La Grande Salle

La jeune fille imita sa consoeur et prit à son tour une bouchée de sa part de gâteau après avoir récupéré une cuillère propre. Délicieux, Abigail se délectait de cette petite sucrerie. Sans Celiona en face d'elle, elle aurait certainement mis de côté ses bonnes manières pour se goinfrer tout en mettant plein de miettes partout.

- J'ai voyagé avec ton ami Jude, Eleanor et....Monsieur Bagamba qui a fait irruption dans notre calèche en plein trajet... Chaque année il s'invite dans une calèche, cette année c'était la notre...

Et Abigail n'avait semble-t-il pas apprécié cette apparition. Leur professeur de botanique avait rendu les conditions de voyage très pénibles... Heureusement cela n'avait pas duré très longtemps.

La bienséance, toujours la bienséance ! Fille de tailleur et sang-pur de surcroît, Celonia savait que certaines choses ne se faisaient pas à table. Toutefois, si elle était partie dans le parc avec cette délicieuse part de gâteau, elle s'en serait donnée à coeur joie elle aussi.

Pour le reste, la remarque sur le professeur Bagamba la fit lever les yeux au plafond. Cet homme avait beau être compétent, elle n'appréciait pas non plus ses clowneries incessantes, d'autant qu'il n'avait même pas l'air de le faire exprès. Malheureusement, autorité du professeur oblige, tout le monde devait faire avec.

- Le voyage a du être éreintent... Je n'ai pas parlé à Jude ou Eleanor depuis la rentrée, ils vont bien ?

Elle avait croisé Jude juste avant son départ à Poudlard, mais ils n'avaient fait que s'échanger quelques commodités. En outre, Celonia sentait qu'un très grand nombre de non dits régissaient leur relation ce qui avait tendance à résumer leurs conversations qu'à un défilé de platitudes.

Et dire que ce cher monsieur Bagamba était de famille avec le directeur de l'école... Enfin c'est ce qu'il revendiquait. Avec son irruption dans la calèche, Abigail n'avait pas eu beaucoup de temps pour discuter avec Jude et Eleanor ainsi elle ne pouvait apporter de réponses précises, juste ses impressions.

- Je n'ai pas pu parler longtemps avec eux mais je pense qu'ils vont bien oui. Jude semblait heureux de me raconter qu'il a reçu un puissant diffindo l'ayant blessé lors d'un duel à Pré au Lard. Bien un truc de garçons...

Ils étaient nombreux à essayer d'impressionner les filles en racontant leurs bagarres magiques alors que ça ne les intéressait pas spécialement.

- Tu connais bien Eleanor ?

La questionne-t-elle à son tour. Puisqu'elle lui demandait de ses nouvelles, elle imaginait que Celiona avait développé un certain lien avec sa camarade de promotion, sa rivale en classe.

La jeune Harpis interrompit un instant son picorage lorsqu'Abigail évoqua la blessure magique subit par Jude. Evidemment, elle n'en savait rien.

- Je n'étais pas au courant de ça.

Elle fronça les sourcils, manifestement contrariée, puis jeta finalement un coup d'oeil à la table jaune avant de revenir à son interlocutrice.

- Il a de mauvaises influences au sein de sa maison.

Dit elle sur le ton de la confidence. Pour elle, rien d'autre ne pouvait expliquer les comportements souvent incompréhensibles de Jude. D'ailleurs, peut être bien que les mystères qui l'entouraient étaient aussi liés à son appartenance à la maison du blaireau.

- J'ai croisé Eleanor quelques fois, elle est assez gentille, mais je ne la connais pas tant que ça ! Dit elle avant de reprendre une bouchée de son gâteau.

- Oh d'ailleurs, j'ai appris qu'elle avait été agressée en fin d'année dernière ! Si tu veux mon avis, je pense que ce sont des membres de sa propre maison. Ils doivent très certainement la jalouser.

