Statue de la sorcière borgne

L’Ashworth n’était pas si imposant que ça, tout de même… Il se redressa, tira sur ses gants pour bien les fixer puis tapa sur sa robe de sorcier pour défaire les différents plis qui la déformaient. En se relevant, James sentit la présence pleine d’ondes négatives dans son dos et se retourna, affichant un discret sourire en reconnaissant Maria.

« - Maria ? Ah excuse-moi, tu voulais passer ? »

Il se décala pour lui créer un espace dans lequel elle pouvait s’engouffrer si elle souhaitait déguerpir.

Son agacement, visible, augmenta exponentiellement à mesure que le petit manège du Serpentard dura à tel point que María se demandait même si il ne le faisait pas exprès pour l'embêter, ce qui était réussie en tout cas. Loin de sourire, son visage blafard et ses cernes prononcées, formant des poches noires, étaient autant d'indices que le martellement régulier et frénétique de son pied droit sur les épaisses dalles de pierre de son état.

-"Tu as fini ?! Sérieusement James, il y a les toilettes pour cela et d'ailleurs ils sont au bout du couloir !"

Bien sûr l'Infante, au naturel calme ne pouvait justement crier dans un couloir comme cela.

James fit véritablement choqué. Était-ce Ana sous polynectar qui lui jouait des tours ? Il n’eut le temps d’y penser, car ses sourcils s’étaient déjà froncés et sa réponse envoyée d’un ton acerbe.

« - Mais qu’est-ce qu’il me veut l’elfe de maison ? »

Il ne laissa pas le temps à Maria de répondre. Elle avait réussi à le mettre en colère, lui qui de son côté aussi, souffrait des mêmes maux quotidiens que sa camarade.

« - Tu pouvais pas faire deux pas… Enfin,…»

Les yeux charbonneux du garçon détaillèrent expressément la silhouette de l’hispanique, s’arrêtant sur ses - petites - jambes un instant.

« - Cinq, »

Un sourire de véritable salopard décora ses lèvres quelques secondes.

« - Et passer par l’autre côté ? »

Effectivement, c'est "petit", sans mauvais jeu de mots bien sûr, de la part de son camarade, qui comme tout le monde était bien sûr à cran de cette situation. Cela aussi changeait les perceptions et les caractères, l'Infante se serait écrasée à cet instant et aussitôt tue mais puisqu'elle était lancée ...  

-"Ah très amusant James, vraiment !"

Amusée, elle ne l'était évidemment pas. Fixant son vis à vis, un instant de silence lui fût nécessaire, le temps qu'elle ne cherche une réplique méchante à lui dire mais malheureusement, ou heureusement, rien ne lui vint en tête, l'Infante étant incapable de -réellement- vouloir le mal d'autrui, quand bien même son agacement était présent..

-"Pourquoi t'arrêtes-tu au niveau de cette stupide et immonde statue ?" María pivota vers elle d'ailleurs, le regard mauvais et la tête -légèrement- relevée forcément, des insultes fusant silencieusement à son encontre puisque c'était plus facile pour elle d'y manifester sa colère qu'envers son camarade. "Ce n'est pas un point de rendez-vous ici !"

James avait du mal à croire en la scène qui se déroulait sous ses yeux. La Serdaigle, qu’il aurait imaginé partir en pleurant, lui tenait tête et continuait de montrer son mécontentement. Sa méchanceté n’avait visiblement pas suffi à clore cet ébat.

Étrangement, ce n’était pas pour lui déplaire. Il était d’ailleurs redescendu d’un étage, contrairement à la follasse qu’il observait sans vraiment comprendre. Son coup de sang était passé.

« - Mais j’attendais personne, je refaisais… Je refaisais juste mes lacets ! Mais qu’est-ce qui te prend au juste… »

Le vert papillonna des yeux et secoua la tête, désabusé par cette discussion qui n’avait aucun sens.

« - OH, MARIA-ESPERANZA, CALME-TOI. » ajouta-t-il finalement en haussant le ton, d’une voix qui avait fini de muer pendant l’été, pour faire réagir son interlocutrice qui se perdait à parler toute seule à voix basse.

Son sang latin et les hormones de l'adolescence ... si l'envie de continuer de "hurler" sur James lui était quelque peu passée, l'Infante demeurait à cran, le coup de semonce du Serpentard avec sa voix rauque, en bon samaritain lui avait permis de revenir dans une certaine forme de normalité, mais aussi sa méchanceté quelque peu mérité il fallait le dire. Elle se retourna promptement vers celui-ci.

