Le témoignage de James

Les jours passés avaient aidé l'Ashworth à mieux resituer les tragiques évènements du week-end. Si son réveil avait été "facile" et surtout bercé par un sentiment de soulagement à l'égard d'Abigail, plus le temps passait et plus la digestion s'avérait compliquée. Les infirmières avaient pris le temps de l'informer à propos de ses cicatrices indélébiles, des cauchemars dérangeaient souvent ses sommeils et sa tonne de questions demeurait sans réponses tant l'infirmerie n'était pas un lieu adapté à la réflexion. Alors il lisait, recevait de la visite, discutait un peu avec les résidents de son tombeau, puis dormait avant de lire un peu, recevoir de la visite, discuter...  Une véritable boucle. Mais le pire restait son état et sa position, faible et vulnérable. James ne supportait pas d'être pris en pitié, ou pire encore, de ne pas avoir le contrôle. Il n'attendait plus que sa sortie avec impatience.

Un jour comme un autre, sa routine fut enfin brisée par deux de ses professeurs venus l'interroger à propos de la fameuse nuit. L'écossais, expressément peut-être, répondit de manière concise.

« - Alors... C'est le préfet des serdaigles qui est venu nous prévenir qu'Abigail avait été enlevée. Tout de suite, nous sommes partis à sa recherche avec Alija, Augustus a décidé de nous suivre... »

Il soupira. Quels détails avaient réellement une importance ici ? Moins il en donnait, moins l'Ashworth avait l'impression de trahir les camarades qui l'avaient accompagné.

« - Je suis parti forcer la réserve à balais du terrain de Quidditch, de mon côté. J'ai cherché des personnes dehors pour former un groupe et prévenir du monde. Il y avait... Alija, Augustus, William, Dante et Nymeria, c'est tout je crois. Ensuite, je suis parti au-dessus de la forêt et j'ai envoyé plusieurs perriculum pour signaler ma position. On a été rejoint par Maria-Esperanza à ce moment-là. Une fois que j'ai jugé que l'on était assez, j'ai mené le groupe... Jusque là où je pensais que Shane était. »

L'écossais vint se gratter le sourcil à l'aide de son index droit, ganté.

« - Nous avons commencé à traverser la forêt interdite, d'autres nous ont rejoint comme Celonia par exemple, et nous sommes tombés sur un feu de camp, comme prévu. Nous avons décidé de suivre les traces et là... J'ai trouvé la cape d'Abigail, puis après un appel, on l'a entendu nous répondre. Mais juste derrière, une embuscade nous attendait. J'ai été attaqué par une espèce de scolopendre géant qui m'a fauché de mon balai. J'ai combattu jusqu'à ce que Alija, Augustus, William et Dante me rejoignent pour me sortir de là. De l'autre côté, je sais juste qu'une acromentule a attaqué Celonia, mais je n'ai aucune idée de ce qui c'est réellement passé. »

C'était la vérité, certes raccourcie mais certains détails n'avaient pas d'importances aux yeux de l'Ashworth.

« - A partir de là, tout est plus compliqué pour moi car j'étais blessé. Je me souviens que nous sommes arrivés face à Shane qui tenait Abigail. William est parti devant comme une flèche pour tenter de la récupérer sur son balai et... Et c'est là qu'il a subi ses blessures. »

Avait-il besoin d'être plus explicit ?

« - Après ça... J'ai tenté d'aider comme je le pouvais mais je me suis évanoui au bout de quelques instants. Je sais que tout le monde était en train de combattre à ce moment-là. Quand je me suis réveillé, j'étais à l'infirmerie. Voilà. »

Ses yeux voyageaient entre ses deux professeurs, essayant de déceler s'ils étaient convaincus ou non pas son témoignage.

James ne décèlerait rien sur le visage d'Isidor. Mais lui en revanche semblait avoir décelé quelque chose d'étrange dans le récit du serpentard :

- J'allais vous demander comment vous aviez si aisément retrouvé Abarame et Wright, mais vous mettez vous même les pieds dans le plat. Vous avez dit... "Jusque là où je pensais que Shane était". Qu'en saviez-vous, Ashworth ?

Les yeux du serpentard s'écarquillèrent légèrement. Avait-il ainsi fauté ? Pas qu'il ne souhaitait absolument pas en parler, mais il était vrai que James aurait préféré donner le moins de détails possibles sur cette soirée. Était-ce raisonnable de guider ses camarades à la suite d'une expérience si étrange qu'était la pyromancie ? Il ne savait pas vraiment ce qu'allaient en penser ses professeurs. Une grimace précéda sa réponse. Sa dextre serait venue gratter l'arrière de son crâne si se contorsionner ainsi ne lui provoquait pas quelques douleurs.

« - Ah ça, professeur... Pour faire simple, j'avais des raisons de croire que Shane était allé au club de divination. Quand je suis arrivé là-bas, il n'y était pas mais il y était passé. J'ai récupéré quelques-unes de ses bestioles, une écharpe d'Abigail et... J'y ai mis le feu. Je ne sais pas mais je sentais que c'était la chose à faire, je n'avais pas d'idées et j'ai suivi mon instinct. »

Le populaire serpentard ne souhaitait surtout pas passer pour un weirdo.