Aïe. Abigail espérait ne pas avoir gaffé, elle se rappellait lorsqu'elle avait croisé Jude dans les cachots l'an passé, ce dernier lui avait dit de ne rien dire à Celiona  au sujet de cette punition pour ne pas l'inquiéter. Elle avait oublié pendant les vacances cette conversation. Elle se demandait également pourquoi Jude tenait à garder autant de secrets, si les deux étaient amis il n'y avait aucune raison de se cacher ces petites choses. Elle écouta néanmoins les révélations de Celiona sur les fréquentations de Jude qui seraient problématiques. Cela lui permettait également de cerner un peu mieux sa camarade après sa première année à Poudlard. Visiblement Poufsouffle ne lui avait pas laissé une bonne image, mais elle n'était pas tombée non plus dans l'extrémité comme de nombreux Serpentard ou encore Connor et sa clique.

Si Abi avait surpris Celiona en lui révélant les mésaventures de Jude durant les vacances, sa camarade venait de lui renvoyer l'ascenseur en lui dévoilant qu'Eleanor avait été agressée, fin d'année derrière. C'était à son tour de froncer les sourcils et d'afficher une mine de surprise. Comment était-elle passée à côté de ça ? De mémoire, Eleanor ne s'était jamais absentée et n'affichait aucune séquèle. Cette révélation la força à se focaliser sur Eleanor et laisser Jude de côté dans cette conversation.      

- Quoi ? Mais je n'étais pas au courant non plus... Les frontières du sang disparassaient lorsque des actes de la sorte étaient commis, Abi qui n'avait aucun lien avec Eleanor semblait tout de même touchée pour celle ci. Elle ne méritait aucune méchanceté. Celiona avait sa théorie, Abi avait la sienne. Peut être que certaines personnes ont été tenues au courant de ses origines ?

- Ce n'est pas possible Celiona, Eleanor est vraiment appréciée dans sa maison, ce serait étrange de leur part. C'est une bonne élève, peut être que des élèves qui sont durs avec les Poufsouffle ont voulu la remettre à sa place et la dégoûter de la magie.

Une pointe de colère se faisait sentir dans les paroles de la Serdaigle. Ses émotions parlaient plus que sa raison et peut être qu'Abi, sans s'en rendre compte, utilisait là des mots dangereux pour la Folsham...

Abigail éclipsa rapidement le cas Jude, ce qui n'étonna pas Celonia outre mesure. Par contre, elle sembla singulièrement touchée par ce qu'elle venait d'entendre à propos d'Eleanor, ce qui était plus surprenant. Celonia minimisait clairement la gravité de l'agression qu'avait subie Eleanor. Pour elle, il ne s'agissait que de jérémiades anodine. Toutefois, le fait que son aînée rejette sans détour sa théorie sur une supposée jalousie poufsouffle sembla la déconcerter. Etait-ce possible qu'il s'agisse d'autre chose ?

Qui irait gratuitement agresser une fille pour la simple et bonne raison qu'elle appartient à la maison jaune ? Même elle ne s'abaisserait pas à ça, même en face d'Andrew (quoique...).

- La dégoûter de la magie ? Qu'est-ce que tu veux dire par-là?

Elle s'interrompit un instant, se rappelant d'une conversation qu'elle avait eue avec Ana. "La chasse aux poufsouffles". Le cerveau de l'oisillonne ne fit qu'un tour, il était évidemment hors de question que Celonia n'évoque la conversation qu'elle avait eue avec celle qu'elle considérait presque comme une amie. Toutefois, il faudra qu'elle creuse un peu dans cette direction... Ou non, après tout, qu'est ce qui la forçait à s'y intéresser ?

Elle secoua brusquement la tête, revenant à elle.

- Si c'est pas des poufsouffles, alors la liste de gens qui auraient pu faire ça est longue. Elle hocha les épaules, ça n'était pas à elle de mener cette enquête. Il n'y a qu'à voir le discours de notre nouveau préfet pour se rendre compte qu'ils ne font pas l'unanimité partout.

Ils ne la faisaient pas dans le coeur de la Harpis non plus.

