Salle commune des serdaigles

Entraînant dans son sillage une cohorte d’aiglons surexcités, calmés dans leur ardeur seulement par les regards absurdement caustiques de sa clique, le nouveau préfet ouvrit d’un geste pompeux de la baguette les portes de la salle commune.

Rapidement, il vint se placer en centre de salle, mains croisées derrière le dos. Brice, Benjamin et Danny suivirent et vinrent le flanquer, mentons bien hauts, toisant le reste de l’assemblée.

D’un geste sec il frappa du talon de sa botte le sol, dont le claquement résonna dans toute la pièce.

- Silence.

Les trois myrmidons se raclèrent la gorge de façon révérencieuse, l’air de réitérer l’ordre enjoint.

- Bien, pour ceux nous rejoignant cette année, je me présente ; Connor Graham,  élève de sixième année et préfet de notre illustre maison de Serdaigle. Pour les autres, je suis ravi de vous revoir, et, pour tous, j’affirme que cette année scolaire se présente sous de bons augures.

Derrière lui, trois acquiescements.

- Je tiens d’abord à partager ma sagesse avec les plus jeunes ici présents ; cette école est un lieu d’apprentissage où chacun prétend à l’excellence. Le bleu est prestigieux ; le bleu est symbole de clairvoyance et de prévoyance, d’érudition et de sagacité. De fait, porter ces couleurs est un honneur aussi bien qu’une responsabilité ; la maison Serdaigle ne tolérera pas un affront tel que celui de l’an passé - JE ne tolérerai pas un tel affront! Notre devoir est de préserver l’ordre juste et naturel du monde, de nous préserver de la rance ayant réussi à s’introduire insidieusement entre les craquèlements de la désunion en nos murs. De fait, voici quelques conseils que vous feriez bien d’élever au rang de préceptes: premièrement, l’assiduité et la curiosité sont des qualités précieuses que, je suis sûr, vous possédez, et ce dû à votre présence dans notre maison. Mais cela m’amène à mon second point ; la crasse et la rance sont contagieuses, et ceux affectés voudront vous tirer vers le bas avec eux. Sangs-de-bourbe et sympathiseurs de moldus sont des fléaux pour l’intégrité de la société sorcière et seront de grands poisons pour vos avenirs.

Le préfet marque une courte pause, hochant lentement de la tête, son regard parcourant l’assemblée.

- Il va donc de soit que ces… énergumènes sont à éviter. Malheureusement, les effets de leur existence sont pernicieux ; vous ne pourrez éviter de les voir arpenter nos couloirs, parasiter nos cours avec leurs questions stupides et attitudes désinvoltes…

Un fiel certain imprimait ses paroles.

- Et certains vous diront qu’ils sont comme nous - balivernes! M’enfin, laissez-moi vous mettre en garde ; premièrement, considérez tout membre de la maison Poufsouffle comme une fourmi sous votre botte - ils sont insignifiants, et ne sont pas dignes d’attention. Mais il est clair que leur influence dépasse la grandeur de leur esprit, si bien que lorsqu’ils clament être innocents ils sont sincères: ils ne sont simplement pas assez clairvoyants pour se rendre compte qu’ils sont la lie de ce monde.

Il souffla, l’air dépité.

- Ne vous associez donc pas à ces énergumènes. A ce sujet, je vous conseille vivement les ouvrages introductifs à la théorie du sang par Robert Staller, le pamphlet de J.-M. Pen sur Helga Poufsouffle, ou encore My Fight du très regretté A. Kickhim.

Il tapa d’un coup sec le sol du talon, de quoi faire sursauter tout ceux possiblement ennuyés par sa longue tirade.

- Dans un autre registre, je me dois de vous rappeler quelques règles de bienséance ainsi que le règlement intérieur de notre école. L’explication sera succincte, je vous estime assez vifs d’esprit pour faire preuve naturellement de bon sens. Rigueur, assiduité, respect, curiosité et honnêteté intellectuelle. Rappelez vous de ce mantra ; tant bien pour vos avenirs que pour faire honneur à nos couleurs. Ensuite, le port de la robe de sorcier est obligatoire en semaine, il est interdit d’être en dehors de sa salle commune après minuit et, enfin, il est strictement prohibé de s’approcher de la forêt interdite. Je vous sais cependant intelligents, alors je ne m’inquiète pas à ce sujet.

