Club de Divination

« - PUTAIN ! » hurla-t-il de rage, expiant une partie de sa frustration qui menaçait de lui faire perdre du temps.

« - Abi... Abi... Putain, putain, putain... »

Ses mains fixés sur son front accompagnaient la petite pause qu'il s'obligeait à prendre. D'une part parce qu'il menaçait de s'effondrer sous le poids de sa nervosité, mais aussi parce qu'il préférait réfléchir avant de se jeter à la poursuite d'un fantôme. James demeurait un planificateur, un adolescent qui appréciait les choses en ordre et bien faites. Comment pouvait-il être certain d'avancer dans la bonne direction... Il s'arrêta aux différents vitraux de la première et seconde salle, jetant un coup d'oeil au domaine du haut de son piédestal. Au moins pendant le temps que prenait sa réflexion, pouvait-il déceler quelque chose au milieu de la nuit noire berçant les Highlands ?

Son regard s'était attardé un instant sur le groupe illuminé qui arpentait déjà le domaine. Devait-il les rejoindre ? Chaque seconde comptait, mais mise à l'échelle du nombre de personnes qui arpentaient déjà les différents lieux évidents du château et de son parc, valaient-elles la peine d'être consumées dans une course menée par l'aléatoire ? L'Ashworth, qui souhaitait du plus profond de son cœur arraché la Wright aux sales pattes de son ravisseur, se sentit d'un coup inutile. Il n'était pas plus utile qu'un autre. Il n'était pas plus endurant ou rapide qu'un septième année, pas plus inspiré que les élèves misérables qu'il battait chaque jour au club de duel. Non, face au véritable danger, l'écossais n'était qu'une ressource comme une autre. Il n'était pas capable de sauver son amie.

Voilà dans quel tourbillon de pensées malheureuses l'élève le plus populaire de sa promotion était tombé l'espace d'un instant. Mais l'orgueil faisait parfois des miracles. Bien sûr que non, James n'était pas comme les autres. Ses yeux écarquillés tel un fou à l'isolement arpentaient la pièce et venaient de raviver la Flamme. Sa flamme. Celle qui avait la force de transformer un garçon ordinaire en un être capable de prouesses. La puissance de son égo venait de le ressusciter.

Rapidement, le serpentard dégagea le tapis du sol en le repliant sur lui-même. De ses mains, il en retira les gants, et empoigna deux livres qu'il jeta par terre. Une écharpe, bien trop correctement pliée pour appartenir à un garçon, fit récupérée à son tour et jetée par-dessus. Enfin, ses paumes nues vinrent accueillir les ignobles tâches bleues qui grouillaient depuis que son sortilège lumineux avait été coupé. Il en subit évidemment les dommages, se faisant mordre à quelques reprises avant d'enfin s'installer en tailleur face au foyer qu'il venait de créer. Il se tapa les mains et les poignets jusqu'à ce que les bêtes tombent sur le vêtement lui-même déposé sur les livres. Dès lors, l'adolescent possédé par sa propre détermination laissa le creux de ses paumes agir. Les premiers crépitements résonnèrent, tandis que ses yeux plongeaient déjà dans le brasier.

Ainsi, James Ashworth, le cœur plombé par l'angoisse, entama son rituel ésotérique. Les flammes émergeaient, virevoltaient comme des spectres insaisissables, tandis que ses incantations s'élevaient vers les cieux, cherchant à conjurer l'incertitude qui étreignait son âme.

