Bibliothèque

-Deux semaines, ça irait ?

Il faisait rentrer tant bien que mal les bouquins dans son sac.

Arriva alors une jeune fille portant quelques livres sous le bras, blonde aux yeux bleus, elle arborait l'uniforme des jaunes. A bien y repenser, Celonia l'avait déjà croisée en compagnie d'Arles lors de la fête de Pré au Lard, deux évènements assez marquants pour qu'elle s'en souvienne. Elle était suivie par un autre poufsouffle, visiblement assez concentré sur ce qui n'était pourtant qu'une simple conversation.

— Donne Aurore ! Je vais porter tes livres ! Dit il d'un air faussement assuré.
— Ben... Elle papillonna des yeux. C'est gentil mais j'en ai que deux.
— Non mais ca doit être lourd ! Je peux t'aider !
— La bibliothèque n'est pas SI grande William, on est déjà arrivés à la table ! Dit elle en posant lesdits livres sur la table voisine de Celonia. Concentre toi plutôt sur nos révisions.
— Ah... Euh... Oui. Dit il en s'asseyant, l'air déçu. Tu veux que je t'aide pour le devoir de potions ? Je suis super fort en potions tu sais !
— Pourquoi pas ! Répondit Aurore avec enthousiasme.

Les yeux de William s'illuminèrent, comme s'il avait remporté le jackpot.

— Et... commença t-il, après... tu voudrais... aller se balader...
— Peut pas. Abrégea t-elle. Je dois filer m'entrainer. Elle avait baissé d'un ton
— Ah oui... Tu t'entraines où d'ailleurs ? Je peux m'entrainer avec toi si tu veux ? Je ne sais jamais ou tu vas. Pourtant je t'ai cher- Il se ravisa
— Moi je ne dis rien, les autres vont encore râler car il y a trop de monde dans son coin.

Elle ouvrit son livre et se tut

— Ah oui, par "les autres" tu entends Arlès c'est ca ? Il a mauvais caractère non ? Ca doit être pénible. Tenta William
— Au moins il ne parle pas à la bibliothèque... Concentre toi sur les potions William...
— Oui...

Jude se dirige d'un pas déterminé vers la bibliothèque. Bien sûr, il avait cette excuse de devoir récupérer un devoir en histoire de la magie auprès de Celonia. Mais au fond, c'était plus qu'une simple justification. Il savait que son amie ne lui offrirait pas la voie de la facilité de manière si évidente.

Il la connaissait suffisamment pour être sûr, certain même, de la retrouver à cette heure-ci, plongée dans les livres de la bibliothèque.

Bien sûr, Jude dira bonjour aux Poufsouffle de la table à côté, la meilleure des maisons, avant de finalement s'arrêter à la table de son amie de l'aigle.

Cette fois-ci il distingua les cernes de son amie, qui n'était pas couvert par des artifices comme lorsque de leur dernière discussion dans le grand hall.

- Salut Celonia, ça tient toujours pour le devoir d'histoire de la magie ?

Un vrai test, pour savoir si la personne en face de lui est bien son amie.

Ils continuaient de piailler... Ce William était définitivement pire que Jack. Elle tâcha de les ignorer car elle avait encore du travail à faire et elle se savait plus lente qu'à l'accoutumé. Surtout que sa précédente nuit avait été interrompue par cet idiot d'Horatio qui se livrait à d'étranges expériences dans sa salle commune.

Sa plume trempa une nouvelle fois dans l'encrier alors qu'elle consultait de nouveau le devoir qu'elle avait soigneusement disposé sur le côté de son bureau. Ses lèvres sèches peinèrent à humidifier son index et elle sembla s'énerver toute seule alors qu'elle essayait de consulter la seconde page de sa "pile". Arrivée à son but, elle recommença à gratter de sa main gauche alors que Jude approchait.

- Ce travail...

Elle poussa un soupir avant de fébrilement tremper de nouveau sa plume dans l'encrier. Le geste, trop brusque et branlant, fit baver la plume autour de l'encrier, mais Celonia, consciente de son état, avait pris ses dispositions et laissé un morceau de parchemin vierge sous le récipient afin de se prémunir de ce genre de mésaventures.

- Est au mieux médiocre.

Elle planta la pointe de la plume dans le parchemin destiné à ses "notes" pour marquer un point final avant de doucement souffler sur l'encre.

