Un chemin dans le parc

En marchant jusqu'ici, Noah avait répondu à la question de l'étranger.

- Pas bien plus longtemps que vous je crois... et sur le comment... je crois que mon nom a été un facteur déterminant dans l'intérêt de Monsieur Gaunt. Ou... heu, vous voulez dire ce que j'ai dû faire ?? Aha... Cela alors... Je ne suis pas sûr qu'il vaille le coup de le mentionner ?...

- Ne dit-on pas que la curiosité est un vilain défaut ? Celui des Serdaigles.

Il roula des yeux l'air innocent, puis joignit ses mains derrière son dos sans laisser ses yeux retomber, ils étaient figés sur les branches dégarnies des arbres encadrant le chemin.

- Oh... vous aussi alors ?...

Il avait rit avec Alija, et ne semblait pas prendre plus en pitié que ça - pas du tout en fait, la victime en question.

- Hmmm... Là, je dirais que c'est plus de la soif de savoir que de la curiosité ! Et du coup... pour ce que ça vaut, mes ancêtres sont les fondateurs du Chemin de Traverse. Une ville sorcière au sein même de Londres, la capitale des moldus Anglais !

Il s'arrêta de marcher, regardant en arrière vers James et la Serdaigle qui étaient maintenant loin, et aussi vers sa petite sculpture.

- Tant pis, songea-t-il à voix haute après un soupir. Ah et... nous contrôlons évidemment la ville. En vérité c'est assez curieux que Monsieur Gaunt s'intéresse à moi. En fait, les Gray sont une branche déchue de la famille Black. Les grandes familles dites de Sang-Pur nous méprisent... mais à la fin... je suppose qu'il n'y a que le pouvoir qui compte vraiment. C'est après tout ce que Arcturus Black nous rabâche à chaque rentrée... "Nos pouvoirs sont nos seules certitudes dans ce monde"...

Alija s'il ne l'avait pas remarqué à leur première rencontre, pouvait maintenant en avoir la certitude, Noah Gray était quelqu'un de peu avare sur les mots. Il revient à Alija à la fin de ses explications, et le regarda droit dans les yeux avec cet air candide le caractérisant.

- Oui, ce n'est que partie remise alors ! A ce soir, Alija, et sacrée théorie.

Commenta-t-il finalement avec humour, avant de le laisser partir et retourner à sa sculpture et le "duel" de James.

Recouvert d'un lourd vêtement noir et avec une écharpe presque ridiculement trop grosse pour sa maigre silhouette malgré une taille correcte pour son âge, Aslan s'avançait silencieusement en regardant droit devant lui.  Ses pensées depuis plusieurs jours déjà étant entièrement focalisées sur les derniers événements, le bal de Noël, le golem, une fille de plus qui le ridiculise...

Un sentiment de résignation et de désespoir s'empare de plus en plus du jeune aiglon. Il savait vraisemblablement faire preuve de courage aux moments opportuns comme il en avait fait démonstration par deux fois ces dernières années , mais il était incapable d'être un tant soit peu normal et surtout mature émotionnellement suffisamment pour arrêter de se laisser dominer par son pésimisme et sa maladresse habituelle.  Chose qui à le don de le remplir de frustration, en prouve son petit hurlement de colère alors qu'il donne un coup de pied dans la tête des restes d'un bonhomme de neige innocent. Se croyant visiblement seul...

Alors que le volatile au plumage fuligineux toisait son invocatrice avec circonspection, un cri singulier retentit. Quelqu'un était il en train d'être agressé ? De devenir fou ? Dans un cas comme dans l'autre, la jeune Harpis ne comptait pas se mettre en danger inutilement. Elle tourna la tête en direction du son et aperçut la silhouette d'un garçon. Le corbeau se mit à voler dans sa direction, mais il n'eut le temps que d'entrer dans le champ de vision d'Aslan avant de se désagréger.

La jeune fille continua tranquillement d'approcher jusqu'à ce que son regard incisif ne reconnaisse la silhouette dégingandé d'Aslan. Un froncement de sourcils, le même que celui qu'elle avait affiché dans la salle commune quelques jours plus tôt, se grava sur son visage blêmi par le froid et l'usure que lui faisait vivre la maladie magique qui l'affligeait elle et la plupart de ses camarades.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Lança-t-elle à l'adresse d'Aslan d'une voix qui portait assez pour se faire entendre sans avoir à être élevée outre mesure. Sa petite silhouette se tenait à seulement quelques mètres de l'intéressé et, une fois encore, son regard était braqué sur lui.