« - Allez, Abigail. S'il te plaît. »

La lueur vacillante, pareille à des lucioles dans l'obscurité, éclairait son visage marqué par l'inquiétude. Son esprit fébrile s'accrochait à chaque mot, chaque geste, espérant que des forces mystiques lui apporteraient la clarté tant désirée. Les volutes de fumée s'élevaient, dessinant des arabesques évanescentes dans l'air glacé. James ressentait une tension palpable alors que ses pensées embrasaient l'espace, cherchant le fil ténu de la destinée d'Abigail. Jamais la pyromancie ne lui avait apporter de réponse, mais jamais l'écossais ne lui avait posé de question. Ses mains alimentèrent le feu plus qu'il ne l'avait jamais fait auparavant, créant un profond mal-être en celui qui craignait les flammes autant qu'il les admirait. Si les cris de sa mère résonnaient comme d'habitude en lui, ce n'était pas du chargin mais de la force qu'il en tirait aujourd'hui.

« - Aide-moi. » avait-il alors murmuré, à l'égard d'on ne savait qui.

La sensation ne pouvait être aisément décrite. James venait de vivre des instants différents : des épisodes passés, présents, peut-être même futurs... Le Feu, qu'il avait même fini par incarner, lui avait répondu. Il ne douta pas un instant de ses visions. James se releva rapidement, manquant de tomber, et quitta rapidement les lieux en direction du Circularum après avoir éteint le brasier de la semelle de sa botte. Le club laissé grand ouvert et ses gants abandonnés au sol témoignaient de son unique priorité : sauver Abigail.

Dimanche au soir, le petit Daniel semblait avoir la gueule dans la compote… Il avait mal dormi… En vitesse, il était passé au club de divination, qui était resté ouvert et vide, bizarre… Il avait été mis au courant plus en retard pour l’enlèvement d’Abi - ne s’étant pas réveillé séance tenante pour voler à son secours. Il avait donc voulu passer au club en priorité, mais… nada, niet, walou… sinon les gants de James laissés en plan par terre, et les restes de ce qui semblait être un feu?

- Bordel…

Il soupira, et s’attela à nettoyer et tout ranger à coups de Recurvite mais aussi de balai, avant de ramasser les gants de James et les enfourner dans sa poche ; direction la salle commune. En se dirigeant vers là, il venait de se faire la réflexion que pour trouver James et Alija il aurait pu simplement aller directement là-bas ”p’tain j’suis con”, pensa-t-il.

Libéré du joug de l'infirmerie la veille, James avait enfin retrouvé un goût vif pour la vie et ses rebondissements. Fin du quotidien d'un être amorphe, fin d'une routine infernale, fin de la compagnie forcée de William Hamilton, jamais l'écossais n'avait autant apprécié les escaliers pour se rendre jusqu'à son club, même si une pause s'était imposée au milieu du chemin - l'adolescent n'étant pas encore remis à 100%. Les pas de l'écossais étaient soutenus par ceux du serbe, qui n'hésitait pas à le vanner sur son rythme de grand-père depuis maintenant quasiment 24h.

James déverrouilla la porte et découvrit la pièce parfaitement rangée, en ordre, ce qui lui arracha un sourire satisfait. Ses yeux détaillèrent le tapis remis en place par-dessus son méfait. Il ne put s'empêcher de repenser à la maudite soirée, mais l'aigreur ou la peine n'avaient pas leur place aujourd'hui. Alors, il marcha simplement jusqu'au canapé du fond et s'écrasa dessus. Il ferma les yeux et profita simplement du moment.

« - Putain enfin. » souffla-t-il.

Les yeux clos, l'adolescent reprit.

« - Allez, je t'écoute Alija. »

Le binôme n'était pas venu jusque-là sans raison, ils étaient tous deux impatients d'échanger à ce sujet depuis maintenant deux semaines.

James ne parut pas vraiment surpris avant de découvrir la baguette de Shane en possession d'Alija.

« - Je t'ai vu lui renvoyer son crepitus, ouais. C'est la dernière chose que j'ai vu, d'ailleurs. » avait-il répondu à sa première phrase, pensant que c'était la cause de la mort de Shane.

Voir la lumière s'éteindre et les insectes s'envoler, symbole de la défaite de Shane, avaient libéré James de sa résilience qui s'était évanoui.