- La moyenne, je dirais.

Conclut elle avant de tendre le papier à Jude, lui adressant pour la première fois un regard. Elle semblait pâlichonne, fatiguée et, surtout, peut être encore plus aigrie que la dernière fois. Jude l'avait remarqué, cela faisait maintenant des semaines que la jeune Harpis était dans sa piètre condition et pour cause! Tout était parti de la maison bleue et les élèves de cette maison étaient affligés depuis bien plus longtemps que leurs camarades.

Jude observe attentivement Celonia, remarquant chaque signe de tension et de frustration dans ses gestes. La plume qui tremble, l'encrier renversé, tout lui indique que quelque chose ne va pas.

- Est-ce que ça va ?

Demande-t-il d'une voix soucieuse tout en prenant délicatement la feuille des mains de Celonia pour la déposer avec précaution sur le rebord de la table de la bibliothèque.

- Tu n'en as pas l'air.

Ajoute-t-il doucement, presque comme une affirmation à lui-même, exprimant son inquiétude pour son amie.

- Pourquoi as-tu fait ça  ?

Se référant à la copie du devoir. Il sait que la Serdaigle est généralement disposée à l'aider à travailler ensemble, mais jamais à faire le travail à sa place. Cette action inhabituelle l'intrigue et l'inquiète à la fois.

Le duo continuait d'étudier, dans le calme cette fois ci, William jetait des regards furtifs à Aurore, laquelle était penchée sur son livre, sa joue reposant sur sa main droite.

William souffla un coup, comme pour se donner du courage.

— Allez William... Tu peux le faire... Dis Aurore... Chuchota t-il

Pour toute réponse, elle leva un œil vers lui, dans une expression qui rappelait vaguement quelqu'un d'autre à Celonia

— Gloups...
— Qu'est ce qu'il y a ? Dit elle à voix basse
— Euh...

Aurore soupira et retourna à son livre.

— EstcequetuveuxalleraubalavecmoiAurore?

Elle tourna cette fois le regard vers lui, papillonnant des yeux.

— Désolée William, je suis déjà engagée par ailleurs... Comme l'année dernière... Et... celle d'avant.

Le visage de William se décomposa. Jude - qui avait tout entendu - passa à ce moment pour sauver William de l'incommensurable malaise auquel il faisait face. Le teint blafard, il le gratifia d'un "S-Salut" et se leva. Aurore le salua également.

— J-je dois y aller. A-A plus...

Il s'en alla prestement, Aurore leva la tête, l'air gênée. Elle avait croisé  le regard de Celonia à ce moment et l'avait gratifié d'un salut discret accompagné d'un regard signifiant peu ou prou "Aie"

Elle récupéra son propre devoir qui, Jude put le constater, était singulièrement plus "épais" que celui qu'elle venait de rédiger et le rangea précieusement dans son sac. Elle considéra ensuite silencieusement les questions qui lui étaient posées tout en frottant son front chaud d'un revers de son index.

- C'est moins fatigant à faire.

Marmonna-t-elle avant de prendre une longue inspiration puis de passer la paume de sa main sur son minois. Elle n'avait pas oublié la seconde question qui lui était posée, elle souhaitait simplement retarder l'inévitable.

- Non, je ne vais pas bien. Pas bien du tout!

Maugréa t elle en peinant garder la voix basse pour ne pas se faire sermonner. Elle reboucha son encrier et le rangea un peu brusquement avant de clore le livre qu'elle avait consulté pour rédiger les deux devoirs.

- Comme si Poudlard ne m'avait pas assez déçue comme ça, voilà maintenant qu'elle me transforme en une fichue cracmol.

Elle aurait mieux fait de rester chez ses parents. Elle n'aurait pas appris grand chose, mais au moins elle aurait continué d'être une sorcière à la fin. Evidemment, tout dans sa dialectique était au mieux exagéré, au pire délirant, mais la façon qu'elle avait de "gérer la crise" était sans doute la moins optimale qui soit. Elle s'était faîte plus mature qu'elle ne l'était vraiment et commençait à accuser le coup.