Tel Ulysse subissant le courroux de Poséidon et enchaînant malheur sur malheurs pendant deux décennies , le destin semble prendre un malin plaisir d'acharnement contre le brave Aslan.  Son visage se fixe dans un air stupéfait, c'était Celonia ! La même fille avec qui il avait combattu le Golem, la même fille qui aveuglée par les pulsions de haine devant sa mocheté et son air pitoyable avait décider de fuir la salle commune en soupirant. Bien décidé à ne pas se laisser abattre encore une fois par l'acharnement des dieux envers lui Aslan la regarde d'un air déconfit alors qu'il réponds un peu sèchement.

-Rien. J'ai cru être seul, je ne cherche pas à détruire ton espace personnel par ma vil présence.

Dira t'il, rancunié.

Le regard jadéite de la petite Harpis s'écarquilla et une surprise singulière s'afficha sur son minois.

- Ta vile présence ?

Demanda-t-elle, occultant de fait l'animosité témoignée par son aîné. Elle se serait trompée à ce point quant aux motivations de l'aiglon ?

- M..Mais, je pensais que si tu ne parlais jamais en ma présence, c'est parce que ne voulais pas être mis en association avec moi...

Elle pensait dur comme fer qu'après que tout le monde ait constaté son absence du bal et donc, de fait, son absence de cavalier, plus aucun garçon n'oserait lui adresser la parole. Décidément, Azura et Epidia avaient raison, les garçons sont fatigants !

Elle soupira et secoua la tête, éparpillant au passage quelques flocons autour d'elle. Ils sont bêtes, trop bêtes!

Aslan cligna plusieurs fois des yeux , visiblement aussi confus que sa camarade par cette confusion des plus confuses
. Il réajustat ses lunettes, méfiant et demanda après une brève pause, visiblement suspicieux.

-Personne ne voulait aller au bal ? Avec toi ?!

Aslan semble croire à une mauvaise blague.

Pourquoi poser la question ? Est-ce que ça n'était pas assez criant comme ça ? Il devait être de la même trempe que Maria qui s'était faîte un malin plaisir de la torturer juste avant le bal.

- C'est pas la peine de remuer le couteau dans la plaie. Je sais que c'est pour ça que tu n'as pas voulu parler à Abigail l'autre soir quand j'étais là ! C'est perfide, surtout après ce qu'on a traversé !

Si Aslan se posait la question, il savait maintenant pourquoi la jeune Harpis s'était trouvée si loin du bal, elle aussi, ce soir-là. Ironiquement, trop obnubilée par sa propre déception, elle n'imagina pas un instant qu'Aslan eut pu se trouver dans une situation similaire à la sienne.  Pour le reste, elle semblait, manifestement hautement fâchée d'avoir à répondre à une telle question. Elle ferma les yeux et leva le menton en l'air en lâchant un soupir outré. Elle semble sur le départ. Que compte faire Aslan ?

-Hein ?!

Soit elle est une excellente actrice et Aslan se retrouve devant un piège des plus vils et cruels pour des adolescents, soit une sorte de manifestation divine lui tombe dessus .  Mais Aslan est trop méfiant et blackpilled pour croire à une telle chose , c'est pour ça qu'il répondra bien fort en haussant les épaules, toute trace de timidité disparue.

- C'est moi qui devrait te dire ça ! Prétends t'il  Comme si une jolie fille comme toi ne pourrait pas trouver de cavalier. Je ne suis pas un naïf , je comprends et maîtrise les viles manipulations des femmes ! Rugit t'il, c'était la goutte de trop.  C'est vraiment méchant de me faire une plaisanterie comme ça après avoir combattu un foutre Golem de pierre de sept pieds de haut !. Hurlera Aslan rouge de colère devant une moquerie aussi cruelle.

Aslan se mit à hurler des inepties, ce qui prit la jeune Harpis de court. Il ne cessait d'enfoncer le clou et, trop polie pour se mettre à brailler comme lui, ne sut pas répondre comment réagir. Il était rare qu'elle soit témoin de tant d'agressivité et elle se trouva singulièrement apeurée.

- M...Mais je ne plaisante pas... C'est vrai... J'ai même demandé et personne m'a...