« - Enfin bref, je me suis servi de ça pour faire de la pyromancie. Et là... Là j'ai vu. Enfin, j'ai vu, j'ai senti, je ne saurais pas le décrire exactement. C'était... »

Une pointe d'excitation dominait maintenant l'adolescent qui réalisait ce qu'il avait accompli, ressenti. On pouvait sentir une certaine passion, mêlée à des tonnes de questions dont il n'avait lui-même pas les réponses. Mais l'adolescent s'en rendit compte de lui-même et se calma.

« - Je les ais vu descendre la tour d'astronomie. Je les ais vu rentrer dans la forêt interdite, marcher. Je les ai même entendus parler autour du feu... J'étais le feu. »

Il déglutit. C'était la première fois qu'il mettait des mots sur son expérience, et ses yeux plantés dans la vide trahissaient sa propre incompréhension.

Seulement, le moindre geste un peu ample lui était douloureux, et même parler était assez difficile en soit. Il put néanmoins le faire, et les antalgiques distribués par l'infirmière aidaient. Le récit de James fut accueilli par un silence durant lequel Lionheart semblait réfléchir, il regarda son collègue.

- C'est quand la dernière fois qu'un élève a développé un don de divination Néarque ?

Ce dernier avait en vérité peu de chances de le savoir, il n'était pas professeur de Poudlard depuis très longtemps. Mais il savait bien que c'était extrêmement rare et cela faisait de James un joyau encore plus rare. Il revint assez vite à James après une éventuelle remarque de De Malpas :

- Nous en reparlerons. Il secoua la tête et : J'ai deux questions Ashworth : pourquoi ne pas avoir cherché à avertir un professeur ? Et que saviez-vous de Shane Abarame avant cette nuit ?

Un don de divination ? James ne savait pas quoi en penser. Il ne savait même pas quoi penser de son affinité avec les flammes, en fait, et déjà d'autres questions germaient aux confins de son esprit. Son regard revint à son professeur de défense contre les forces du mal.

« - J'ai dit aux élèves que j'ai croisé de prévenir des professeurs. Je sais que j'aurais dû le faire moi-même mais j'avais peur pour Abigail, peur qu'il l'emmène ailleurs et qu'on perde leur trace. Pour ce qui est de Shane... Il tournait autour d'Abi depuis un moment. »

"Abi", réflexe du garçon qui montrait leur proximité au professeur qui devait déjà la connaître.

« - Il est d'ailleurs allé au bal avec elle. Il nous regardait tout le temps bizarrement... Je sais pas, je le voyais comme un serdaigle quoi. »

Ses professeurs voyaient-ils se qu'il voulait dire ?

Isidor avait brièvement arqué un sourcil à la conclusion de James. C'est tout ce qu'il obtint de "complicité" avec Lionheart...

- Soit. Dernière question: que savez-vous des circonstances de la mort d'Abarame ?

L'énonce de la mort de Shane ne sembla pas surprendre ou mettre l'adolescent mal à l'aise. Il secoua la tête, pressant ses lèvres les unes contre les autres dans un air de vouloir dire "je ne sais pas".

« - Je n'ai pas encore eu l'occasion de vraiment en reparler avec mes camarades. Moi... Je suis tombé inconscient au moment où il s'est fait frapper par des sortilèges. Il y avait Alija, Dante, Abigail et Augustus qui le combattaient à ce moment-là. »

James ne semblait pas mentir, mais c'était à ses professeurs d'en juger.

- Bien. Reposez-vous bien Ashworth, vous ne voudriez pas prendre du retard sur vos camarades.

Et ils s'en iront si De Malpas n'a rien à ajouter.

Ainsi se conclut cet échange. James espérait ne pas avoir commis d’erreur quant à son témoignage. Il faisait confiance en ses deux professeurs et n’avait en soi pas menti, simplement omis quelques détails qui auraient pu être compromettants. Les dernières paroles de Néarque firent validées d’un hochement de tête, tandis que sa main droite récupérait l’enveloppe. De nature méfiante et prudente, James ne souhaitait pas non plus que ses capacités deviennent publiques. Il aura remercié ses précepteurs et accompagné leur sortie du regard.

Une fois seul, James découvrit le contenu de l’objet transmis par son professeur de Divination.

James découvrir deux morceau de parchemin qui ne lui étaient pas familier au premier regard,  mais le premier qui était le plus grand s’avéra bien plus familier qu'il n'y paraissait, c'était le devoir qu'il avait rendu lors du premier cours de divination de premier cycle :

James Ashworth, élève de première année.