La dégoûter de la magie ? Abigail ne s'était pas entendue parler et regrettait déjà d'avoir prononcé ces paroles. Même si Celiona ne semblait pas constituer une menace pour Eleanor et qu'elle la savait capable de tenir un secret, elle ne pouvait lui partager le fond de sa pensée et expliquer plus en détail ses propos. Mais le mal était certainement fait, Celiona n'était pas bête et elle lui avait donné du grain à moudre. Le mieux qu'elle pouvait faire désormais était de faire preuve d'un courage sans égal et d'ignorer la question de sa camarade de maison. Abigail semblait néanmoins gênée par cette petite bévue. Le mieux pour elle était de se concentrer sur les coupables, mais comme Celiona, avait-elle vraiment envie de savoir ? Elle ne faisait pas partie du cercle d'Eleanor comme Johannes, Ana ou Jude pouvaient l'être.

- Je crois qu'Eleanor a déjà eu des problèmes avec notre préfet et ses accolytes. La liste est longue tu as raison, mais si tu veux mon avis, il vaut mieux rester en dehors de tout ça. Cela n'apporterait que des problèmes à notre maison. Des petites agressions il doit y en avoir tous les jours, c'est juste triste quand ça concerne une connaissance.

Mais peut être que plus tard cela pouvait être elle ou encore Celiona, si rien n'était fait... La jeune fille reprit une part de son gâteau, jugeant qu'elle avait éclipsé la précédente question de Celiona avec brio.

- ... Né sois pas triste Abigail, moi yé sous là.

Suite à une foulée tranquille mais décidée, un certain Diego avait franchit la grande porte et s'etait retrouvé en deux coups de cuillère à pot près du binôme. Réunion de serdaigles improvisée? Debout, à côté de sa camarade de promo, il se fendit d'une révérence d'arsouille.  
Puis, il observa Celonia du coin d'œil.

- Tou m'as manqué cet été, Celonia.

Depuis son épaule pendait une petite sacoche en cuir qu'il couvait sous sa main. Son front, lui, était toujours protégé par une casquette irlandaise qui ne le quittait plus depuis la rentrée.

Que tirer de cette conversation ? Celonia n'était pas du genre à chercher des poux dans la tête des autres. Elle avait compris qu'il semblait y avoir quelque chose entre Eleanor et Abigail et cette expression étrange qu'elle avait utilisée ne faisait qu'amplifier ces soupçons... Mais Celonia n'ira pas chercher plus loin, pour l'instant. Heureusement, Abigail relativisa une conversation qui avait grave besoin de l'être et la jeune Harpis salua ses propos d'un vif hochement de tête.

- Oui j'imagine. Tâchons de rester sur nos gardes !

Conclut elle sur une note un peu plus optimiste. En réalité, Celonia ne craignait pas une agression. Elle était plutôt proche des Serpentards, de ses "contemporains" comme de ses aînés et il y avait toute la petite clique qui lui avait dit de les informer si quelqu'un lui cherchait des noises.

Et, alors qu'elle terminait son gâteau, la plus grande énigme de la maison Serdaigle (après Horacio Weirdeye, peut être) fit son entrée. Sa révérence était à revoir, mais au moins l'effort était là. Toutefois, la remarque de Diego lui arracha un circonspect hochement de sourcil. Elle ne se souvenait pas lui avoir déjà parlé une seule fois en dehors des cours, pas plus qu'elle ne se souvenait lui avoir consacré une quelconque pensée pendant l'été.

- Diego, c'est bien ça ? Demanda-t-elle avec une sobriété trop polie pour être véritablement anodine. J'espère que tu as quand même pu te reposer entre deux pensées !

Et d'un signe de tête à son tour, elle partagea les paroles de Celiona. Protégée par James et Alija, elle ne pensait pas se retrouver un jour dans la même situation qu'Eleanor et subir une agression, mais elle redoublera tout de même de prudence. Il y avait au sein du château des personnes qui pouvaient lui vouloir du mal malgrés tout. D'autres personnes de nature méchante n'avaient besoin d'aucun prétexte pour faire du mal.

