Salle commune des serdaigles

Il n'y avait rien d'illogique là-dedans à voir un septième année se défaire aisément de deux élèves moins âgés que lui même si le sentiment rageant d'injustice et de culpabilité que ressentait sa cadette était plus que légitime et en cela le babillage de leurs camarade que l'Infante n'écoutait que d'une oreille n'aidait nullement à atténuer ses ressentis, mais des bribes audibles, María-Esperanza en viendrait presque à fulminer si son esprit n'était pas déjà pleinement occupée: rassurer Célonia, prier pour Abigail, prier qu'il ne lui arrive rien, chercher aussi quoi faire ...

-"Dis ... vous étiez en haut de la tour d'astronomie ?" Question purement rhétorique. "J'aimerais beaucoup que nous y allons. Pour voir si Shane n'a pas laissé ... ou Abigail, des indices pour trouver où ils sont."

Le brouhaha des commérages résonnait dans la salle commune des Serdaigles, un tumulte de voix qui amplifiait davantage le désarroi de Celonia. Les échos des conversations sans tact et des rumeurs persistantes tournaient autour d'elle comme des corbeaux cacophoniques, prêts à se paître de la carcasse supposée de son aînée. Toutefois, les paroles bienveillantes de Maria dissipèrent partiellement le nuage de tristesse qui enveloppait Celonia, mais elle fut plus surprise et peut être plus rabibochée encore par sa proposition suivante. Elle voulait retourner sur le lieu de l'enlèvement pour y trouver des indices ? Elle n'y avait pas pensé car elle ne pensait pas à la pertinence d'une telle entreprise mais, après tout... La lueur d'une détermination nouvelle brilla un très bref instant dans le regard de la Harpis.

Après une pause empreinte de réflexion, Celonia releva son visage marqué par la tristesse, et un soupçon de gratitude s'y dessina.

- Tu as raison ... !

Elle craignait d'y retourner seule. Il serait absurde que Shane soit resté là-bas, mais c'était la seule piste raisonnable à exploiter en cet instant.

- Ne perdons pas de temps !

Elle se leva quelque peu brusquement, revigorée par l'énergie du désespoir.

Malheureusement les moins âgés allaient devoir faire preuve de plus de finesse et de discrétion pour sortir et déjouer la surveillance des adultes, aussi María réfréna légèrement les ardeurs de Celonia, elles ne pouvaient pas se permettre d'être repérées en sachant ce qu'elles s'apprêtaient à faire. Mais l'Infante, tout comme sa cadette ne pouvaient définitivement pas rester ici sans rien alors qu'Abigail était dehors.

-"Allons-y doucement ... et laissons les discuter entre eux. J'ai besoin de voir la scène et ce qu'il s'y est passé. Mais il ne faut pas qu'ils nous voient."

Celonia hocha doucement la tête, comprenant aisément le pourquoi du comment. Elle jeta un regard au groupe d'harpies (elle renie ce jeu de mots), puis revint vers l'entrée de la salle commune. Comment opérer ?

- D'accord... Chuchota-t-elle sur un ton un peu plus bas, la voix toujours légèrement peinée. Peut être qu'une diversion pourrait faire l'affaire, mais laquelle ? Elle pensa un instant au rat qu'avait abandonné cet idiot d'Otto, son regard voyagea au centre de la salle commune, mais il n'était plus là ? L'avait il récupéré en douce ?

- Tu as une idée ?

-"Faire comme si nous allions dans notre dortoir, tranquillement et sortir."

Et puisque personne ne leur prêtait attention, Merlin était béni pour leur petite taille, l'Infante longea les murs tranquillement, bien qu'elle ne l'était pas du tout, pour sortir de la salle commune.

- D'accord...

Celonia suivit donc, espérant que les caqueteuses soient trop occupées à commérer pour les repérer : Retour à la tour d'astronomie...

Tandis que nous étions en Mars, Arles n'était guère reparu en salle commune, même depuis la fin de l'affaire des punaises.

