Club de Divination

L’Ashworth, de son côté, soupirait déjà. Il s’était dirigé jusqu’à la fenêtre du fond pour l’entrouvrir, histoire de créer une aération.

« - Raaah tu sais que j’aime pas ça. »

Sa phrase était évidemment lancée en direction du serbe. De son côté, James s’était déjà réinstallé sur le canapé qu’il avait précédemment quitté. Il récupéra aussi le livre qu’il avait mis de côté et tenta de retrouver la page où il s’était arrêté. L’adolescent restait cependant bien attentif à la discussion.

- Ça être un nar…. Il s’arrêta, interrompu par l’écossais.

- Toi avoir horreur de ça car mon père nous a privé de nourriture pendant 3 jours quand il nous a attrapé…

Il sourira brièvement mais son sourire se ravisa à l’ouverture de la fenêtre.

- Et referme dont cette fenêtre, tu veux foutre en l’air mes charbons ?

Il tourna à nouveau sa tête vers Abi, tout en sortant de son sac une sorte de petit vase ainsi qu’un genre de tuyau.

- Chère enchanteresse, pouvez-vous me faire profiter de votre magie en maintenant quelques minutes mon sortilège de lévitation sur ces charbons pendant que moi préparer mon narguilé ?

L’Ashworth ne put retenir un rire en repensant à l’anecdote aussi effrayante que drôle qu’il avait partagé avec son ami. Cependant, il laissa la fenêtre ouverte. C’était le deal.

« - Tu vas voir Abi, si tu ne vas pas en Serbie, c’est elle qui vient à toi. » lança-t-il simplement sans lever les yeux de son livre.

La jeune fille regarda tour a tour ses deux compères en quête d'explication.

- Un nargui lait ? C'est un objet magique ?

Monsieur Zverotic les avait sanctionnés de dîner après les avoir vus utiliser cet objet. Il n'en fallait pas plus pour Abi qui conclut que cette chose était interdite pour des sorciers de leur âge.

- Mais si monsieur Zverotic vous a puni, c'est que ce n'est pas bien ? Non ?

Poussée par sa curiosité, elle s'exécuta en maintenant avec sa baguette les charbons sur les flammes. Mais attention aux arguments que ses camarades allaient utiliser.

- Du moment que ça reste occasionnel...C'est pas plus mauvais qu'aller chez Honeydukes le week-end.

Et en parlant d'Honeydukes, le serbe était entrain de manipuler une sorte de molasse rougeâtre dont l’odeur fruité et mentholé pouvait rappeler à Abigaïl et à James les senteurs de la boutique Honeydukes. Le fumeur introduisait cette molasse au bout du grand tuyau qu'il venait de fixer sur le petit vase après avoir lancé un sortilège d'invocation d'eau dans ce dernier.

- Et puis, certes mon père nous faire la morale mais...Mon grand-père m'a dit que mon père avait commencé le narguilé quand il avait 12 ans et demi...Ça l'a pas empêché de devenir un grand sorcier.  J'irais même jusqu'à dire que ça l'a aidé à en devenir un.

Un petit rictus lui avait échappé.

- Quand ils seront bien rouge Abi, tu les feras se poser ici. Disait-il en désignant le haut de sa chicha.

Un nouveau bâillement attaqua le vert. Décidément… Cela ne l’avait cependant pas empêché de rire aux différents échanges.

« - Abi t’inquiète, c’est rien de dangereux. » ajouta-t-il pour la rassurer un peu quant à cette activité « illicite » à leur âge.

« - Bon sinon, qu’est-ce que vous racontez de beau ? »

Lui en avait des choses à dire, mais il était plus poli de commencer par ses fidèles amis.

La jeune fille avait comme la vague impression que ses amis lui racontaient des sottises pour l'inciter à faire des bêtises. S'ils avaient su l'embarquer dans cette aventure du club de divination, ils ne parviendraient pas à l'entraîner dans la découverte du narguilé.

- Même si ce n'est pas dangereux, ce n'est pas sérieux. Imaginez quelqu'un entre dans le club ? Je doute que vous puissez lui faire croire qu'il s'agisse d'un objet de divination ! Encore plus si c'est un adulte.

Elle avait compris qu'il s'agissait de quelque chose à inhaler. La jeune fille secoua la tête, en espérant raisonner ses amis.

- J'avais des choses à dire mais je ne....