Alors qu'elle terminait également de grignoter son gâteau, le jeune Diego fit son apparition sans une once de gêne.  Elle connaissait son prénom non pas car elle s'intéressait à lui, mais bien parceque le grenadien avait un profil atypique et un accent peu commun.  Il lui est arrivé à de nombreuses reprises d'entendre certains de ses camarades imiter  son accent dans la salle commune lorsqu'il n'était pas là.  

Abi regarda dans un premier temps Celiona, peut être qu'il s'agissait de son ami ? Et qu'ils s'étaient donné rendez-vous ? Mais non, elle était loin de la vérité. Tout comme elle, Celiona ne semblait partager aucun lien avec ce jeune individu, ils étaient des simples camarades de maison.    

- Chouette casquette !

Répondit-elle par gentillesse et politesse et aussi car elle ne savait pas vraiment quoi lui dire. Elle souriait également face à ses propos et chercha du regard Celiona, c'est qu'elle était beaucoup appréciée.  

Loin de se douter des manigances ou des faux-semblants autour de ce qui concernait, semblait-il, davantage ses aînés, Diego ne releva rien de cette bribe de conversation attrapée à la volée. Mais pour faire preuve d'élégance et ne pas éveiller encore plus leurs soupçons, il lui fallait fournir un effort s'il voulait remplir son objectif.

- Tou peux m'appeler Dieguito. Et il secoua la casquette sur sa tignasse d'un sourire qui se voulait gêné suite aux louanges d'Abigail. Il reprit, à l'attention de sa comparse du même âge que lui.
Mé réposser? Et laisser tous ses garçons qui té tournent autour mé voler ma chance? Yamais.

Il redressa une dernière fois son couvre-chef, décidément un peu trop grand pour lui, pour prendre place sur le banc, même s'il n'y avait pas été invité. Le petit grenadien avait pris soin de ne pas laisser choir la sacoche dans son dos, non, il la posa avec précaution sur ses genoux. Sourire aux lèvres, il continua comme si rien n'était :

- Rester sour nos gardes dé quoi? Dé qui?...

Il avait réussi, Celonia abaissa son regard un instant en se fendant d'un sourire gracieux. Une réaction discrète, toute en retenue et qui se voulait élégante, mais au cœur sincère. Somme toute, une réaction fort à propos, mais Diego la captera-t-elle ? C'était peut être un peu trop élaboré au goût d'Irène, mais Celonia pouvait être bien des oiseaux, mais pas un perroquet.

- Je suis flattée.

Se contenta-t-elle de dire, regrettant un peu d'avoir mis celui-ci dans le même sac que l'infâme Carlos. Elle n'avait pas oublié pour autant le cours de sortilèges avec Lestrange au cours duquel il avait livré une performance plus que raisonnable.

Distraite, elle se saisit de la première carafe à portée et se versa un autre jus de citrouille. Flûte, il va falloir le boire maintenant.

- Nous parlions des agressions dans les couloirs ! On dirait qu'il y a un petit gang qui sévit en ce moment.

Nul besoin d'évoquer spécifiquement Eleanor. Celonia avait évoqué le sujet auprès d'Abigail car elle pensait qu'elle serait au courant, mais elle ne souhaitait s'improviser en commère. Machinalement, elle proposa à boire à Abigail et, indépendamment de son choix, en fera de même pour Diego.

- Mais j'en peux plus ! Aaaaah...

Une fille pas loin du trio s'étala bruyamment sur la table. Elle s'appuya sur la table avec son menton. Elle avait le regard las, tiré très bas par des cernes profondes, et une moue exagérée, plaintive, qui donnait du relief à ses lèvres pâles et pulpeuses.

- T'as regardé si c'était pas ta baguette le problème ? lui demanda une de ses camarades en face.
- Mais pas possible, elle n'avait aucun problème y a deux semaines... répondit l'autre.
- Tu devrais la faire vérifier chez Bagmag ce week-end, moi aussi j'ai entendu cette histoire de baguette qui consomme trop de magie... ajouta une troisième.
- C'est pas la baguette les fiillles... s'entêta la première.
- On repasse à l'infirmerie demain, et si rien n'y fait on ira à Bagmag ce samedi, c'est pas négociable Dana.