C'était rare de la voir ainsi seule oui, de souvenir jamais María-Esperanza n'avait vu la blonde autrement entourée que des élèves garçons, un peu comme Irène. Mais puisqu'elle ne l'avait jamais réellement parlé, elle ne savait pas si Bérénice était réellement comme Irène: à rechercher leur compagnie. Mais puisqu'il n'y avait personne d'autre ...  

-"Tu profites d'être enfin seule pour lire ?"

Bon l'accroche n'était pas fameuse. Peut-être d'ailleurs qu'elle renverrait l'Infante en lui disant qu'elle était occupée ?

La belle blonde aux yeux bleus, originaire du continent, leva les yeux vers Maria Esperanza, quelque peu surprise.

— Hum... Fit elle en papillonnant des yeux, reprenant constance. Eh bien... Le calme de la nuit n'est pas désagréable, oui. Souffla t-elle.

-"Et qu'est ce que tu lis ? Si ce n'est pas trop indiscret."

La conversation étant lancée elle ne s'arrêterait pas maintenant.

— Un livre de métamorphose, c'est intéressant... Difficile, mais intéressant. Souffla t-elle d'un air lointain, presque absent. Tu aimes la métamorphose ?

Bérénice, au contraire d'Irene, semblait dotée d'une personnalité plus douce, d'une quasi timidité qu'on pouvait prendre, peut être à raison, pour de la distance. Elle s'exprimait calmement, d'une voix basse, apaisante, dans un souffle qui la dotait presque d'une d'aura aérienne. Tout, de sa posture à ses gestes fins et lents, semblait résulter de l'action d'une douce brise, à l'instar de sa main que l'on aurait juré être poussée par une douce brise permettant de tourner les pages de son livre. C'était une beauté distante, inaccessible, telle l'Edelweiss, le trésor qui ne poussait que dans les plus hautes montagnes helvétiques, à la différence qu'elle était - tous les élèves le savaient - franco-suédoise. Maria-Esperanza, après cette phrase un peu plus développée, entendait d'ailleurs un accent franchir les lèvres de son ainée.

— Je... Ahah... Rit elle faiblement en passant sa main devant sa bouche, comme pour cacher la gêne liée à sa propre étourderie. Excuse moi, je ne t'ai même pas demandé ton nom.

D'un regard, l'Infante cherchant de quoi s'asseoir pour être plus à son aise, écouta tout de même la réponse de son interlocutrice, notant aussi qu'elle était bien plus calme et agréable d'écouter la douce voix de Bérénice à cette heure avancée de la soirée qu'entendre les "braillements" d'Irène un peu plus tôt dans cette même pièce à l'encontre du pauvre Alfred qui ne lui avait pas apporté le verre d'eau qu'elle souhaitait à la bonne température.

-"Ah oui, María-Esperanza pardon !"

Celle-ci nota par la même occasion que la blonde ne devait pas suivre le Quidditch, l'Infante jouissant "d'une popularité" au sein de sa maison grâce à ce sport. Et la blonde pourra notifier elle, que sa cadette ne lui demandera nullement son prénom.

-"Et donc de la métamorphose ... Je ne saurais répondre si j'aime cela ou non, ce n'est pas ma matière préférée mais ce n'est pas celle que je déteste le plus. Mais puisqu'elle est difficile à appréhender oui, elle est intéressante. C'est la tienne ? De matière que tu aimes je veux dire ?"

Par ailleurs, elle tentera, si c'était possible, de lire le titre du livre. Puisqu'il y avait beaucoup de sous-embranchements à la métamorphose...

— Ah oui. Notre capitaine. Désolée. Je ne t'avais pas reconnue, je ne suis pas trop le Quidditch. Au reste... Elle regarda son livre, dont Maria ne vit pas le titre. Je dirais que... oui, c'est ma matière préférée. Avec la conjuration.

D'un geste lent et naturel, elle vint replacer ses cheveux dorés derrière l'une de ses oreilles.

— Moi c'est Bérénice, mais tu avais l'air de me connaitre.

Elle lui offrit un fin sourire, qui sembla éclipsé par... un voile de tristesse ?