Abi fatigua et son Wingardium Leviosa céda un court instant faisant tomber les charbons. Son regard cerné trouva instantanément les charbons afin de recanaliser son sortilège et sauver les deux combustibles. Hélas, elle ne put en récupérer qu'un seul, l'autre s'était émietté en entrant en contact avec le sol.

- Désolée ! Désolée ! Je n'ai pas fait exprès !

« - Mais tu ne ?… » lança-t-il par-dessus son livre.

James se fichait clairement de ce qu’il allait advenir du narguilé, et était même content de voir qu’Abigail semblait être contre. Si elle pouvait tout casser « sans faire exprès », ça l’arrangerait.

Personne ne lui en voulait, ce qui était un soulagement... Partager sa réticence sur cet objet et ensuite faire tomber les combustibles permettant d'apprécier ce narguilé aurait pu semer le doute sur l'intentionnalité d'Abi mais ses amis lui faisaient suffisamment confiance. Elle aura ainsi transmis le charbon restant à Alija avant de se diriger vers la fenêtre.  

- Et contrarier la Flamme ? Je préfère encore utiliser ce narguilé...  Mais de peur d'être prise au sérieux, elle ajouta rapidement  Je rigole bien sûr.

La jeune fille se dirigea alors vers le canapé ou se trouvait James

- Je persiste à dire que ce n'est pas bien Alija d'utiliser cet objet ici. Imaginez si Monsieur De Malpas entre pour savoir comment se porte le club dont il a donné l'autorisation et qu'il tombe sur cet objet ? Tu crois qu'il se joindrait à toi ? Il douterait du sérieux de notre club et penserait qu'on l'utilise comme prétexte pour s'adonner à des activités interdites !

Abi pouvait fermer les yeux sur certaines choses, elle l'avait accepté en devenant leur amie,  mais elle ne voulait pas tromper la confiance accordée par Nearque lors de la création de ce club.  

James, jusque-là concentré sur son ouvrage, ferma son livre en voyant le sujet commencer à tourner en rond.

« - Qu’est-ce qu’il y a de pire entre ça et un jus fermenté de branchiflor, franchement ? J’avoue que je ne vois pas pourquoi ce serait interdit, en fait. »

Personne ne connaissait le narguilé en occident, et cette pratique des contrées d’Alija n’était en aucun cas réglementée dans l’enceinte de l’école. L’Ashworth ne savait pas vraiment comment se positionner dans ce débat.

« - Mais n’en abuse pas non plus Alija, on gardera ça occasionnel. Et Abi… T’en fais pas pour De Malpas, vraiment, lui-même se foutait clairement de sa matière quand on est allé le voir. Tout ce qui l’intéresse c’est de savoir qui fréquente ce club. »

S’il semblait se contenter de répéter ce que venait de dire son confrère, c’était pour confirmer ses dires et rassurer son amie. Elle le savait sûrement plus raisonnable que le Zverotić.

« - Laisse-le s’amuser dix minutes, on craint rien ne t’en fais pas. »

Et puis… ce petit frisson de l’interdit était toujours agréable pour des adolescents de leur âge. Malgré l’excitation, un nouveau bâillement vint déranger l’Ashworth et l’agacer. Il se leva.

« - J’en peux plus, je suis crevé en ce moment. Je crois que je dors mal à cause de tes ronflements bratan. » dit-il en rigolant, avant de se diriger vers la fenêtre pour observer le parc sous la nuit tombée.

S’il en rigolait, James avait ressenti le besoin d’en parler car son état l’inquiétait légèrement depuis quelques jours. Ce n’était habituellement vraiment pas son genre de faire des siestes.

En effet leur conversation tournait en rond et James avait décidé de mettre tout le monde d'accord en la rassurant. Elle fut tout de même un peu déçue d'apprendre que De Malpas avait autorisé la création du club pour simplement en apprendre plus sur les élèves qui souhaitaient les rejoindre. Elle qui s'était confiée la mission de donner tout son possible pour promouvoir la divination en guise de remerciement pour leur professeur et la confiance attribuée... Mr De Malpas voyait les choses d'un oeil bien différent du sien. Au bout du compte, les activités qu'ils pouvaient faire ici n'avaient que peu d'importance et Abi était peut être la seule à se soucier un minimum de la divination. Elle savait que le club n'était pas leur objectif principal mais son esprit Serdaigle l'avait rattrapé, elle appréciait ainsi le club et souhaitait le voir perdurer et tenu avec sérieux.  Si elle ne le faisait pas pour monsieur De Malpas, elle le ferait par respect pour cette noble discipline que constitue cet art magique.  