-"Tu étais en train de refaire tes lacets. Dans ce couloir, devant cette statue."

Une personne normale aurait patienté tranquillement ou bien se serait décalé pour passer à côté ... mais de mauvaise foi, l'adolescente était bien restée derrière, profitant de cette petite scène pour se passer les nerfs, car il s'agissait pour elle d'un crime extrêmement grave, presque de lèse-majesté que de s'arrêter à ce moment pile devant elle. Un poil susceptible, la faute à ce qu'il se passait, oui. Elle se renfrogna, releva la tête, le port altier fixant James du mieux qu'elle le pouvait avec ses deux billes fatiguées.

-"Cette répugnante statue, oui elle est vraiment pas belle. Alors que le professeur De Malpas et son maudit devoir de divination à rendre ..."

Elle ne termina pas sa phrase par sa fin logique.

-"Nous n'avons pas de temps à perdre James !"

Le serpentard grimaça d’incompréhension. Toute la colère s’était dissipée de son côté pour ne laisser place qu’à une mine presque amusée par la situation. Maria ne semblait pas lui en vouloir à lui, mais à la terre entière. Sa mine fatiguée et ses phrases enchaînées sans forcément de liens témoignaient d’un sommeil loin d’être réparateur.

L’air sûr de lui, après un long soupir las, il reprit d’une voix reposée.

« - Tu as raison… alors n’en perdons plus, Maria ! Acceptes-tu d’être ma cavalière pour le bal de cette année ? »

Cela lui était venu tout naturellement, et James n’en était pas peu fier. Le culot dont il faisait preuve trahissait son assurance. Ses yeux, eux, s’étaient encrés dans ceux de la petite prodige.

Il fallait au moins cela pour réussir à ce ne serait-ce que la moucher quelques secondes et qu'elle arrête de déblatérer son charabia n'ayant de sens que pour elle. Cependant passé ce laps de temps, et ayant repris contenance en secouant la tête, María fronça de nouveau les sourcils ouvrant une première fois la bouche avant de la refermer, comme cherchant ses mots, avant la rouvrir de nouveau. Et de pointer son index sur le torse du serpent quelques secondes.

-"N'as-tu donc point entendu ce que je t'ai dis ? Nous n'avons pas le temps James ! Parce que oh oui ce n'est pas fini, il y a encore la demande du professeur Bagamba ! Hein, tu ne l'as pas oublié celle-ci ... ?!"

"En grande amatrice" de commedia dell'arte, ses mimiques ressemblaient d'avantage à Colombine lorsqu'elle manipulait ce pauvre Arlequin, des grands gestes de ses petits bras dans les airs, tandis qu'elle remettait bien trop souvent sa sacoche en place, qui profitait de ce lest pour se faire la malle.  

-" ... Comment allons-nous tous trouver cinq livres d'achillée sternutatoire "à conserver et faire sécher dans un herbier" ? C'est à peine si il y en a durant cette saison dans les serres de Poudlard ou dans ses jardins ! Quelle idée de nous demander cela à toute la promotion, il ne pouvait pas attendre le printemps comme tout le monde au lieu de nous demander pareilles inepties ... ? Et surtout 5 livres, que veux-tu que l'on fasse de CINQ LIVRES de cette plante ?"  

Ce n'était définitivement pas contre James qu'elle était en colère, c'était en réalité une accumulation de beaucoup de choses que cette maudite "maladie" exacerbait, comme tant d'autres, et la rendait plus qu'irritable.

Déçu que sa tentative n’ait pas fonctionné, James se demandait si elle venait sérieusement de refuser sa demande. Non, impossible, elle était juste passée à côté… L’ego du vert avait tout de même pris un coup.

« - Ma… Je… Pourq… »

À plusieurs reprises, James essaya d’en placer une, sans succès. Le flot infernal de l’hispanique le noyait sous différents sujets qui s’enchaînaient dans même qu’il puisse répondre. La sauce, qui était pourtant redescendue, fit la remontada du siècle et explosa la marmite.

« - PUTAIN MAIS LA FERME. Maintenant, soit tu respires un bon coup et on discute, soit tu te barres et tu arrêtes de me prendre la tête. Sérieusement… »

C’était la dernière chance qu’avait la bleue.

