Re: La Statue des Trois Serpents

Les murs caverneux des tunnels firent venir jusqu’à lui, grâce à leurs échos semblant provenir des entrailles de la terre, des bruits… qui se rapprochaient.

Ni une, ni deux, la lumière de la baguette de Dante s'éteignit, et le jeune sorcier se glissa derrière la statue pour s'y dissimuler le temps du passage. Pourquoi ? Bonne question. Il ne désirait pas être découvert en train de fouiner du côté des cachots de Serpentard, surtout après les récents incidents avec la maison des Verts. La prudence et la discrétion étaient de mise dans ces recoins du château.

Soudain, une lueur entre le verdâtre et le bleuâtre qui s’approche, les bruits qui se révélaient être le claquement répété de bottes sur le pavé, et enfin, une silhouette, grande, drapée des couleurs de la maison du serpent. La silhouette était encore trop éloignée pour que Dante puisse clairement distinguer son visage.

Un silence épais enveloppait le Gryffondor, qui demeurait immobile, fusionnant avec le décor, le calme seulement rompu par les pas de l'inconnu approchant la statue.

La silhouette se révéla alors peu à peu être une jeune femme que Dante ne connaissait pas, sinon vaguement de vue. Aux longs cheveux de jais et aux yeux d’un bleu marin et profond, elle éclairait son chemin d’une lumière très faiblarde, si on pouvait appeler ça une lumière, et tenait à sa dextre une pomme qu’elle croqua d’ailleurs. Elle stoppa sa marche, et vint s’arrêter devant la statue, mâchant ce qu’elle avait en bouche tout en analysant la structure des yeux.

Elle ne semblait pas avoir remarqué Dante, ou faisait très bien semblant.

La première pensée qui traversa l'esprit de Dante, lorsqu'il vit la Serpentard émerger de l'obscurité pour se positionner face à la statue, fut : "Qu'elle est ravissante." L'âge, l'adrénaline de se trouver dans un endroit potentiellement risqué pour lui, et l'excitation de ne pas se faire prendre faisaient battre son cœur à tout rompre. Il se demandait par ailleurs ce qu'elle pouvait bien faire là, à contempler la statue, seule, en revenant d'un couloir présumé abandonné.

Quelques bruits de mastication, une ingurgitation, puis elle range sa baguette dans l’une des poches de sa robe, avec elle la luminosité, avant de s’approcher de la statue, venant déposer sa main sur la gueule d’un des serpents, sa grande taille le lui permettait. Dante était quasiment plongé dans le noir, et ne voyait plus très bien la jeune femme, sa vision obstruée par la statue. Pour autant, il arrivait à discerner certaines choses, sûrement grâce à la courte distance, et le fait que ses yeux se soient relativement habitués à la très faible luminosité.

Le serpent à sa gauche, au milieu, à sa droite ? Une envie irrésistible de lui infliger la plus grande frayeur de sa vie le titillait, mais Dante s'abstint, préférant observer ses agissements. Fort heureusement, le fait de s'être plongé un peu plus tôt dans l'obscurité lui permettait de discerner légèrement les mouvements qu'elle faisait.

Elle s’était approchée du serpent de droite, de là où elle venait. Après quelques courtes secondes, elle fit un pas en arrière et poussa un soupir.

- Plus qu’un an et demi…

Dante eut un éclair de génie, ou peut-être pas ? L'envie irrésistible de lui jouer un tour le saisit. Alors, il se mit à imiter doucement un sifflement à travers sa langue, posant ses dents dessus tout en gardant les lèvres fermées. Il susurra à l'attention d'Artemis, se faisant passer pour le serpent de pierre.

- Ssss- souviens toi...

Il sembla à Dante qu’Artemis papillonnât des yeux - il voyait drôlement bien pour remarquer ça. Ses sourcils se froncèrent subrepticement, et elle pencha légèrement la tête sur le côté, à la manière d’un animal intrigué.

- Hum..? Oui?

- Sss- seule une élue pourra ss-'accorder les ff-faveurs de Sss-alazar. Tu devras te montrer dii-igne.

- Mhhhh, fit-elle, dans une sorte de surprise ébahie, eeet… en quoi cela consiste-t-il, messieurs les serpents?

Dante ne savait pas si Artemis était crédule face à son petit jeu, ou si elle s'y prêtait de manière consciente simplement parce que cela l'amusait. Ses réactions semblaient toutefois assez sincères… Il décida alors de passer la vitesse supérieure pour jauger de son implication.

- Une offf-rande ss-e doit être déposss-ser dans nos gueules... À commenccc-cer par une goutte de ton sss-sang.

Il n'indiqua pas laquelle de bouche réclamait le sang, libre à elle de choisir.

