La Statue des Trois Serpents

Alija Zverotić arrivait en ces lieux lugubres aux côtés de James Ashworth. Tout deux avaient prit soin de s’assurer ne pas avoir étés suivis jusqu’ici.

Éclairé d’un simple Lumos, l’inséparable binôme avait arpenté les cachots jusqu’à l’emblématique statue des serpentard.

« - Ça me rappelle des souvenirs… » dit-il simplement, se remémorant certaines anecdotes vécues avec son brat à ce même endroit quelques années plus tôt.

James, de son côté, scrutait les environs comme s’il redoutait que Lucian n’apparaisse de nul part.

« - Ou peut-être qu’elle arrive. Ou même qu’elle est déjà avec eux, qui sait. »

Il avait du mal à croire que le Gaunt et la Queen puissent trouver quelqu’un « fou ». Du peu qu’il les connaissait, c’était bien eux les plus déséquilibrés de tous.

Tandis qu’il répondait au serbe, l’écossais faisait le tour du carrefour en éclairant les lieux de son lumos. Il s’intéressa ensuite à son tour à la statue.

« - Ah parce que t’imagines Lucian organiser un jeu de piste ? Peut-être que quelqu’un est parti le prévenir qu’on était là, je sais pas moi. »

James imaginait mal le Gaunt organiser une espèce de « jeu » comme eux pourraient le faire…

« - Attendons cinq minutes, s’il y a rien on fera les chemins, et s’il y a toujours rien, on rentre dormir. Je suis crevé moi. »

Il réprima un bâillement placebo.

Des bruits de pas légers comme le mouvement accordéon d'un serpent, et avec leur mélodie propre se firent entendre. Tandis que le duo tendait l'oreille, une silhouette maintenant familière se révéla aux faibles lueurs de leur lumos.

- Et pourquoi Lucian n'attendrait-il pas patiemment ses honorables invités ?

Il agita sa baguette devant lui d'un geste ample, et une sorte de luciole d'une sinistre lumière verte éclaira son visage et le dévoila entièrement à ses cadets. La luciole se tint près de lui.

James, qui examinait jusqu’alors la statue, se retourna dès les premiers échos de bruits de bas. Ce qui suivit ne le surprit pas vraiment, puisqu’ils attendaient expressément la venue du Gaunt. Cependant, l’écossais se demanda tout de même depuis quand ce dernier les écoutait depuis les ombres. Heureusement, lui et le Zverotić n’avait rien dit de compromettant.

Il envoya un regard au serbe malgré la pénombre ambiante, le genre de regard qui voulait dire « Tu vois, j’avais raison », suite auquel son attention ne se détacha plus de l’ainé.

« - Bonsoir, Lucian. »

Sobre, le ganté ne préférait pas rebondir sur la question du Gaunt qui semblait plus théâtral et réthorique qu’en attente d’une réponse.

Le serbe qui caressait l’une des têtes de serpent avait répondu tac-au-tac :

- Et pourquoi le ferait-il ?

Sa réponse-question réthorique à la question réthorique de Lucian s’était une nouvelle fois entremêlée avec les salutations de James.

Immédiatement après sa réponse, le serbe aura dit au revoir à la tête de serpent en lui tapotant deux fois sur la tête tout en se retournant pour faire face à Lucian. Éclairé par cette lumière verdâtre, sa main sera venue se déposer sur son coeur, suivie par une respectueuse salutation de la tête envers son aîné..

Un lent clignement des yeux répondit à leurs salutations, et puis il s'approcha un peu de la statue avant de tourner son visage vers Alija.

- Les sorciers de votre contrée ont-ils tous la langue aussi caustique, étranger ?...

Il y avait dans la voix de Lucian ce curieux sentiment de... vexation sereine ?

La réponse de son confrère arracha un infime sourire à l'écossais. Lui savait naturellement que son ami n'avait pas compris la question, et sa réponse permettrait peut-être au Gaunt de le deviner. Il préféra demeurer silencieux, laissant la discussion en cours glisser plutôt que d'interférer inutilement.

- Une marque de concorde...

Répéta Lucian d'une voix lancinante. Et puis, il commença à se diriger vers le chemin de droite.

- Mes ancêtres ont façonné ces catacombes il y a des siècles, espérant qu'un héritier digne de leur rang... de leur sang, saurait en résoudre les mystères. J'en ai résolu un... mais les autres m'échappent en dépit des heures, des nuits et des pleines lunes que j'y consacre.

Les yeux plissés du jeune écossais suivaient la silhouette de l'aîné. S'il restait sur ses gardes, connaissant assez son interlocuteur pour le redouter, James sentait le Gaunt différent par rapport à leurs précédents échanges. Plus... Humain ? C'était peut-être le mot. Il détourna le regard pour regarder un des chemins qu'il avait déjà pris tant de fois par le passé.

Difficile de croire que les mythes n'en étaient pas.

« - Alors... Ce ne sont pas que des légendes ? »

James se demandait si Lucian les avait appelés pour quémander leur aide, avoir une vision neuve sur les problèmes qui le bloquaient. C'était maintenant difficile d'imaginer une autre raison pour cette mystérieuse convocation.

- Le légendaire et le réel sont intriqués comme des serpents entrelacés. Il faut s'y frotter et s'y piquer pour espérer démêler le vrai du faux. Comme un pincement pour se défaire d'un doute... à ceci près que la morsure du réel ne nous réveille pas d'un rêve, mais de la vie même, si on n'y est pas préparé.

La lumière flottant autour de lui s'éteignit au geste de sa main, et il s'engouffra dans les noirceurs du corridor Est.

- "Nox est dux meus"... la nuit est mon guide... Venez.

Une référence à cette phrase cryptique inscrite sur le front du Serpent, apparaissant et disparaissant certaines nuits...

Effrayant ou inspirant, le Gaunt savait captiver ses interlocuteurs de part l’aura surnaturelle qu’il dégageait en permanence. Ses paroles, bues par l’écossais, n’exorcisaient pas tout le dégoût que James ressentait à son égard. Il n’oubliait pas le monstre, la Bête, qui sommeillait en lui. Mais un fond de curiosité malsaine le poussait à suivre l’aîné dans les pénombres. Avait-il, de toute façon, réellement le choix ?

Dans l’ombre de l’Ombre suivaient nos deux frères bien téméraires. Plus ils s’engouffraient dans les ténèbres, plus l’écossais sentait ses organes s’alarmer de la situation. Les sens en éveil, James se demandait s’il ne valait pas mieux mettre un terme à cette soirée avant qu’il ne soit trop tard, avant d’être mis au courant de choses qu’il ne valait mieux pas savoir.

Mais un adolescent de quatorze ans avait toujours cette étincelle d’insouciance qui le poussait souvent à commettre des bêtises. Son regard croisa celui du serbe, comme pour s’assurer que ce dernier le suivrait peu importe la destination finale, puis il s’engouffra à son tour dans le passage, derrière Lucian.