La rauque voix de l'adolescent, se haussant subitement, réussie à la seconde tentative, alors que son interlocutrice s'en allait pour une énième vitupération envers Poudlard, son voisin de table qui ne pouvait s'empêcher de tousser toutes les secondes, le temps de dehors se rafraîchissant ou bien encore les entrainements de quidditch ne se déroulant pas elle le souhaitait, l'hystérique se tût, bouche ouverte qu'elle referma après quelques secondes. Son intense logorrhée terminée subitement, sa respiration devint haletante tandis qu'elle hochait très rapidement la tête de haut en bas pendant quelques secondes, laps de temps utile à se calmer.

-"Ok ... Ok James. Ok pour discuter."

C'était à se demander si elle avait réellement compris et bien interprété la précédente demande du serpent Mais dorénavant elle était pleinement concentrée sur l'Ashworth peu après avoir retrouvé un semblant de calme, bien loin de celui qu'on lui connaissait cependant.

-"Tu disais donc ?"

María prit sur elle de ne pas lui demander si cela avait un rapport avec les 30 pages demandées par Lionheart sur les loups-garous à rendre pour la fin de semaine prochaine, n'étant pas certaine que cette question soit très bien accueillie au vu de la réaction précédente de son voisin. Mais c'était aussi un sujet de stress pour l'Infante, elle n'était qu'à 24 pages et l'impression de manquer de précision ainsi que des parties potentiellement jugées importantes la rongeait.

« - Moi ? »

Elle était bien belle celle-là ! Ce n’était pas comme si c’était Maria qui monopolisait le temps de parole depuis qu’elle l’avait agressé vocalement quelques minutes plus tôt. Ou faisait-elle référence à l’invitation ? James hésita, risquant de briser ce qui lui restait d’égo.

« - Je t’ai juste demandé si tu souhaitais m’accompagner au bal. » répéta-t-il comme si sa proposition ne comptait plus réellement.

« - Mais… »

Raclement de gorge furtif causé par le virus.

« - C’était avant que tu ne me prennes pour un paillasson vocal. Tu dors, la nuit ? »

Ah ... Effectivement c'était gênant, suffisamment pour qu'elle se gratte l'occiput quelques secondes, laissant un blanc s'écouler. Cette fois, l'Infante s'était immédiatement refroidie ... se fustigeant intérieurement pour avoir réussi à "louper" la demande de James, occultée par son flux de paroles inintelligibles, et pour le coup de pied infligé à son égo masculin.

-"J'ai absolument fait n'importe quoi n'est-ce pas ... ?"

Un long soupir s'échappe de sa bouche sans attendre une confirmation du Serpentard alors qu'elle ne prenait conscience que maintenant de la scène surréaliste s'étant jouée quelques secondes avant et de son rôle actif dans celle-ci. Pour quelle hystérique devait-il la prendre maintenant ? La María de tous les jours refaisait son apparition; enfin que son camarade connaissait habituellement, il fallait réellement qu'elle arrive à canaliser tout ce qui lui tombait dessus.

-"Désolée, James. C.. ce n'était pas très gentille de ma part, c'est juste que oui en ce moment il y a plein de choses à gérer... je suis un peu à cran." Doux euphémisme et sourire gêné sur le visage. "Et les nuits sont compliquées."  

Au moins reconnaissait-elle ses torts.

L’écossais haussa les épaules tout en soupirant, l’air de dire "ce n’est pas grave". Il retrouvait enfin la Maria qu’il connaissait. Sans excuses de cette dernière, jamais il n’aurait accepté ce semblant de conversation qui se lançait.

« - Je crois qu’elles sont compliquées pour tout le monde ou presque, en ce moment. »

Il n’aimait pas parler de l’épidémie en cours au château, mais c’était parfois inévitable.

« - Mais je t’avoue que je ne t’avais jamais vu comme ça. Cette voix là… C’est à force de crier sur tes camarades trop nuls au Quidditch ? »

Une tentative d’humour… Prendrait-elle ?

Sa tête se secoua, tout en raffermissant sa prise sur la bandoulière de sa sacoche, l'Infante grimaça ... Attirer la lumière sur elle n'était pas une de ses caractéristiques, autant que l'arrogance, cependant ne pas donner raison à James ici relevait du pur déni puisque c'était une grande part de vérité, ses coéquipiers n'étaient pas des foudres de guerre. Mais mû par une volonté farouche de défendre sa maison, elle ne confirma nullement les propos de celui-ci, et ne tomba forcément pas dans sa tentative d'humour.

-"Euh ... joker ? Ce n'est évidemment pas à cause d'eux. D'ailleurs ce sont de très bons joueurs, regarde nous avons remporté la coupe l'année dernière !"