Il hocha finalement la tête, clôturant son discours.

- Pour quelconque question, je suis disponible. Mes collaborateurs le sont également, et pour ceux ne les connaissant pas, je vous les présente:

Il désigna d’abord un garçon très laid.

- Brice Benran.

Ce dernier fit un geste obséquieux de son menton inexistant. Il désigna ensuite un binoclard aux dents de lapin.

- Danny Godgiven.

A l’annonce de son nom, le garçon remonta ses lunettes tombantes d’un geste de l’index.

- Bonvour fer camarades, fit-il d’une voix nasillarde.

Le préfet désigna enfin un garçon bien enrobé et aux cheveux gras.

- Benjamin Brilliant.

- Ravi de faire votre connaissance chers camarades.

Sur ce, le discours et présentations se clôturaient.

Au sein des Serdaigles les plus indisciplinés, le fort accent de Diego avait une place importante, et il résonnait comme une anomalie parmi d'autres alors que tous gravissaient les marches vers leur tour. Les érudits avaient eu droit à tout un récital cette fois-ci. Faisant partie des derniers qui clôturaient le cortège, le plus bronzé de la caste s'etait plaint du repas du soir ; mais il avait aussi invectivé Connor sur sa crinière blonde, profitant de la distance et du brouhaha qui incombait la rentrée. Son commentaire put susciter quelques rires, comme des regards noirs plus haut devant lui. Une dame encadrée sous un tableau lui somma de se taire, et Diego lui répondit par une autre grossièreté. 

Arrivé dans la salle commune, l'insatiable galopin l'eut enfin mise en veilleuse. Comme si l'atmosphère des lieux avait quelque chose d'adoucissant et ne pouvait susciter que le meilleur en lui. Ou peut-être parce-que son nouveau Préfet flanqué de ses acolytes plus grands et plus forts imposaient de réprimer son hyperactivité sur-le-champ.
Alors, de façon singulière, il s'etait tût pendant tout le discours de Connor  – les yeux grands ouverts sous sa casquette, il semblait comme perdu pendant toute l'élocution de son aîné.  En fait, rien ne l'avait vraiment surprit : le traitement des Poufsouffles pour lesquels il partageait aussi un certain mépris, en passant par les recommandations littéraires, qui pour le coup, lui passèrent au dessus de la casquette. La mention du règlement intérieur ne trouva pas plus de grâce à ses yeux. Une sacrée brochette de perdants allaient prendre les rênes de la maison, seul éclat de conscience qu'il eut sur le moment. Alors que les présentations étaient faites, et que le cheveu sur la langue de Danny reçut quelques ricanements d'où il était derrière, celle de Diego se délit finalement.

- Et lé Quidditch, hé?! Moi yé veux youer!!!

L’accent prononcé de Diego lui valut comme à l’accoutumée les regards noirs de certains, notamment d’un certain binoclard sbire du préfet, qui s’apprêtait à l’invectiver… si ce n’était pour Connor qui le stoppa en tendant le bras légèrement, fixant Diego dans le blanc des yeux.

- Merci de me le rappeler camarade…

Ses yeux se posèrent un instant sur María-Esperanza, qu’il désigna à tous d’un geste du menton.

- Notre très estimée Mariá-Esperanza de la Torre, entonna-t-il d’un accent terriblement anglais, est la capitaine de notre équipe de Quidditch, voit donc ça avec elle.

Il souffla un instant.

- Même s’il est vrai que le Quidditch n’est généralement pas notre domaine d’expertise, il est aussi vrai que nous sommes des aigles - il est ainsi évident que les cieux sont un énième domaine où nous dominons. J’encourage ainsi fortement ceux doués dans cette discipline, ou intéressés par celle-ci, à se manifester auprès de notre camarade qui nous amènera vers la victoire comme elle l’a fait l’an passé.

Il adressa un hochement de tête respectueux à l’adresse de l’Infante.

- Dans la même veine, la pratique du duel est aussi un domaine où notre illustre maison a brillé l’an dernier, ce grâce aux exploits de nos camarades Stewart Harding et Arles Rayne.