Elle en déduisit donc que le livre qu'avait entre les mains la franco-suédoise devait sans doute traiter de conjuration, même si elle n'en voyait pas le titre, ou à minima d'un sujet précis de la métamorphose. Une déduction des plus brillantes bien évidemment, digne d'une Serdaigle.

-"Enchantée Bérénice: je connaissais ton prénom oui, mais puisque nous n'avons pas encore eu l'occasion de discuter, je ne te connais donc pas réellement."

La nuance était importante de son point de vue: connaissant la réputation de son interlocutrice, qui n'était pas de son fait cependant, María ne savait rien de la personnalité de Bérénice, c'était là l'occasion d'en apprendre plus: si celle-ci le voulait bien évidemment.

-"Les rumeurs de l'école sont ce qu'elles sont."

Cette remarque de sa part était pour le moins cocasse, mais depuis quelques semaines, les gazettes de l'école étant de moins en moins publié jusqu'à plus du tout, l'Infante avait quelque peu changé et pouvait se permettre de prononcer cela sans que ne soit pleinement hypocrite.

Laissant son livre sur ses genoux, Bérénice réajusta le court tissu qui réchauffait ses épaules.

— Evidemment. Soupira t-elle, lasse. Les rumeurs... Je n'aime pas être au centre de l'attention en réalité... Alors que l'on invente ou suppose des choses sur ma vie, ou que l'on s'y intéresse à ce point, c'est pénible...

Il était vrai que contrairement à Irène ou à d'autres filles "populaires", Bérénice brillait par sa discrétion.

Et quoi de plus logique pour Bérénice que de se retrouver à cette heure dans la partie commune des Serdaigle au moment où il n'y avait presque plus personne pour enfin trouver la quiétude recherchée ?

-"Et tu n'as ... jamais ... enfin c'est peut-être présomptueux de ma part." Et l'Infante ne voulait pas blesser la blonde. "Mais pourquoi ne dis-tu rien en ce cas ?"

Mais María-Esperanza savait pertinemment qu'une fois une rumeur lancée, il était plus que difficile de l'arrêter et les "dégâts" qu'elle causait étaient souvent complexes à réparer.

Son regard océan se reposa sur son livre dont elle tourna délicatement une page.

— Et que dire ? Les gens croient ce qu'ils veulent croire. La vérité les importe peu. Toute cette énergie dépensée pour en faire taire une, que trois autres sont déjà nées. Non, qu'ils s'occupent ainsi, et tant pis pour moi. Souffla t-elle, yeux à demi clos, une pointe de regret dans la voix.

L'adolescente comprenait bien sûr. Il lui avait fallu quelques semaines bien sûr depuis "la discussion" houleuse qu'elle avait eu avec le professeur De Malpas mais maintenant María portait un œil nouveau et surtout bien plus mature sur ce monde là qu'elle avait, de façon volontaire, exacerbé avec "son journal" qui paraissait hebdomadairement et traitement de ces futilités. Et discuter avec une personne qui malheureusement était touchée de plein fouet par ce genre de rumeurs qu'elle avait alimenté avec ses écrits confortait l'hispanique, du moins confortait la décision de Néarque et sa propre compréhension ainsi que son acceptation de celle-ci.

-"Et personne n'est venu te dire qu'elle se moquait de ces rumeurs ... pour simplement discuter ?"

C'était maladroitement tourné, mais la question cachée derrière était "pourquoi Bérénice n'avait pas d'amis" ? Il semblait à l'Infante qu'elle n'avait jamais vu la franco-suédoise accompagnée par des camarades voulant autre chose que ce que les rumeurs pouvaient dire à son égard. C'était assez triste par ailleurs.

— Si, tout le monde s'en moque, dans leurs dires du moins. En réalité ils y sont tous très attachés et ce désintérêt pour les ragots n'est qu'un prétexte à une discussion superficielle par des gens superficiels. Ceux qui s'en fichent réellement sont rares, encore plus celles qui ne prennent pas ombrage desdites rumeurs.