Ainsi qu'une maigre tentative de sourire accompagnant sa réponse.

-"Je .. je ne sais pas pour tout te dire. Tu n'as pas l'impression en plus d'être constamment fatigué de tout trouver frustrant ? D'avoir l'impression que le monde se ligue contre toi ?"

Elle n'allait pas citer l'exemple précédent de James refaisant ses lacets, car elle aurait bien évidemment dû se décaler mais sur le coup, alors qu'elle se rendait à la bibliothèque le plus vite possible le fait de voir le vert s'arrêter pile devant elle avait exacerbé ce sentiment qu'elle ressentait tous les jours depuis quelques semaines maintenant. Et elle avait craqué.

-"Tu dois me trouver encore plus fol dingue ... mais c'est comme si le destin ... ok ..." Une nouvelle diatribe semblait s'élancer mais l'Infante, la menace de James flottante toujours dans les airs, se reprit avant que le vert ne lui fasse quelques mauvais sort et ressouffla un bon coup. " ... excuse-moi. Et le stress ? Tu n'as pas cette impression de stress constant ?"

L’adolescent avait ignoré le passage sur le Quidditch pour ne pas enterrer ses pauvres camarades, mais l’humilité de la bleue était tout à son honneur tant ses travaux étaient importants dans l’obtention de cette coupe. Étrangement, James préférait cette Maria là à celle qu’il avait pu côtoyer auparavant. Elle semblait plus incisive, plus franche, moins retenue par une timidité qui la poussait souvent à se faire toute petite, sans mauvais jeu de mot.

« - Houla… Tu m’en poses des questions. »

Le serpentard se gratta la tempe du bout de son index ganté.

« - Je ne stresse pas spécialement, non. Je suis confiant dans ce que je maîtrise, et je m’en fous un peu de ne pas exceller dans les autres domaines… Et pour ce qui est du reste, non je n’ai pas vraiment l’impression que tout le monde se ligue contre moi, seulement les Poufsouffles, mais ça c’est depuis toujours alors je m’y fais. »

Il continuait sur le ton de l’humour, mais ses paroles n’en étaient pas moins sincères.

« - Mais quel rapport avec le destin ? Tu as parlé de destin. »

Ce mot l’avait intrigué. Il ne fallait pas oublier le fameux épisode chez la voyante qui avait marqué le vert.

Un "désolé", rapide et nerveux aura fusé peu avant que James ne se lance dans ses réponses qu'elle écoutera avec une attention plus que certaine -cette fois- tout en les analysant, à son échelle bien sûr. L'Ashworth ne semblait pas être atteint des mêmes maux que l'adolescente, pouvait-elle donc en déduire qu'elle n'était pas malade comme les autres et que c'était bel et bien de la fatigue liée à l'accumulation des tâches dont elle avait la responsabilité ?

-"Hmm ... je vois."

Guère plus expressive à la fin des explications de son interlocuteur, María réfléchit quelques secondes avant de lui répondre à son tour.

-"C'est comme si  ... comme si une force supérieur ... m'imposait quelque chose, une sorte d'épreuve ... Je me trompe peut-être sur sa définition, et je ne sais pas si je suis suffisamment explicite."

Elle même avait des difficultés à clairement mettre les bons mots ce phénomène sans pour autant se dévoiler car en fervente catholique, information que l'Infante tentait de garder pour elle, l'adolescente y voyait là une épreuve de Dieu, sa foi et sa patience misent à l'épreuve, bien qu'elle ne pouvait en parler librement à ses camarades sorciers, qui de son avis ne pourraient que la regarder étrangement.

-"Et que cette force supérieur me mettait des bâtons dans les roues."

« - Et du coup, tu t’es dit que la solution était de crier sur James qui refaisait ses lacets ?… Je plaisante. »

Après sa gentille blague, James ramena ses bras jusqu’à les croiser devant son buste, modelant les traits de son visage au passage pour exprimer sa réflexion. Loin de ses croyances, le serpentard avait du mal à comprendre où l’hispanique souhaitait en venir. Cependant, peut-être que la bleue ne s’en souvenait pas, mais c’était bel et bien l’Ashworth qui, en première année, lui avait conseillé de cacher son crucifix.

« - Quand tu parles de force supérieure… Tu parles d’une malédiction ? Ou bien du destin ? »

L’adolescent ne savait lui même pas encore définir sa propre position par rapport à ce fameux destin. La divination, arcane surnaturelle dont il détenait le club associé, soulevait plus de questions en lui qu’elle n’apportait de réponses.