Elle balbutia quelques mots, mais ne trouva pas la force de continuer. Ils auraient pu parler calmement, mais ce garçon avait décidé de la prendre à partie encore plus violemment que ne l'avait fait l'infante. Oui, il était encore plus méchant qu'elle, si c'était possible, ce qui la terrifia singulièrement. La jeune fille recula, prête à s'enfuir. Elle était aussi terrifiée que peinée.

Aslan s'arrête net en remarquant qu'il semble faire peur à la fille. Sa colère redescendant aussi tôt que venue, une accumulation de sa solitude, de ses troubles sociaux et de la tragédie avec le Golem sans doute.
-Je suis désolé. Je ne voulais pas être menaçant..

Il recula de quelques pas en levant les mains.  Le visage dévoré par l'embarras.

-J'ai eu une...une vie difficile.

Se justifiera t'il, espérant qu'elle ne vienne pas tarnir encore plus sa réputation déjà plus bas que tombe.

Qu'est-ce qui n'allait pas chez lui au juste ? A peine eut il capté sa peur que son attitude changea du tout au tout. Qu'était elle supposée faire au juste ? Essayer d'être diplomate ? Ou peut être devrait elle lui lancer un Avia et prendre ses jambes à son cou ? Cela risquait d'être difficile... Il était singulièrement plus grand qu'elle et elle était affaiblie par son précédant entraînement... Ce qu'elle en avait marre de sa maison de fous furieux...

- C'est pas grave...

Siffla-t-elle avec une fébrilité qui battait l'atmosphère alors que les paumes de ses deux mains étaient dirigées vers le sol, comme si elle essayait d'apaiser une bête déchaînée.

- Tout le monde est un peu à cran de toute façon... Avec tout ce qui s'est passé, c'est normal.

Elle aurait voulu accompagner ses paroles pleines de mansuétudes par un sourire ou une quelconque mimique enthousiaste, mais elle ne parvint pas à en produire une seule. Pour le reste, elle recula encore de quelques pas, il fallait qu'elle profite de cette brève accalmie pour prendre de l'avance.

Aslan n'a clairement pas envie de faire quoi que ce soit à Celonia. En prouve le fait qu'il ira s'assoir sur une pierre , lentement en montrant ses mains bien en évidence. Était elle vraiment terrifiée à ce point ? Aslan ne comprenait pas, c'était tellement injuste. Il n'avait jamais commis quelconque crime qui mérite un tel châtiment, pourtant quoi qu'il fasse il semble maudit. Son coeur commence à battre de plus en plus vite tandis que sa gorge se noue et les larmes lui montent aux yeux. C'était fini ! Sa vie sociale sera encore pire désormais, cette fille allait raconter des histoires et Aslan passera injustement pour ce qu'il n'est pas...une espèce de résignation profonde de désespoir s'empare de lui alors que Aslan retire ses lunettes en tremblant tournant le dos à Celonia pour cacher son visage sur le point de fondre en larmes .

Contre toute attente, Aslan sembla renoncer... Un peu de la même manière qu'Annie après son combat contre le golem. Alors c'était ça ? C'était au tour de l'aigle de craquer ? Elle avait presque oublié qu'il n'avait pas été là par la suite... Il n'avait pas partagé ce moment aussi insoutenable que solennel qu'avait été le long silence qui avait séparé la fin du combat du moment où le professeur Lionheart avait surgi... C'était donc ce moment là qu'il choisissait pour accuser le coup ? Interloquée et même, fait rarissime, culpabilisée, la jeune Harpis observa son aîné partir s'installer sur une pierre.

Peut être s'étaient ils mal compris ? Elle se souvint des reproches qu'elle avait adressés à Jude quelques jours plus tôt... Ce serait le comble de l'hypocrisie que d'agir comme lui, non... ? Elle ne savait pas trop, mais le petit coup au coeur qu'elle ressentit la força à rester un instant...

Un silencieux soupir siffla entre ses lèvres tandis qu'elle s'approchait de quelques pas de la position d'Aslan. Bon sang que c'était pénible !

- Hey Aslan... Elle avait pris la peine d'apprendre son prénom depuis la dernière fois. Elle leva doucement la main vers le dos d'Aslan mais se ravisa, finalement. Excuse moi si on s'est mal compris... Sache juste que je t'ai trouvé super courageux le soir du bal.

Il valait peut être mieux le laisser seul à ses pensées, à présent. Ainsi, sans rien ajouter, Celonia tourna les talons et partira, sauf si Aslan l'interpelle de nouveau.