Il sembla chercher du regard les deux personnes susmentionnés, sûrement pour les désigner elle aussi, mais n’en fit rien… Ses lèvres se pincèrent subrepticement, et son regard se reporta sur Diego.

- Ce sera tout? lança-t-il d’une voix quelque peu caustique.

L'élection de María-Esperanza en tant que capitaine pris de court le petit grenadien, c'est qu'il ne s'y attendait à vrai dire pas plus que la principale concernée. Cette nouvelle ne l'enchantait pas vraiment, car aussi bon qu'etait son niveau sur le terrain, la capitaine serait donc une fille, mais d'autant plus car il soupçonnait celle-ci d'être sa sœur cachée.
Diego répondit d'un non de la tête à son Préfet, l'air encore hébété. Il alla rejoindre María-Esperanza, et fit face à elle. Pendant un court laps de temps, il la dévisagea d'un air stupéfait  – faisait-elle vraiment partie de sa famille?
Le grenadien fronça les sourcils, et leva sa main gauche d'un geste impétueux.

- Toi, tou vas etre la capitán? Mais tou es ouna chica! Moi, yé sais comment tirer lé souafle!

La nouvelle capitán s'apprêtait à vrai dire à tourner les talons et rejoindre son dortoir pour une nuit plus que mérité. S'apprêtait oui. Elle ne le put puisque son cadet l'interrompit dans son geste en venant à sa rencontre.

-"Et bien il semblerait oui ... puisque moi aussi je sais jouer avec le souafle."

Son accent hispanique était nettement moins audible que chez son compère latin, mais à la différence sans doute de leurs camarades de maison qui le comprenaient difficilement, l'Infante elle était en capacité de répondre aussitôt à Diego sans avoir besoin de ce temps pour appréhender ce qu'il venait de dire.

-"Et plutôt bien même puisque nous avons gagné la coupe l'année dernière."

Il commençait à se faire tard, et les érudits n'avaient pas encore de nouveau cours à réviser. Serdaigle n'etait pas comme Poufsouffle, où la foire battait certainement encore de son plein dans les sous-sols de Poudlard. Pendant que leurs voisins de vert et d'argent devaient déjà comploter contre les héros de Gryffondors. Les Serdaigles, eux, se dirigeaient en grande partie vers leur dortoirs. Il restait une élève de cinquième année, engagée dans une partie d'échecs, seule face à elle-même ; et un autre apprenti savant absorbé devant un hublot avec le télescope qu'ils ne possédaient pas au refuge.
Et bien sûr, María-Esperanza face à Diego Cuevas. Ce dernier ne semblait pas gêné d'avoir interrompue son aînée, alors qu'elle aussi voulait visiblement rejoindre les chambres à coucher. Le diablotin aux ancêtres communs débordait d'énergie. Très expressif, il secoua la main pour donner plus d'impact à ses mots. María devait être remise à sa place.

- Tou sais bien comment passer lé souaffle, tou peux continouer à youer. Mais tou né séras pas mi capitán. Il posa son index sur le buste de María-Esperanza.
Tou es ouna chica. Tou youes comment on té dit.

Il ne manquait pas de toupet, surtout qu'il n'avait jamais fait partie de l'équipe première. Diego n'était que remplaçant parmi les poursuiveurs de Serdaigle, et il ne s'entrainait que très rarement. Jamais il n'avait démontré  pareil entrain pour le Quidditch. Simple envie de défier María-Esperanza, ou peut-être avait-il acquis une source d'inspiration pendant les vacances qui le pousserait à apparaitre au Stade de bon matin? Seul l'avenir nous le dirait.

Froncement de sourcils, l'Infante observa en relevant quelque peu la tête -la faute aux centimètres de moins- son cadet parler, tout en se demandant ce qu'elle avait bien pu faire pour mériter pareille acrimonie et l'érubescence du grenadien. Elle ne voyait qu'une seule explication à ces propos malévoles, la jalousie, âpre et dure, que la déception de ne pas être nommé capitaine à sa place nourrissait puissamment. L'ancienne María-Esperanza aurait été très certainement impressionnée par Diego, au point sans doute d'accorder moult crédits à ses griefs et de ne pas y répondre, cependant, deux mois après "sa" victoire, elle semblait avoir gagné en confiance -du moins sur ce domaine-, suffisamment pour répondre poliment à son cadet après avoir retiré son doigt de son buste.    