Depuis petit, les adultes m'ont toujours qualifié comme têtu et téméraire. Des traits hérités de mes parents, le premier de ma mère et le second de mon père. Cela m'a apporté beaucoup de problèmes et de disputes. Récemment justement, alors que j'étais à Pré-au-Lard, un ivrogne qui se donnait en spectacle s'est fait attaquer par deux membres du Conseil des Sorciers. Au lieu de rester à ma place, j'ai agi avec instinct et j'ai tenté de le défendre. Évidemment, tout cela s'est très mal fini et j'ai eu honte. Honte d'avoir agi alors que je n'avais pas les armes pour gagner ! C'était bête et idiot de ma part !

Pas plus tard qu'il y a quelques heures, dans le Grand Hall, des élèves se sont moqués de moi. Alors que je m'étais promis de ne plus jamais agir bêtement, j'ai riposté. Ils étaient trois, moi tout seul, tout s'est évidemment mal terminé. Et exactement comme à Pré-au-Lard, j'ai eu honte ! A ce moment-là, j'ai brisé une promesse que je m'étais fait à moi-même. Je n'ai retenu aucune leçon du passé, alors que tout cela n'aurait pas eu lieu si j'avais utilisé le passé pour prédire ce qui allait se passer.

Mais la prochaine fois je saurai que je ne dois pas agir comme un idiot. Le passé me servira donc à anticiper et modifier le futur !!

L'écossais trouvera ensuite sur le plus petit des morceau de parchemin, le message suivant :

Ashworth,

La consigne suivante correspondra au devoir de Divination que vous devrez me rendre une fois votre période de convalescence échue. Questionnez-vous : Qu'est ce que le James Ashworth de 1ère année aurait pu écrire sur le James Ashworth de 4ème année et son "héroïque" et surtout téméraire escapade en forêt qui a faillit se solder par sa mort ? En suite, après avoir rédigé votre devoir et je n'en doute pas, longuement réfléchit sur ce que vous pouvez tirez de ce devoir pour votre future, vous allez simplement m'écrire un bref compte-rendu de vos réflexions.
Bon repos.

Néarque de Malpas.

Dès sa sortie de l'infirmerie, James sera allé glisser une enveloppe sous la porte du bureau de son professeur de Divination. Une fois ouvert, le paquet révéla deux parchemins sous forme de lettres. La première était son devoir de Divination, fait avec sérieux et un effort certain sur l'écriture. La seconde, peut-être plus intéressante car moins scolaire, était le compte-rendu de ses réflexions menées durant son séjour à l'infirmerie. Il était extrêmement rare que James ne livre de son intimité, mais il avait ressenti le besoin d'être franc envers son professeur qui avait cet étrange don de paraître omniscient lorsqu'il le souhaitait.

Je m'appelle James Ashworth, j'ai quinze ans et je ne peux m'empêcher de plonger dans les profondeurs insondables de la réflexion, de ces abysses où mes peurs se mêlent à mon insatiable ambition. La réalité incontestable est que, dans ma témérité à défier ceux qui s'en prennent à moi, ou à nous, j'ai bien failli précipiter ma propre fin, risquant ainsi d'anéantir toutes mes ambitions et aspirations futures.

Il y a eu un moment, une bifurcation dans mon existence, où j'ai, d'un côté, commencé à ressentir cette peur acide, mordante, celle qui te serre le cœur et te glace le sang, m'envahissant jusqu'aux tréfonds de mon être. Puis d'un autre côté, j'ai développé une certaine fascination pour cette même phobie qui me terrorisait jusqu'alors. J'ai l'impression que désormais, ma quête de devenir quelqu'un réside dans les réponses que je trouverai dans cette ambivalence. Je vous fait part ici de maux profonds, de purs jets de ma conscience que je ne sais pas encore mettre en forme comme je le souhaiterais. Cette brèche est aujourd'hui une faille exploitable, un reliquat du passé me poussant parfois au doute, ébranlant ma confiance.

Pourtant, je tire une fierté indéniable de ma capacité à diriger, à être le guide même dans les moments les plus difficiles. J'ai su, dans un élan de lucidité et de résolution, guider mes compagnons, les mener sur le bon chemin, sauvant ainsi l'amie qui m'est si chère. Cette réalisation est comme un éclat de lumière, une preuve tangible que ma bravoure n'est pas vaine. Cependant, je dois apprendre à m'en servir à meilleur escient. Ce soir-là, il y avait d'autres choix meilleurs que celui que j'ai fait, des choix qui nous auraient épargné Celonia, William et moi.

Finalement, cette conscience aigüe de ma propre mortalité donne naissance à une crainte lancinante, celle d'avoir des regrets. Des rêves inaccomplis, des paroles non dites, des actions non entreprises - tout cela hante mes pensées. La peur sourde et oppressante de voir mon existence se terminer avant que je puisse accomplir tout ce que j'aspire à réaliser.

Ainsi, entre la peur, la fierté, et cette quête éperdue pour réaliser mes aspirations, je navigue sur les eaux troubles de l'adolescence. Je suis comme pris dans une danse perpétuelle entre le courage et la crainte, entre la force et la vulnérabilité. C'est là que réside la complexité de mon être, une dualité que je suis en train d'apprivoiser, pas après pas, dans cette course effrénée contre l'implacable tic-tac du temps.

James Ashworth
4ème année,
Serpentard.