« - Je ne t'aurais pas imaginé récupérer sa baguette, par contre... Elle a de la valeur ? »

Simplement étonné, le serpentard las de toute cette histoire ne semblait pas reprocher quoi que ce soit à son camarade dont il attendait l'explication.

« - Ah… » souffla-t-il avant de porter son index et majeur droit à son sourcil.

James observa le serbe déambuler dans la pièce à la recherche de la moindre fourmi qui pouvait s’y cacher. Il était rare de voir le serbe ainsi, mais ce n’était pas difficile de comprendre les raisons de sa prudence… Paranoïaque ? Comme il venait de le dire, beaucoup ne comprendraient pas son acte. Beaucoup, peut-être même son propre frère écossais ? Ce dernier ne laissait pour l’instant rien transparaître si ce n’était un air perplexe. Il réfléchissait, remontait le fil de ses pensées et faisait le lien avec la discussion tenue quelques jours avant qu’Abigail ne rentre chez sa mère. Toutes les pièces du puzzle s’emboitaient logiquement. Il était enfin au courant de toute l’histoire.

« - Pour une mauvaise raison ? C’est à dire ? »

Aucun signe d’animosité ou d’incompréhension ne s’écoulaient de ses traits seulement sérieux, engagés dans la conversation qu’il estimait importante.

Alija Zverotic venait d'avouer son crime. Il avait achevé un homme sans défense, à sa merci, et expliquait de ce fait les raisons pour lesquelles Dante s'était rebellé ce soir-là. Mais la conclusion du serbe résumait bien les conclusions de son propre frère, qui face à lui, se relevait du canapé sur lequel il s'était affalé pour venir lui faire face. James n'avait aucun mal à soutenir son regard, puisqu'au fond de ses prunelles, nulle once de jugement ou de doute ne pouvait trahir sa loyauté. James tendit son bras droit, proposant sa dextre à l'héritier des Balkans, qui s'il l'acceptait, viendrait conclure une espèce d'étreinte fraternelle quasi-militaire et très brève, plus symbolique que réconfortante. L'enfant des Highlands faisait partie de son camp.

En se retirant, James ne lâcha pas l'avant-bras du serbe qu'il tenait toujours avec force, maintenant son regard d'une intensité rare.

« - Tu n'as aucunement besoin de te justifier devant moi, bratan. »

Peut-être que ce n'était pas l'intention première du serbe, mais ses dernières phrases avaient sonné ainsi aux oreilles de son fidèle ami. Il avait peut-être douté, ne serait-ce qu'un instant, de la position qu'allait prendre l'écossais ?

« - He is worth nae weel, that can bide nae wae. » prononça-t-il d'un fort accent écossais tout en relâchant son frère, reculant d'un pas. « - Qui ne veut aucun mal, ne mérite aucun bien. C'est un proverbe de chez nous. Tu t'es sali les mains mais tu l'as fait pour nous, et je t'en remercie. »

Shane avait souhaité tous les tuer ce soir-là, et à quelques centimètres près, James ferait peut-être partie des victimes du soir. Il vouait encore une haine immense à son égard. Un parasite du monde sorcier qui n'avait que mériter son sort.

« - Ne t'en veut pas d'avoir eu pitié, cela prouve que tu es plus humain qu'il ne l'était. Lui ne valait pas mieux qu'un animal. »

James hocha doucement la tête, faisant quelques pas dans la pièce. Sa dernière conversation avec Abigail avait… soulevé quelques problèmes.

« - Elle l’est. Du moins… Dans le sens dont tu l’entends. »

Tout le monde n’avait pas la vision du Serbe ou de l’écossais. La Wright avait bien d’autres cordes à son arc.

« - Mais elle reste… Précieuse. Sa vision des choses, son talent… Elle est très différente de nous mais… Bref, je ne vais pas te rappeler pourquoi Abi est notre amie depuis des années. »

Et James n’avait clairement pas l’envie de prendre sa défense aujourd’hui. Il soupira longuement.