Nouvelle gêne et encore une fois des excuses fusèrent, manifestement ramener sur la table son comportement "excentrique", pour le qualifier ainsi, d'il y a quelques instants était un levier suffisant à son encontre dont le vert pourrait faire usage.

-"Malédiction je ne sais pas."

L'une de ses mains pour appuyer ses dires vint se perdre en haut de sa poitrine, enserrant à travers le tissu de sa robe de sorcière le petit objet qu'elle cachait depuis son arrivée dans ce nouveau monde ... sous les précieux conseils de son interlocuteur. Au point qu'elle se pencha légèrement en avant et de se mettre à presque murmurer, s'assurant que les badauds passant autour d'eux ne s'éloignent après leur petite scène et qu'aucun témoin ne reste, l'oreille pendante, pour écouter les bribes de leur conversation.

-"Je pense y voir là une intervention divine. Mais je ne pense pas avoir pêché d'une quelque manière." Enfin si on occultait les dix dernières minutes.  "Peut-être parce que j'ai perdu de ma foi envers Dieu ... ?"

Il était vrai que les dernières semaines, l'Infante ne s'était pas montrée une fidèle des plus régulières ... en était-ce la cause ? Enfin puisque María ne voulait pas "soûler" l'Ecossais avec ses états d'âme qui ne le concernait pas et dont il se désintéressait sans doute, elle reprit comme si de rien n'était.  

-" Ou alors la fatigue me fait vraiment délirer au point de devenir folle et paranoïaque et de penser à n'importe quoi et qu'une bonne nuit de sommeil résoudra le tout !"

Tentative d'humour à elle, l'Infante n'était pas certaine que cela prendrait du côté de l'Ashworth.

Les yeux de l’écossais s’écarquillèrent légèrement suite aux mots de sa camarade. Ce n’était pas le genre de sujets dont on parlait au beau milieu d’un couloir. Même si ce "Dieu" comptait des fidèles parmi les sorciers, il restait connoté aux moldus et d’autant plus en cette période et pour l’Ashworth. Il lui était compliqué de comprendre les maux de la bleue.

« - Ou peut-être… Que ta magie te demande justement de t’en éloigner. Les moldus nous massacrent en son nom Maria… »

Son regard rejoignit le sol, qu’il fixa plusieurs secondes, tandis qu’il se détachait de la serdaigle d’un quart de mètre.

L'éternel débat revenant sur la table et pour lequel l'Infante n'avait et ne voulait apporter de réponses. James avait été fort de conseil il y a quelques années: cacher sa pratique aux yeux des autres, que l'Infante s'était efforcée d'appliquer, malgré cela elle avait cru, naïvement, quand bien même connaissait-elle les idéaux de l’Écossais sur ces questions, pouvoir lui partager un peu de son fardeau, du moins le lui expliquer ce qu'elle pensait être les raisons de sa fatigue, grand bien lui fasse. Elle ne changerait pas, elle continuerait de pratiquer, quand bien même des sorciers étaient massacrés en son nom et pour lui car c'était une facette d'elle et qu'elle ne pouvait tout simplement se renier. Assez hypocritement, cependant, elle ne le prononçait pas à voix haute, cela ne confirmait juste qu'il fallait qu'elle pratique cela dans le plus grand secret.

-"Je ... Je sais James, je l'ai vécu, et nous continuons tous de le vivre."

Le serpentard se souviendrait sans doute de leur discussion les années précédentes. En attendant, elle ne prononça plus rien, le vert s'étant même éloigné d'elle, signe sans doute que la discussion était finie. María soupira, elle n'aurait pas dû orienter la conversation sur ce sujet crispant et "dangereux" ... Mais l'adolescente ne s'excuserait pas, pas cette fois-là, de ne pas suivre tous les idéaux sorciers. La question du bal ne devant sans doute plus avoir d'intérêt quelconque après cela, la jeune fille se demandait si répondre maintenant après avoir évoqué un sujet aussi épineux était habile.  

Le silence régna pendant de longues secondes de gêne. Celle qui vous faisait hésiter entre relancer un sujet ou couper court, celle qui vous poussait à agir tant il était désagréable de stagner dedans. Le serpentard se racla alors la gorge, ouvrit la bouche, la referma, pivota la tête pour - de nouveau - regarder sa camarade, puis finalement, après un énième temps mort, James reprit.