Ainsi elle laissa Alija se détendre avec son instrument pour les brutes !

Les paroles suivantes de James l'intriguèrent et lui rappellèrent sa propre situation. Depuis la rentrée, depuis la fin des vacances même, elle trainait elle même plusieurs signes de fatigue. Si les signes ne s'aggravaient pas, ils persistaient et cela l'handicapait. Ses cours étaient plus difficiles à absorber, sa magie rayonnait beaucoup moins et rendait également l'apprentissage plus pénible. Etait-ce une nouvelle coïncidence ? Malgré sa volonté de ne pas se faire de films, après ce qu'elle avait vécu la veille dans la grande salle, cela commençait à faire beaucoup... Mais la jeune fille avait peur, peur d'être la responsable de la fatigue de James et de celle de Dana et d'être ainsi vue comme la peste.

Il lui était ainsi difficile de rire avec James sur ce sujet comme c'était le cas sur tant d'autres. Elle ne savait pas comment réagir, faire part de ses inquiétudes ? Ou continuer comme si de rien n'était ? Abi présentait sur son visage des signes de fatigue évidents, qu'elle ne pouvait pas dissimuler.  

- C'est peut être qu'une période... Moi aussi je suis fatiguée en ce moment mais c'est le temps de reprendre le rythme de l'école !

Abi conservait l'espoir d'aller mieux les prochains jours, elle ne voulait alarmer personne en racontant ce qui l'effrayait. Elle considérait également qu'il était encore trop tôt pour tirer des conclusions. Néanmoins, ne pas être totalement franche avec ses amis lui causait une énorme boule dans le ventre.

Pour l’heure, James n’avait pas encore eu le temps de s’inquiéter de sa condition. Après tout, il sortait encore d’une victoire récente face à un septième année au club de duel… Ce qui n’était pas rien.

« - Ça vient de ton narguilé, c’est sûr !! » fit James en rigolant, ne croyant pas en ses propres paroles.

Naturellement, le serpentard suivait son ami dans la pièce annexe, sûrement suivi par l’enchanteresse. Il aura laissé son livre traîner sur le canapé entre temps.

« - Bon alors Abi, raconte-nous cette rentrée chez les bleus un peu… T’as pu jauger Celonia vite fait ? Et d’ailleurs… T’avais pas un dessin à nous montrer ?… »

La voix du serpentard se perdit tandis qu’ils passaient l’encadrement de la porte, laissant la suite de leur discussion privée…

En pénétrant dans les locaux du club, Celonia put remarquer la présence d’un garçon de dos, visiblement remonté contre une pile de papiers et de dossiers organisée de manière très ordonnée sur une table devant laquelle il se tenait debout. Légèrement penché dessus, ses mains crispées sur ses rebords, phalanges blanchies - c’était presque à croire que de la fumée allait lui sortir par les oreilles!

- Ughhhr, grogna-t-il.

Il y avait bien une présence, mais pas celle de James. Qui était ce jeune garçon qui semblait avoir fort à faire ? De dos, elle ne le reconnût pas tout de suite et la lassitude dont il semblait témoigner la fit hésiter à agir. Toutefois, après quelques instants, il lui sembla bien reconnaître Daniel Lockwood, un camarade de sa promotion, ce qui la rassura un peu ! Elle n'était pas la seule cadette membre du club, ce qui avait de quoi la rassurer. Marchant d'un pas aussi feutré que faire se peut, elle s'immobilisa à quelques mètres de Daniel et l'interpella de sa petite voix :

- Besoin d'aide pour quelque chose, Daniel ?

Demanda-t-elle en fixant le jeune garçon.

- Ah! s’écria Daniel dans un sursaut, son bras se relevant par réflexe envoyant valser par terre une bonne dizaine de papiers.

Prestement, il se mit rapidement à genoux pour les ramasser, sa surprise initiale bien vite dissipée.

- Merde, merde, merde!

Sans doute trop plongé dans ses pensées, même la petite voix de Celonia Harpis avait suffi à faire sursauter le jeune garçon. Cette dernière, quelque peu déroutée par une telle réaction, hocha un sourcil en voyant son camarade se précipiter pour ramasser les feuilles qu'il avait lui même faites tomber. C'était peut être une opportunité pour essayer de lui faire prononcer une parole intelligible. Ramassant la feuille qui était tombée la plus proche d'elle, elle la tendit vers son camarade avant de reprendre la parole :

- Tu m'as l'air un peu trop nerveux pour travailler dans de bonnes conditions, tout va bien Daniel ?