« - Elle est venue me parler avant de rentrer chez elle. Elle a peur, elle ne sait pas quoi penser. Qu’on soit clair… Je ne lui courrai pas après. Si elle décide de ne jamais revenir vers nous, tant pis. Tu es le seul qui compte vraiment pour moi désormais. »

Et ces mots étaient plus importants qu’Alija ne pouvait s’en douter. La semaine passée à réfléchir avait commencé à changer la vision de l’écossais jusqu’alors trop utopiste.

Cela sonna en effet comme une remontrance. James détestait ça, mais c’était une manie qu’avait son frère Serbe et dont il s’était habitué au fil des années. Alija ressentait souvent ce besoin de rappeler qu’il avait raison quand c’était le cas. Il soupira, exaspéré par l’ampleur que prenait cette altercation avec Abigail.

« - Abi m’a dit qu’elle souhaitait qu’on fasse le bien et pas le mal, qu’elle ne savait pas si nous prenions la bonne direction. Des trucs comme ça. »

On pouvait aisément comprendre que James ne souhaitait pas développer, tant cette histoire l’énervait. Il fit un effort.

« - Elle s’en veut de t’avoir laissé faire, je crois. Je sais pas en fait. Je ne sais même pas si elle avait vraiment les idées claires quand elle me parlait tellement c’était… Dénué de sens. »

La Flamme se laissa de nouveau tomber sur le canapé du fond de la pièce.

« - Je ne veux pas parler à sa place. Elle est intelligente, tu le sais. Elle va réfléchir chez sa mère, puis elle reviendra et s’expliquera. On verra ce qu’on fait à ce moment-là. »

Cela ne servait à rien d’épiloguer là-dessus alors que l’enchanteresse était absente. James souhaitait lui laisser une chance de se rattraper.

James fixa le plafond une bonne dizaine de minutes avant de finalement rejoindre le serbe dans la salle annexe. Il était fatigué mais ne tenait pas vraiment en place depuis sa libération de l'infirmerie.

La jeune fille concentrée sur sa tache ne quitta pas du regard sa feuille. Le "nouveau réglement de la Main" ou encore " Ma lettre de démission du club" avait-elle pensé à dire mais c'était beaucoup trop tôt... On risquait de la prendre au sérieux. Elle avait peut être considéré cette option après sa conversation avec James, mais cela n'avait pas duré.

- En serbe oui.

Répondit-elle du tac au tac, comme si rien ne s'était passé.

« - Ta mère va bien ? » demanda-t-il d’un ton sincère.

James venait de claquer la porte et se dévoilait dans l’ombre du serbe. Ses yeux s’attardèrent sur Abigail, espérant du fond du cœur que la fin de cette conversation soit positive. Il alla ensuite s’assoir sur le rebord d’une fenêtre après avoir jeté son sac sur un canapé. Son regard toisait pour le moment le parc extérieur.

La jeune fille termina sa phrase avant de déposer sa plume dans son encrier et de répondre à James. Cela lui a fait du bien personnellement de passer une semaine avec sa mère, il avait été néanmoins difficile pour elle de reconfier sa fille à Poudlard.

- Inquiète mais contente que j'aille bien et que vous allez bien aussi. Elle en veut un peu à l'école et souhaite envoyer une lettre au directeur... Mais je lui ai dit que ce n'était pas nécessaire, j'espère qu'elle ne va pas le faire derrière mon dos...

Mr. Black était un gros poisson, pas sur qu'il ne considère avec sérieux ou qu'il prenne la peine de lire les plaintes de sa mère. Pas assez de temps ne s'était écoulé pour estimer l'école fautive ce qu'elle avait essayé de lui faire comprendre, elle lui avait dit également qu'ils ne pouvaient pas surveille tous les élèves mais il était difficile par moment de faire entendre raison à ses parents, surtout lorsque la santé ou la vie de son enfant était en jeu.