-"Je ne sais pas où tu vas imaginer cela ... mais je ne crois pas que tu aies bien compris: nous avons gagné l'année dernière la coupe, et ce n'est peu de le dire grâce à moi, alors si j'ai été nommé capitán, c'est pour une bonne raison. Et tu ferais mieux de t'en souvenir !"

Après cette démonstration, María tourna les talons et entreprit sa marche vers sa chambre. C'était bien la première fois qu'elle faisait autant preuve d'arrogance et cela ne lui seyait guère.

Alors qu’il s’apprêtait à fermer la porte de la salle commune, un pied se glissa dans l’interstice pour la bloquer.

- Aaaaaattendez!

Arles reconnut aisément la voix de Connor.

Connor pénétra dans la salle commune, époussetant sa cape de bonne facture. Remarquant Arles après quelques secondes, il hocha la tête à son encontre.

- Bonsoir Arles, comment va?

Arlès était égal à lui même.

— Comme d'habitude, oui et...

Son œil fut attiré par l'insigne de préfet fièrement arboré par Connor.

— Ah. Il a fini par trouver preneur ce badge ?

Connor baissa les yeux vers son badge, avant de relever légèrement le menton, prenant un air solennel.

- Effectivement, je me mets au service de la collectivité.

Pompeux, Connor reprit, s’avançant désormais dans la salle.

- En parlant de civisme, je vois que toi aussi tu étais de sortie ce soir ; je suis ravi de voir que tu prends au sérieux le nettoyage de ces murs.

— Le nettoyage de ces murs ? Ah, oui. Oui oui, bien sûr. C'est important de... il papillonna des yeux ... de faire de cette école un lieu plus propre en chassant les poufsouffle et à l'occasion les gryffondor qui prendraient l'endroit pour la fange de laquelle ils viennent.

Sur ce coup, Arlès s'était impressionné lui même.

Un fin sourire vint arborer le faciès atypique du préfet.

- Si seulement tous étaient comme toi, fit-il dans un soupir, rien que ce soir j’ai attrapé un poufsouffle tentant de s’introduire en douce dans les cuisines…

En recontant son histoire, sa voix prit une tonalité mesquine.

- J’ai emmené ce petit porc sur pattes directement chez ce malotru de concierge. En sortant j’ai entendu ses cris de terreur résonner dans les couloirs, ahahahahahahah!!

— Hilarant.

Il ne riait pas.

— Quelles seront tes premières mesures pour la maison Serdaigle ? Si tu veux mon avis, je pense qu'il serait bon de laisser en permanence au moins une fenêtre ouverte dans la Salle Commune, cela évacuerait l'odeur fétide des impurs qui pourraient se cacher parmi nous.

- Des impurs ici? Peu probable.

Connor prit place sur un sofa.

- Cela dit, j’y pense, les lotions et parfums de cette sale chouette d’Irene sont infectes, il serait effectivement pertinent d’aérer les lieux…

Arlès était quant à lui resté debout, bras croisés. Tendant le nez.

— On ne sait jamais, ils peuvent être partout, ceci dit ton œil affuté, ainsi que celui de tes lar... collaborateurs auraient tôt fait de les repérer. Maintenant que tu le dis, les effluves pestilentes de cette comédienne sont autant de miasmes qui règnent en ces lieux. On ne paierait pas plus cher à ouvrir.

D’un coup de baguette, Connor ouvrit l’une des fenêtres, inspirant une grande bouffé d’air frais.

- Aaaah, on est mieux là.

Il s’enfonça un peu plus dans son sofa, fermant les yeux.

- Maintenant que je suis préfet, les gens vont marcher en rang et les poufsouffles vont arrêter de nous chier dans les bottes, tu peux me croire.

Le bleu ouvrit l’œil droit.

- Si jamais tu vois des poufsouffles se balader la nuit n’hésite pas à me donner leurs descriptions et les lieux qu’ils fréquentent, que je les prenne la main dans le sac et les envoie aux cachots fissa.

Il restait immobile.

— Je n'y manquerai pas... Je vois que ta nouvelle position te plait en tous cas. Et que tu prends tes responsabilités à cœur.