Dana se redressa péniblement.

Aussi loin que Diego puisse s'en souvenir ses premières années dans ce monde ne l'avaient jamais laissé bien loin de la convivialité féminine ; de la pratique du lavoir en Nouvelle-Grenade, aux grandes veillées dans les chambres d'accouchées de Valence, en passant par les confidences à jamais gardées secrètes, sans oublier les crêpages de chignon, qui eux, étaient toujours légitimes. Ici, Diego ne faisait qu'imiter les Don Juan adeptes de la gringue cherchant à s'octroyer les bonnes grâces de sa grande sœur et de ses amies, elles aussi étaient très prisées. Sans quitter Celiona des yeux, bien que touché par son sourire, il ne perdait pour autant pas le nord. Le grenadien n'oubliait pas ce pour pourquoi il était venu.

- Tres yentil à vous. Ma'moisselle Harpis. Il se tourna alors vers Abigail en levant son verre de jus de citrouille, d'un geste solennellement excessif.
Comme dissent les Poufsouffle, il faut partager. Alors...

Il s'apprêtait à révéler le contenu de sa sacoche, pour enfin découvrir de quoi il en retournait. C'est alors que Dana et sa bande les interrompit. Comme Abigail, il se tourna aussitôt vers ce nouveau groupe de Serdaigle. Il observa l'échange sous des yeux ronds, n'ayant aucune idée de ce qui pouvait bien se passer. Une bonne occasion de parfaire son personnage? Il se leva aussitôt, abandonnant une nouvelle fois sa sacoche derrière son dos pour venir aider Dana à retrouver son équilibre.  

- Tout va bien?

Dana n'avait pas perdu son équilibre, elle était assise, Diego n'eut donc pas à l'aider sur ce point.

- Pff, ouais, si vous voulez...

Dana se résignait à écouter ses amies lorsque Diego l'interpella. Son visage fatigué pivota vers le garçon, elle roula des yeux.

- Oui, ça va merci.
- Eh, elle est juste fatiguée, t'en fais pas garçon ! lança l'une de ses amies.

Elles ne semblaient pas enclines à converser davantage avec des cadets, le groupe de filles, toutes Serdaigles donc, semblait avoir environ 15-16 ans.

Quelle horrible invention que le jus de citrouille ! Cette absence de goût, ce vide gustatif, cette occultation des papilles et tant de ressentiments pour ce Rien. Non, définitivement, ça n'était pas pour elle. Heureusement, l'attention de ses interlocuteurs était tournée ailleurs. Abigail semblait s'être tournée vers les grandes qui piaillaient à côté et Diego la fixait du regard. Elle ne savait que faire. Personne ne lui avait jamais dit quelle attitude adopter en une pareille circonstance. Si elle parvenait à attraper Irène, elle lui demanderait, à moins qu'Ana soit également compétente en la matière, qui sait ?

Pour le reste, elle ne parût pas vraiment se soucier des difficultés de ses aînées. Ignorante de ce qui pouvait bien motiver les craintes d'Abigail et n'étant guère aussi versée dans la galanterie que Diego, elle se contenta d'écouter les bribes de conversation qui s'échouaient dans son oreille indiscrète.

- Il y a peut être une maladie qui traîne.

Commenta-t-elle plus pour elle que pour quiconque d'autre. Elle n'était pas compétente en la matière et le cas de cette fille ne semblait pas spécifiquement alarmant. D'un geste las, elle poussa délicatement la coupe encore fièrement pleine de l'engeance citrouillée, elle s'avouait vaincue.

Pas de conclusions hâtives, pas des conclusions hâtives... Se répétait Abigail à elle même dans le but de se rassurer. Néanmoins elle accusait la même fatigue que cette Dana à un degré moins élevé. L'intervention de Diego était une aubaine pour elle qui pouvait par l'insouciance de son cadet en apprendre peut être un peu plus ? Le fait que Dana soit également Serdaigle la faisait cogiter davantage. Cela n'était peut être qu'une coïncidence, il ne fallait pas y voir des liens partout.