Demanda-t-elle une nouvelle fois, curieuse de savoir ce qui pouvait bien le mettre dans un tel état.

Il hocha la tête avec appréciation lorsque Celonia lui tendit une des feuilles, et s’affaira à rapidement les remettre en ordre. Se faisant, il avait aussi répondu à sa camarade dans le même temps.

- Argh si ça va, ça va, c’est juste que James m’a demandé de travailler sur les registres et les inventaires du club, les classer, vérifier, ce genre de choses… bref! Mais le soucis c’est que genre un tiers des papiers ont été faits par Alija et j’y comprends rien!

Il se saisit à la volée d’un parchemin qu’il tendit déplié devant le nez de Celonia.

- Tiens regarde, t’ar… Il fronça soudain les sourcils, baissant le parchemin qu’il venait d’empoigner pour fixer Celonia en papillonnant des yeux. Euuuuh… tu fais quoi ici en fait?

Alors comme ça il était une sorte d'intendant ? Cela n'était pas si mal, même si la tâche semblait drôlement éreintante au vu de l'état dans lequel se mettait Daniel. La jeune Harpis se pencha en avant pour mieux voir le document qui lui était présenté. Après quelques secondes et alors que son camarade terminait tout juste sa complainte, ses sourcils se froncèrent tandis qu'elle essayait de déchiffrer l'écriture du serbe. Ces ratures étaient elles un langage codé? Une nouvelle langue ? Ou simplement une abominable syntaxe ? La jeune fille n'eut guère le temps de se poser la question, puisque le sibyllin "message" lui fut retirer du nez.

- Ah oui, je suppose que j'aurais mieux fait de commencer par ça.

Répondit sur un ton léger tout en réprouvant un sourire.

- James m'a invitée ici juste avant les vacances d'été. Je l'ai revu il y a quelques jours dans le parc et il a confirmé que l'invitation tenait toujours alors, me voilà.

Elle ponctua sa phrase d'un mou hochement d'épaule, comme pour souligner qu'elle n'avait pas vraiment plus à raconter en l'état.

- Et toi alors ? C'est lui qui t'a invité aussi ?

Ses yeux s’illuminèrent au fil du récit de Celonia. Reposant le parchemin à sa place, il hocha vigoureusement la tête.

- Ouais ouais ouais, c’est bien ça, il souffla un bon coup, mains sur les hanches, les yeux sur son travail, avant de pleinement se tourner vers Celonia. Je suis déjà membre ici depuis le début d’année, donc si t’as des questions je peux essayer d’y répondre, mais euh… j’imagine que tu veux savoir où est James en fait…

Daniel se sentait un peu con.

- Il est juste à côté, dans la salle des fondas. Tu veux que j’aille le prévenir que t’es là?

La réaction de Daniel sembla attendrir la jeune Serdaigle. Le pauvre semblait plein de bonne volonté et elle comprit bien vite pourquoi James lui faisait confiance. Sans arrière pensée, elle gratifia son interlocuteur d'un sourire enjoué avant de doucement hocher la tête.

- Ce n'est pas urgent, seulement s'il n'est pas occupé, mais merci de m'avoir informée. Si tu n'avais pas été là, j'aurais crains de m'être trompée de tour.

Elle n'avait pas jugé utile de demander des précisions sur "la salle des fondas". Si cela était utile, elle pensait que James lui même la renseignerait à ce sujet, ou pas. De toute manière, elle était là en tant qu'invitée et se contenterait bien du peu qu'on lui donnera.

- Nan, nan je crois pas qu’il soit occupé, il est tout seul là donc il doit plancher sur un devoir tranquillement ou taper un somme.

Il souffla du nez, son visage se contorsionnant d’une manière singulière.

- Et au pire si on dérange c’est à moi qu’il passera un savon… j’ai l’habitude… Sa gorge émit un bruit guttural alors qu’il fermait les yeux et se mettait à toussoter.

Les pupilles se rouvrirent, laissant voir des yeux légèrement embués, dont il chassera toute humidité d’un revers de manche.

- Je rigole hein, il se racla la gorge. Bon, bref.

Il cligna des yeux une, deux fois, avant de se diriger vers une porte en fond de salle que Celonia aurait pu ne pas remarquer si Daniel ne s’était pas dirigé vers celle-ci. S’arrêtant devant cette dernière, il frappa à deux reprises de manière très polie sur le bois.