Les sourcils de la reine de Poudlard s’abaissèrent subrepticement, alors qu’elle faisait un pas vers la statue…

- Une seule goutte suffira-t-elle à vous repaître, sieurs serpents?

- Une sss-eule sss-suffira comme première offf-frande.

- Bon, et beh…

Elle leva alors la dextre, index en évidence.

- Am stram gram, pic et pic et colegram, bourre et bourre et ratatam, ce sera toi que je choisis au bout de trois, un… deux… trois.

Son index s’était finalement arrêté sur la tête du centre, dont elle commença à s’approcher.

La voix gutturale du Gryffondor, prétendu serpent de pierre, s'énoncera à nouveau lorsqu'elle déposera une goutte de son sang à l'intérieur de la gueule béante. Celle-ci restant visiblement ouverte.

-Lorsss-sque cela ss-sera fff-fait, afin de sss-sceller la deuxième offf-frande, il te fff-faudra déposer ton catalyss-seur dans une auttt-tre de mes bouches.

Elle aura mordu son pouce à la manière d’un titan shifter, déposant une simple goutte de son sang dans la gueule béante du serpent central, grimpant à celui-ci s’il le fallait. D’un petit bond, elle se reposa alors au sol et écouta la prochaine demande, son sourcil droit s’arquant.

- Mais comment puis-je faire de votre volonté réalité sans catalyseur, sieurs serpents?

Nonobstant, elle s’avançait vers la gueule de gauche, à pas mesurés, sa baguette toujours dans les plis de sa robe - probablement.

- La magg-gie sss-s'occulte sss-sous diverss-ses ff-formes. Il ff-faut parff-fois être prêt à renonccc-cer à quelque chosss-se pour en obtenir les bénéff-ficc-ces...

Le silence s'installa, comblant le vide laissé par les paroles creuses de celui qui semblait se délecter de l'opportunisme de la Serpentard. Artemis, convaincue d'être l'élue, était loin de se douter des plans méticuleux de Dante. Celui-ci la surveillait attentivement, son stratagème se développant peu à peu dans la pénombre ambiante des sous-sols.

Artemis s’approchait donc du serpent de gauche, et c’est un peu tard que Dante se rendit compte que sa voix provenait assez clairement du sol, tout du moins pas d’assez haut pour que quiconque à part un simple d’esprit soit dupe. Ainsi, un simple pas de côté, assez pour désobstruer son champ de vision, et la silhouette du Schtauffen lui était révélée. Sa dextre se leva alors que ses yeux se plissaient légèrement, peut-être pour le voir plus clairement, ou simplement car elle le saluait?

- Salut.

- Sss-salut.

Dante salua Artemis d'un geste empreint de timidité, un sourire embarrassé éclairant brièvement son visage qu'elle put visiblement reconnaitre dans la pénombre. Les entrailles même de la statue semblaient être devenues un refuge tentant, mais le jeune sorcier, résolu à dissimuler son embarras, émergea délicatement de son abri provisoire après un léger raclement de gorge. Il se positionna alors à la hauteur d'Artemis, cherchant à briser la glace sous un trait d'humour prémédité.

- Ai-je suscité ton intérêt avec cette petite représentation ?

Le petit lionceau sortait donc de sa cachette pour faire face au grand serpent, dont les épaules étaient à même hauteur que l’horizon oculaire du rouge. A sa question, Artemis soupira tout en secouant lentement la tête - difficile de dire si elle singeait ou non le dépit.

- Représentation? Dis plutôt que tu essayes de voler les possessions des jolies filles…

- Des ? Je n'en vois qu'une.

Soufflera t'il doucement, laissant son corps s'affaisser contre la froideur rassurante de la statue de pierre. Dans cette école cloisonnée par les préjugés et les rivalités ancestrales entre Gryffondor et Serpentard, Dante ignorait tout d'Artemis. Son nom, son prénom, ses affiliations, tout restait une énigme. Elle n'était qu'une Serpentard, emblème d'une maison dont le simple nom évoquait une rivalité séculaire avec les Gryffondors. Et dans le jeu des préjugés, Dante ne pouvait s'empêcher d'éprouver une méfiance instinctive envers elle. Son expérience des verts l'ayant aussi contraint à agir avec prudence à leurs encontres.

Lui parlait, et elle souffla du nez puis battit le pavé du talon de sa botte droite, machinalement, ses bras se rangeant dans les plis de son ample robe de sorcière aux couleurs de la maison du serpent. Elle en ressortit sa baguette de la dextre, dont Dante ne pouvait apercevoir les détails encore, mais le geste ne semblait pas agressif. Comment le rouge réagissait-il?