Salle commune des serdaigles

-"Je voulais pas te ... te déranger .. mais merci. C'est important parce qu'il... est un peu bizarre. Mais vraiment bizarre et ... il est a des actions un peu bizarre."

Elle en frissonnait presque.

-"Enfin merci, je vais voir avec elle alors. Je ne te dérange pas plus alors."

Et elle s'en alla.

Aucun des trois qu'elle cherchait n'était facilement accessible... Sans doute qu'Irène aurait été la plus facile des trois, mais rien n'était moins sûr. En fin de compte, la providence l'avait amenée au préfet de sa maison. Etait-ce une bonne nouvelle ? Elle n'en savait trop rien. Connor, quoiqu'un peu bizarre, ne lui avait pas fait mauvaise impression, mais il semblait un brin vaniteux. Peut être valait il mieux le caresser dans le sens du poil.

Avançant vers lui, elle constata qu'il travaillait sur un devoir, ce qui sembla quelque peu la déconcerter car elle savait à quel point il pouvait être dérangeant d'être assailli de questions alors qu'on essaie de se mettre au travail. Néanmoins; la jeune Harpis se souvint que le Graham portait un insigne et avait donc, qu'il le veuille ou non, signé pour ça.

- Monsieur le préfet ? Est-ce que je peux vous déranger un instant ?

Titre formel et vouvoiement, elle demeurait fidèle à sa stratégie. Elle avait parlé, comme toujours, sur un ton assez haut pour se faire entendre sans peine, mais assez maîtrisé pour ne pas briser la quiétude de la salle commune.

Ledit préfet retourna lentement son buste, l’un de ses bras venant s’enrouler sur le dossier de sa chaise. Il jaugea un instant Celonia du regard, avant de prendre la parole.

- Plaît-il?

Elle adressa un sourire reconnaissant à son aîné avant de poursuivre :

- ça ne sera pas long promis ! Madame Moss m'a chargée de demander à un élève s'il n'avait pas oublié ses affaires dans la bibliothèque Elle entrouvrit un instant son sac et laissa apercevoir, un vieil encrier, une plume usée et quelques parchemins. Tout appartenait, en réalité, à la jeune Harpis. Il s'agissait de son matériel de l'année précédente et il n'y avait que du matériel standard de cours, que tout le monde a sur lui. Mais je n'arrive pas à le retrouver ! Il se prénommerait Berthold et aurait à peu près le même âge que vous ! Est-ce que ça vous dit quelque chose ?

Elle adressa un nouveau sourire au préfet. Sa voix avait été pétrie d'une certaine appréhension, comme pour faire croire qu'elle craignait plus que tout de décevoir la vieille Moss. Elle espérait que son rôle de cadette en détresse serait suffisamment convaincant.

Le préfet l’écouta attentivement, un petit ”Hmmmm” s’échappant d’entre ses lèvres closes.

- Berthold tu dis?

Connor plaqua sa lèvre inférieure sur sa lèvre supérieure, avant d’inspirer et d’entamer.

- Ça me dit quelque chose oui, il est en cinquième année. Au delà de ça, où le trouver… Ici peut-être, ou si tu t’intéresses aux emplois du temps des cinquièmes années… Benjamin doit en savoir plus j’imagine.

Alors comme ça c'était un Serdaigle ? La jeune Harpis ne l'avait jamais remarqué... Ou bien il était très discret, ou bien il ne passait pas beaucoup de temps avec les gens de sa maison. Dans un cas comme dans l'autre, elle avait les informations qu'il lui fallait. Restait maintenant à réussir à le prendre en filature... La suggestion de Connor, quoiqu'elle ne fusse pas suggérer pour des raisons pertinentes, ne put que récolter l'approbation de la jeune Harpis. Effectivement, connaître son emploi du temps serait un vrai plus.

Elle opina aux conseils qui lui étaient donnés et adressa un sourire reconnaissant au préfet.

- Merci beaucoup! Je vais demander,oui !

Répondit elle avec un enthousiasme satisfait avant de laisser le préfet à ses occupations.

Restait maintenant à chercher Benjamin, ou un autre élève qu'elle savait de cinquième année. A moins qu'elle n'aperçoive directement Berthold ? Maintenant qu'elle savait qu'il était susceptible de traîner ici, elle sera plus attentive...

Alors qu'elle s'apprêtait à sortir, un malotru lui coupa l'herbe sous le pied. Ce n'était pas la première fois qu'elle constatait ce genre de comportements à Poudlard, mais quelque chose attira son attention... La capuche ! Instinctivement, elle repensa à la scène de la dernière fois. Certes, ils n'étaient peut être pas les seuls élèves à se balader avec une capuche sur la tête, pour ce qu'elle en savait, mais là son seul espoir semblait pressé de rejoindre son dortoir, elle n'avait pas le temps de penser!

