adolescent n’avait plus rien à voir avec l’enfant qui avait un jour découvert cette salle commune.

Le silence pesa, le temps qu’il lui avait fallu pour jauger sa camarade.

« - Je vais te pardonner cette arrogance... »

Contrairement aux mots qu’il avait employé plus tôt à l’égard des Graam et des Proton, Ivy put le sentir un brin taquin, joueur, et son sourire non-dissimulé trahissait cette intention. Les pensait-il égaux ? Faits du même bois ? Cette réponse, il ne lui fit pas le luxe de la lui offrir.

« - T’estimes-tu ambitieuse ? » reprit-il alors, comme s’il souhaitait en savoir davantage avant de prononcer son jugement.

Ivy resta un moment silencieuse, réfléchissant à la meilleure réponse. Son regard resta cependant fixé sur celui de James comme si elle y cherchait une réponse qu’il ne voulait pas lui donner. Il semblait vouloir la sonder, sa question avait tout d’une évaluation. Elle aurait voulu répondre sans trop en dire, dévoiler uniquement ce qu’elle avait envie. Mais cet échange particulier, avec les profondeurs du Lac Noir comme seul témoin, appelait une réponse sincère.

- L’ambition est la seule chose qui me fait rester ici. J’ai abandonné beaucoup de choses pour venir dans ce château et sans ambition je n’aurais pas tenu longtemps.

Elle fit une pause, son regard quitta celui James pour observer un instant les ombres dansant sur les murs de la Salle Commune. Alors qu’elle se réinstallait confortablement dans son fauteuil, elle repensa un peu à sa discussion avec Danior. L’ambition était finalement ce moyen qui lui permettait de ne pas simplement subir sa présence ici.

- Est-ce que c’est ce que tu voulais savoir ?

Ivy esquissa un petit sourire, presque imperceptible, en réalisant que c’était la deuxième fois qu’on réussissait à la faire parler de ce sujet.

Pensant qu’elle avait peut-être vu quelque chose, ou quelqu’un, James s’était tu le temps de mimer sa camarade. Son regard observa la pièce et les alentours, revenant à la Gulls après un nouveau silence qu’il aimait laisser vivre.

« - En partie, oui... »

Cette conversation l’amusait autant qu’elle l’intéressait. Ses yeux se plissèrent légèrement, cachant quasiment tout du plaisir qu’il prenait à échanger. Il était évident que le choixpeau ne l’avait pas menée ici par hasard. L’ambition faisait partie de chacun d’entre-eux… Mais ce qui intéressait vraiment l’Ashworth allait au-delà d’une simple volonté de réussir.

Alors, le populaire Serpentard se pencha légèrement en avant, augmentant l’attention qu’il portait à la demoiselle mais aussi le degré d’intimité. Il ne souhaitait plus effleurer la surface.

« - Quels sont tes rêves, Ivy ? » précisa-t-il alors de but en blanc, fixant l’alchimiste en herbe du même regard de Feu qu’auparavant.

Lorsque James se pencha vers elle, elle fit de même sans vraiment réfléchir. Elle glissa lentement vers l’avant de son siège comme si elle s’apprêtait à lui confier un secret. Ils étaient maintenant suffisamment proches pour que leurs paroles deviennent intimes. Ses yeux bleus, plongés dans ceux de James, brillaient d’une lueur mystérieuse.

- J’ai un rêve. Bien-sûr.

Elle laissa planer le silence un instant, son regard ne quittant pas celui de son ainé, capturant chaque réaction.

- Mais il va te falloir un peu plus de sourires et de courtoisie avant d’en connaitre les détails.

Ses paroles était certes teintée de malice mais étaient suffisamment ambiguës pour qu’il puisse comprendre qu’il n’avait effleuré que la surface de ses secrets.