Heureusement, elle fut quelque peu sortie de sa torpeur par la scène qui était en train de se jouer à côté d'elle. Occupée par sa propre conversation ou trop étourdie par son état, elle n'en avait compris que quelques bribes, mais lorsqu'elle vit William se lever, complètement dépité, elle comprit parfaitement ce qui venait d'arriver. Son regard croisa celui d'Aurore et elle hocha les épaules en lui adressant un sourire compréhensif qui voulait dire "tant pis". De toutes manières, Arles était mieux que lui.

Jude se retrouve malgré lui témoin d'une scène délicate entre William et Aurore. Il ressent une gêne profonde en ayant entendu cette conversation intime. Il observe silencieusement, mais avec une pointe d'empathie, le moment où William, peut-être maladroitement, demande à Aurore d'aller au bal. L'échange est bref, le refus est clair, et Jude se sent presque mal à l'aise d'avoir été le spectateur involontaire de ce moment délicat.

Il voit William partir précipitamment, manifestement contrarié par la réponse, et Jude, sentant une atmosphère tendue, lui adresse un "au revoir" maladroit, comme pour tenter d'atténuer cette gêne, bien que sachant pertinemment qu'il ne peut changer la situation. Il tentera de laisser tranquille Aurore, et lui répondra si elle lui parle, évidement.

- Comment ça Poudlard te transforme en une cracmol ?

Pour l'instant, les symptômes de Jude ne sont que de la fatigue et ne connait pas l'état le plus avancé de l'épidémie.

- Veux-tu que je t'aide à porter tes affaires ?

Dis le Poufsouffle, plein d'inquiétude. Mais au vu de la situation qu'il venait de se dérouler on pouvait peut-être penser qu'il répétait les mêmes erreurs que son ainé William et qu'il souhaitait uniquement se présenter sous son meilleur jour à une élève avant une invitation au bal. En espérant qu'Aurore ne le prenne pas comme ça.
Avant de rajouter en chuchotant.

- Préfères-tu qu'on parle ailleurs ?

Une question, puis une seconde et enfin une troisième. Qu'est-ce que c'était que ce soudain mitraillage ? Elle n'avait pas envie de devoir tout expliquer. Si Jude n'avait pas encore constaté, à ce stade, qu'à un certain stade la maladie infligeait une "fatigue magique" à son porteur, c'est qu'il n'était pas plus fin que le poufsouffle moyen.

- Le grand dadais qui vient de sortir n'a pas servi de leçon, Jude ?

Dit elle en adressant un regard en direction d'où William était parti, dépité. Elle rangea sa plume, son dernier matériel encore disposé sur la table et se leva, son sac en main.

- Oui, sortons.

Dit elle en prenant la direction de la sortie, chuchoter était devenu un vrai calvaire.

Avec la fatigue accumulée ces dernières semaines, James ne pouvait pas passer autant de temps que d'habitude à s'entraîner. Pour combler les trous, l'écossais se plongeait dans des livres qu'il jugeait intéressant, souvent basés sur des grands moments de l'histoire sorcière. Il était attablé à un bureau et semblait concentré sur sa lecture.

Alors qu'elle s'apprêtait à déchiffrer les premières lettres de la couverture que tenait le serpent, le livre claqua dans la paume de l'Ashworth qui soupira.

« - Tu comptes rester caché là longtemps ? »

Sa voix s'était élevée puisqu'il avait repéré quelqu'un du coin de l’œil quelques secondes auparavant, caché derrière les étagères. Les voyeurs... C'était le genre de choses qui le poussait à emprunter les livres et à les lire tranquillement dans son club de Divination, plutôt qu'à la bibliothèque.

Sa tête se tourna un peu partout avant que ses yeux ne se fixent sur le Serpentard.

- Quoi ?

Eleanor essaya de jouer la surprise et de faire comme si elle venait simplement de remarquer la présence de James, ce qui était raté au vu de son teint légèrement rouge et de sa gêne démonstrative après s'être fait griller en train d'épier vite fait la lecture du jeune sorcier. En tournant son regard à nouveau sur les étagères, elle prétexta, après une poignée de secondes, une excuse bidon pour justifier sa curiosité mal placée.

- Je regardais simplement si tu n'avais pas le livre que je cherche.

Son ton se voulait plutôt froid et distant.