- E...Excuse moi!

Dit elle à l'adresse de l'encapuchonné avant d'accélérer un peu la cadence pour se retrouver à sa hauteur. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle comptait lui dire, mais elle avait confiance en ses capacités d'improvisation.

Que ça soit lui ou non, une nervosité évidente semblait déjà transpirer de son mystérieux interlocuteur. Cela collait plutôt bien à l'image mentale qu'elle s'était faîte du personnage au cours du brin de conversation qu'elle avait pu espionner lors de la nuit précédente.

- Excuse moi de te déranger...

Elle comptait faire tout un numéro, comme avec Conor, mais la gestuelle du garçon lui parût si paniquée qu'elle s'interrompit un instant.

- Tu es Berthold Hoover, c'est ça ? Elle fit mine d'être extrêmement gênée, presque rougissante. J...Je voulais savoir si tu cherchais quelqu'un pour le bal !

Tout un numéro qui coûtait très cher à son estime, mais c'est tout ce qu'elle avait pu improviser sur l'instant. Evidemment, comme elle savait d'ores et déjà qu'il avait déjà quelque chose de prévu ce soir-là, elle ne s'attendait pas (heureusement pour elle), à une réponse positive. Toutefois, il fallait qu'elle fasse durer cette conversation autant que possible pour en apprendre un maximum sur lui. Son visage, les vêtements qu'il porte, quelque chose, n'importe quoi qui pourrait lui apporter un indice.

Elle fit mine d'être déçue un instant (cela lui coûta une nouvelle fois très cher), puis s'affranchit d'une moue quelque peu "tristoune". En réalité, elle cherchait une nouvelle idée car, pour l'instant, cette conversation s'avérait affreusement infructueuse et très dommageable pour son amour propre.

- Oh d'accord...

Dit elle en hochant mollement les épaules, comme pour montrer tout le poids de la fausse déception qui reposait sur elles.

- Je te souhaite un bon bal dans ce cas je... Hum... Je traînerai peut être un peu dans le domaine, je pense qu'il n'y aura presque personne là bas ce soir de toute façon... Elle émit un ricanement qui se voulait attristé. Si jamais tu te libères n'hésite pas!

La salle commune Serdaigle était plutot remuante ces derniers jours, ce qui contrastait avec l'habituel calme du répère des érudits... La raison ? Un des protégés de Rowena Serdaigle s'était illustré lors du dernier bal, Aslan qui à l'aide de camarades avait vaincu le golem de pierre massacreur, celui qui avait ôté la vie au regretté Marcel...  Le repère des érudits était également le répère des curieux, la plupart des élèves voulait savoir ce qu'il s'était passé dans cette tour. Ce pourquoi les regards vers Aslan étaient devenus insistant lorsqu'il traversait la salle commune...  

Abigail faisait partie de ces personnes curieuses, mais par respect pour le pauvre Marcel, elle ne préférait pas évoquer le sujet. Un élève était mort, leur tâche était désormais de le laisser reposer en paix en tournant la page le plus vite possible. Cela permettrait également à Berthold, particulièrement marqué par cette disparition, de faire son deuil plus facilement... La jeune fille n'hésitait pas à reprocher à certains de ses camarade leur manque de savoir-vivre.  

- Non Danny! Je l'ai déjà dit plusieurs fois ! Ce n'est pas parce que j'ai été la seule fille ayant été au bal avec Aslan qu'il me parle ! Je ne sais rien de cette histoire, va demander à Connor !

Abi était installée sur un des canapés et profitait de la chaleur de la cheminée. Difficilement, puisque Dany Godgiven lui postillonnait dessus. Ce dernier finit tout de même par s'en aller voyant qu'Abi n'était pas d'humeur à causer avec lui. En évoquant son nom, il s'était également rappellé de ses devoirs de yesman, sa place était auprès du préfet.  

La salle commune des Serdaigles était devenu un territoire particulièrement sensible pour la jeune Harpis... Tout le monde ne parlait que des évènements survenus le soir du bal et deux obstacles complémentaires venaient un peu pimenter le jeu : Aslan et Bertholdt. La jeune Harpis n'était même pas certaine que ce dernier savait qu'elle était la "cadette" à être intervenue pour aider ses amis pendant qu'il s'enfuyait. Toutefois, ce qu'elle savait, c'est que beaucoup d'élèves avaient très certainement remarqué son absence au bal et, de manière générale, ses lamentations diverses et variées quant à son absence de cavalier. Ils cherchaient tous une cadette à Aslan qui était, forcément, absente du bal ce qui réduisait considérablement les options disponibles.