« - C'était juste... Une hypothèse... Comme une autre. »

La brutalité dont il venait de faire preuve n'avait pas forcément été désirée. Il restait un garçon de quatorze ans habitué à parler avec Alija qui était... Tout l'inverse de Maria, finalement.

« - J'espère quand même que ça ira mieux pour toi, et que... Tu... Hum... Trouveras les réponses à tes questions. »

L'écossais plissa les lèvres pour exprimer sa compassion, laissant le malaise se réinstaller puisqu'il ne savait toujours pas s'il valait mieux s'enfuir maintenant ou tenter de recoller les morceaux de cette bien étrange conversation.

L'Infante hocha rapidement la tête, pour mettre fin à ce malaise ambiant dans lequel ils venaient de s'engager depuis quelques secondes.

-"Euh ... oui merci ! Et .. ahem... toi aussi ... enfin je veux dire ... sur ton destin. Enfin ... tu vois quoi !"

Non il ne devait certainement pas voir mais c'était mieux ainsi de déblatérer des idioties que de s'attarder sur le blanc ayant pris place depuis des secondes.

-"Et ... hum ... tu sinon ... tu souhaites toujours all ... enfin l'invitation ... pour le bal ? Tu souhaites toujours y aller ?"

Elle se reprit quelques seconde après. Parce qu'évidemment dans ce cas-là, María ressemblait vraiment à la dernière des idiotes.

-"Enfin ... bien sûr que tu souhaites toujours y aller ... ahem ... je voulais ... je voulais dire ton invitation ! Elle ... est toujours d'actualité ?"

S’il était mal à l’aise, ce n’était rien comparé à sa camarade de promotion. Cela l’amusa de la voir se tortiller dans tous les sens afin de se sortir de sa position délicate, héritée du garçon qui lui avait légué la patate chaude.

Mais la finalité l’étonna. Il pensait le sujet balayé et le refus évident… Maria put sentir le garçon perturbé un instant, puis quelques hochements de têtes vinrent la rassurer.

« - J’ai essayé hein… Mais je n’ai jamais retrouvé de meilleure danseuse, alors… »

Sincère, l’hispanique ne pouvait pas deviner qu’il l’était. L’écossais s’écarta d’un pas supplémentaire, ouvrant définitivement le couloir à sa camarade qui, plus tôt, rêvait de le traverser rapidement.

« - Je ne pensais pas y aller avec quelqu’un d’autre, de toute manière. »

Son regard revint scruter la bleue, qui pouvait enfin déguerpir si elle le souhaitait.

-"Ah ? C'est dommage ça ..."

Oui. Elle ressemblait vraiment à une idiote comme cela puisqu'elle ne comprit qu'après quelques secondes ce qui semblait être un compliment dans la bouche du vert à son encontre et ses talents très certain de danseurs.

-"Enfin je veux dire ... "

María écarquilla subitement les yeux, alors qu'elle laissait échapper un petit gémissement, comme si elle se rendit compte de quelque chose et profitant du fait que James s'était décalé sur le côté pour -enfin- la laisser passer elle s'élança droit devant elle en remettant en place la sangle de sa sacoche sur son épaule, malmenée par ses mouvements soudain. L'Ecossais qui ne devait une nouvelle fois ne pas avoir compris ce qu'il venait de se passer reçut comme piètre excuse.

-"MINCE LE DEVOIR DE DIVINATION ! JE DOIS TE LAISSEEEEEEEEEEEEEEEEEEER."

Car l'Infante s'était véritablement élancée devant lui, en courant droit en direction des escaliers menant à l'étage de la bibliothèque. Alors qu'il reprenait ses esprits, James entendit tout de même dans le couloir la voix fluette de l'hispanique retentir.

-"ET C'EST BON POUR LE BAL JAMES !!!"

Puis des pas rapides claquant le couloir.

La réaction de la bleue flatta l’égo du vert. S’il n’était pas encore façonné aux relations filles-garçons, la réaction de Maria était trop criante pour qu’il ne puisse la comprendre. Ses yeux avaient suivi le départ en trombe de la capitan, fixant sa silhouette jusqu’à ce qu’elle ne disparaisse au détour d’un couloir.

Cette discussion, aussi étrange fut-elle, venait de transformer la vision qu’il avait de l’hispanique. Peut-être sa "maladie" était un mal pour un bien, tant elle l’avait aidé à s’affirmer dans cette conversation.

Et l’Ashworth… la préférait ainsi. Il s’en alla, encore une fois fier de la cavalière qui l’accompagnerait au bal.