Elle finit par se désintéresser de la scène, ne voulant pas se faire davantage de mal. Elle avait initialement entamé une discussion avec Celiona pour oublier ses problèmes et son passage a l'infirmerie qui sans être inquiétant n'était pas non plus rassurant. C'est alors que Celiona prononça le mot qu'elle se refusait d'entendre, une maladie ? Ils n'allaient pas tarder à changer de saison, c'était possible. L'hypothèse de sa camarade provoqua à Abi de fortes chaleurs

- Peut être. Je vais te laisser Celiona, je fatigue. A plus tard aussi Diego !

La jeune fille se leva doucement pour atténuer cette sensation de départ précipité, puis se dirigea en direction de la sortie de la grande salle. Une maladie ? N'importe quoi...

Bien malin celui ou celle qui pouvait déduire avec certitude de la sincérité du deuxième année, tant son excentricité doublée à la force de son accent n'aidaient guère à mieux le percer à jour. Face à l'état douteux de Dana, Diego se tourna vers ses copines, les sourcils froncés et la lèvre molle après le jus de citrouille.

- Elle n'est pas youste fatiguée... Ouhlala. Elle a fait un malaisse! Il faut l'emmener à l'infirmérie mainténant...

Cependant, le commentaire de Celonia l'éloignera aussitôt de Dana, comme si celle-ci était devenue soudainement contagieuse. Abigail se levant de table, il comprit que cela lui faisait un sujet d'expérience en moins pour ce qui était d'Honeydukes. Diego se contenta de lui sourire en la voyant partir, s'admettant à moitié vaincu. Puis il baissa irrémédiablement les yeux vers Celonia. Etait-ce toujours une bonne idée, après ce qu'ils venaient de voir? Un timing mal venue si les précieuses figures volées constituaient un piège, aussi candide soit-il. Et si ce n'était rien d'autre que des friandises, après tout?... Il ne dit rien, et resta coi.

- Mais qu'est-ce que tu ?... Hey, on s'en occupe, t'en fais pas. Allez, laisse nous.

Rétorqua l'amie de Dana, s'efforçant d'être polie face à la compassion excessive et non sollicitée du garçon. Dana quant à elle après un regard de côté à l'adresse de l'hispanique, chercha ses copines pour lever les sourcils hauts avec un sourire mi gêné mi méprisant... Sans doute son état la rendait-elle irritable.

Pour sa part, Celonia ne remettait pas plus en cause la pureté des sentiments de Diego que la gravité de l'état de Dana puisqu'elle se moquait parfaitement des deux. Le départ d'Abigail, par contre, la laissa quelque peu amère en dépit des efforts déployés par cette dernière. Plus le temps passait et plus elle avait l'impression que les gens qu'elle fréquentait et/ou estimait étaient entourés de secrets et déployaient des efforts considérables pour la tenir hors de leur petite bulle. Peut être un peu moins enjouée qu'à l'accoutumée, elle saluera tout de même son départ :

- A plus tard Abigail.

Répondit elle avant de balayer la grande-salle du regard, sans doute à la recherche de quelque chose qui lui échapperait, mais ses pupilles jadéites ne croisèrent que le regard de Diego qui venait de retomber sur elle.

- Je vais remonter en salle commune, tu as quelque chose de prévu ?

A mi chemin vers la sortie, Abigail rebroussa chemin puis se hâta vers l'endroit qu'elle avait précédemment quitté, c'est à dire face à Celiona.

- J'ai oublié mon verre de jus de citrouille !

Un geste anodin, Abigail aimait le jus de citrouille et elle s'en voudrait de le gâcher. Alors elle le récupéra, son geste n'était en aucun cas influencé par ses petits soucis et la crainte d'une maladie...

- Allez je m'en vais vraiment !

Elle partit cette fois définitivement.