Comme toujours depuis un moment, la jeune fille ne revenait en salle commune qu'aux tout derniers instants avant le couvre-feu. Elle s'était faite discrète ces temps ci. La honte de n'avoir été invitée par personne couplée à sa lassitude à l'égard de la maladie qui la rongeait jouaient conjointement contre elle. Néanmoins, il y avait quelque chose en plus. Elle était plus tristoune et fuyante que d'habitude, ce qui avait de quoi contraster avec son attitude habituelle, amène et cordiale, surtout pour une Serdaigle.

Passant dans la salle commune en veillant bien à ne pas être interpellée, elle commença à prendre la direction de ses dortoirs jusqu'à, accidentellement, croiser le regard de cette aînée pour laquelle elle vouait assez de considération pour ne pas l'ignorer comme les autres.

- Oh, bonsoir Abigail...

Lança-t-elle à son adresse. Elle tremblotait légèrement et ses cheveux étaient encore parsemés de flocons, elle semblait revenir du parc.

La salle commune s'était partiellement vidée, la plupart des élèves ayant rejoint le royaume de Morphée. Mais Abi en pleine lecture n'avait pas vu l'heure passer et puisqu'elle n'était pas encore fatiguée, avait décidé de poursuivre sa lecture. Elle adorait lorsque la salle commune était si silencieuse, les crépitements de la chemineé accompagnaient sa lecture ou plutôt son aventure, puisqu'elle lisait un livre assez particulier dans lequel elle était l'héroïne. Petit plaisir qu'elle n'avait avoué à personne, lorsque le couvre feu arrivait, elle adorait occasionnellement traîner dans la salle commune pour voir les élèves qui appréciaient jouer avec le feu...

Ce pourquoi elle était attentive aux grincements de la porte et aux discrets pas qui se dirigeaient vers elle. Quelqu'un venait de pénéter dans leur coupole et cette quelqu'un, c'était Céliona.  Si l'air mauvais qu'elle avait arborré pour faire fuire Danny n'avait pas totalement disparu, l'arrivée de Céliona permit aux quelques signes d'agacement les plus résistants de définitivement s'envoler. Elle était contente d'apercevoir sa cadette.    

- Celiona ! Elle jeta un oeil vers le ciel étoilé à travers les larges fenêtres de leur dôme. Pile à l'heure !

Lui dit-elle avec le sourire.

- Si j'ai la chance de devenir préfète, tu auras le droit de déborder un peu... A condition... "L'Enchanteresse" la détailla de haut en bas. A condition, que tu ne te couvres mieux.

Abi se décala vers l'accoudoir du canapé sur lequel elle était installée, dans l'éventualité ou celle ci souhaitait profiter des flammes de leur foyer. Elle avait bien remarqué que Celiona était toute tristoune. Alors qu'elle adorait découvrir les partenaires de ses connaissances,  Abi n'avait pas aperçu sa cadette, elle en avait déduit que sa jeune camarade n'avait pas offert à la grande salle, ses petits pas de danse. Elle n'avait en revanche fait aucun lien entre elle et Aslan, même si son comportement distant laissait présager ( davantage pour les personnes la connaissant bien ) que quelque chose clochait.  

Celonia ne sembla pas comprendre immédiatement à quelle "heure" Abigail faisait référence. En réalité, la jeune Harpis avait fini par savoir instinctivement à quel moment il fallait rentrer. De toute façon, elle avait bien joué sa partition pour ne pas avoir quiconque à dos dans ce château (sauf les poufsouffles, mais elle s'en fichait totalement) et ne comptait pas compter Connor parmi ses premiers ennemis. Toutefois, le regard d'Abigail vers les faisceaux de la salle commuen lui firent comprendre où elle voulait en venir.

Elle rendit son sourire à son aînée, qui semblait de fort bonne humeur puis répondit à la tacite invitation et s'installa près du feu. La sensation des flocons fondant sur son cuir chevelu la firent frissonner et elle se promit de demander un chaperon à son père la prochaine fois qu'elle le verra. Dans le même élan, le reproche pétri de bons sentiments que lui adressa Abigail la firent pouffer discrètement tandis que son regard jadéite la gratifia d'une petite reconnaissance pour ce bienvenue conseil.

- Tu n'auras pas besoin de m'accorder ça ! Je m'en voudrai beaucoup de te mettre dans l'embarras...

Répondit elle sur un ton avenant qui occulta un instant la morosité qui lui collait à la peau depuis plusieurs jours déjà. Elle se pencha un peu pour s'approcher encore un brin du feu puis frotta doucement le bas de ses épaules avec ses mains. Finalement, elle s'accorda un long soupir las qui sembla lui permettre d'évacuer de nombreux poids pesant sur son coeur.

- Que dit la salle commune ? Je n'ai pas été très présente ces temps-ci...

Elle avait besoin de savoir si, comme elle le craignait, les conversations avaient commencé à se focaliser sur les évènements de la tour ou non.