James, qui s'attendait à voir Daniel débouler de derrière les étagères pour venir se bagarrer, fut étonné de découvrir la Folsham à la place. Leur relation était devenue extrêmement bizarre, et même la croiser en cours suffisait à faire naître un énorme sentiment de honte dans les entrailles du Serpentard. Mais il savait jouer des apparences pour le cacher.

« - Ah, c'est toi... »

Peut-être qu'il valait mieux que le discussion s'arrête là, surtout lorsque l'on connaissait le côté bavard de la rousse... Mais James enchaîna, retournant son livre pour en lire la couverture.

« - "Œil pour œil, sang pour sang", ça parle des premières communautés sorcières à s'être mélangées aux moldus. C'est ça que tu cherchais ? »

Un rapide coup d'oeil fut lancé vers la couverture avant qu'elle ne hausse les épaules et de retourner à ses recherches.

- Non je l'ai déjà lu.

En tout cas Eleanor nota que James s'intéressait effectivement aux moldus, ce qui la surprenait. Elle était au courant pour ses potentielles affaires avec Johannes mais n'en dis rien, le zélandais s'occupait lui-même de son business sans qu'elle ne se permette d'intervenir.

- Je ne savais pas que tu étais adepte de ce genre de lecture.

A aucun moment elle ne s'était détournée des étagères où elle passait en revue chaque ouvrage.

« - Je souhaitais approfondir ce qu'on a vu que légèrement avec Monsieur Blackwine en début d'année. »

James se posait une tonne de questions sur les mélanges entre sorciers et moldus, comme sûrement beaucoup de ses camarades.

« - Je n'arrive pas à comprendre comment des sorciers peuvent ou ont pu se mélanger aux porcs, c'est indécent. Quand je ne comprends pas quelque chose... ça m'agace. »

En soi, s'intéresser à l'histoire des sorciers n'avait rien de si intriguant que ça aux yeux de l'Ashworth, il n'était aucunement gêné d'en parler. L'écossais rouvrit l'ouvrage et reprit sa lecture.

- Pas besoin de livre pour comprendre ça.

Eleanor soupira, c'était exactement la situation dans laquelle s'était trouvée sa mère. L'envie de protester était grande mais cela voudrait dire aussi prendre la défense de son géniteur et c'était hors de question car c'était effectivement un "porc" comme aimait le dire James. Cependant quand à comprendre pourquoi ce genre de couple hors du commun pouvait voir le jour, la rousse avait une explication qui lui paraissait aussi simple que logique. Finalement elle continua sa réponse.

- J'imagine que des deux côtés il y a des personnes qui s'en fichent de ce qu'est l'autre tant qu'ils s'apprécient.

Ce que l'écossais pourrait prendre pour lui tant cette phrase pouvait très bien se confondre à leur situation, ce qui n'était pas du hasard pour le coup. Ou plutôt de ce qu'elle aurait pu être si certaines considérations de maison et de réputations n'entraient pas en jeu.

L'argument de la rousse ne tient pas. S'il était pourtant justes, la vision de l'Ashworth ne lui permettait pas de le comprendre, même s'il avait toutefois capté la subtile comparaison qu'elle venait de faire avec leur "amitié". Mais James ne reviendrait jamais sur ce sujet.

« - Comment peux-tu dire ça ? »

James ferma son bouquin, dépité par la Folsham.

« - Donc tu imagines un aigle se mélanger à un pigeon sous prétexte qu'il l'apprécie ? Non. Et malgré tout, il protégera son nid si ce dernier approche trop. Il y a des règles, Eleanor, des choses établies. Nous ne sommes pas comme eux. C'est comme... Se mélanger à des porcs, littéralement ! Nous perdrons notre magie, nos descendances seront fragiles et malades, la communauté disparaîtrait complètement... Alors non, je répète mais je n'arrive pas à comprendre comment des sorciers, en sachant cela, peuvent se mélanger et... Avoir des enfants qui ne savent même pas ce qu'ils sont, et qui finissent, logiquement, rejetés par les deux côtés. »

Voilà les méfaits du métissage. Comment le petit oiseau qui naitrait d'un aigle et d'un pigeon - si c'était possible - pourrait voler aux côtés de ses semblables, alors qu'il n'en a pas ?

« - Du coup, oui, j'estime qu'il y a besoin d'un bouquin pour comprendre ça. Il y a forcément d'autres raisons que la débilité. C'est obligé. »